Ils rêvent de voir son cadavre politique couler dans la Seine, devant l’Assemblée nationale. Depuis sa première nomination au poste de Premier ministre français, le 9 septembre, Sébastien Lecornu attise les colères et les rancœurs. Son talent de négociateur, et sa proximité avec Emmanuel Macron, font de lui la cible privilégiée de tous ceux qui souhaitent la chute du président de la République réélu en avril 2022 pour un second mandat de cinq ans.
Ils veulent tuer Lecornu. Pourquoi? Parce qu’ils redoutent son succès, qui offrirait une sortie de crise salutaire à Macron. Mais aussi parce qu’ils voient dans l’ex-ministre de la Défense l’archétype du fidèle du président, qu’il avait rallié en 2017, après avoir claqué la porte de son parti «Les Républicains». Vont-ils obtenir gain de cause. On liste les assassins politiques présumés.
Les tueurs de la droite
Leur chef se nomme Bruno Retailleau, ministre français de l’Intérieur sortant, à l’origine de la crise politique qui secoue la France depuis une semaine. C’est lui qui, par un message posté sur les réseaux sociaux dimanche 5 octobre au soir, a provoqué la chute du gouvernement Lecornu I auquel il appartenait. Motif: Retailleau n’a pas supporté le retour au gouvernement, comme ministre de la Défense, de Bruno Le Maire, un autre ancien du parti «Les Républicains» dont il est le président depuis quelques semaines. Désormais, Retailleau affiche sa volonté de ne plus siéger au gouvernement. Un échec de Sébastien Lecornu serait l’ultime conséquence de son embuscade.
Les tueurs du PS
Le Parti socialiste français est indispensable dans la conjoncture actuelle, pour éviter qu’une majorité de députés à l’Assemblée nationale censurent le gouvernement Lecornu II dont l’annonce pourrait intervenir ce dimanche soir ou lundi matin. Le PS veut au moins la suspension de la Réforme des retraites promulguée en 2023. Ce parti garde aussi une dent contre Emmanuel Macron, qui s’était positionné au centre gauche en 2017 pour remporter la présidentielle. Parmi les socialistes, un vieux pistolero attend sans doute de donner le coup de grâce à Macron, via la chute de son protégé Lecornu: l’ancien président François Hollande, redevenu député de la Corrèze.
Les tueurs du RN
Pour le Rassemblement national, Sébastien Lecornu incarne le pire du macronisme. L’ex-maire de Vernon (Normandie) est un pur apparatchik politique, dont toute la carrière s’est déroulée dans les couloirs de l’Assemblée nationale ou des ministères. Lecornu a pourtant tout fait pour conserver de bonnes relations avec Marine Le Pen, la cheffe du RN. Mais il est à ses yeux responsable de la débâcle et il doit payer. L’objectif du parti de droite nationale populiste est de retourner aux urnes, soit pour des législatives anticipées, soit pour une présidentielle si Macron démissionnait. Lecornu est le fusible qu’il faut faire sauter.
Les tueurs mélenchonistes
La France Insoumise (gauche radicale) de Jean-Luc Mélenchon ne voit Sébastien Lecornu que comme un clone d’Emmanuel Macron. Ce parti, opposé aux institutions de la Ve République et favorable à la destitution de Macron, n’accorde aucune confiance et aucun crédit au Premier ministre. Les députés LFI sont ainsi si persuadés que Sébastien Lecornu, contrairement à sa promesse, utilisera la procédure de vote bloquée de l’article 49.3 de la constitution pour faire voter le budget 2026 du pays. Il l’associe à la politique fiscale de droite menée par Macron. Pour LFI, Lecornu est resté un homme de droite qu’il faut combattre.
Le tueur Macron
Et si le président de la République française était le meilleur ennemi de celui qu’il a nommé Premier ministre le 9 septembre? Dans les faits, c’est faux. Les deux hommes s’entendent très bien. Emmanuel Macron voulait d’ailleurs nommer Sébastien Lecornu à Matignon depuis plusieurs mois. Sauf que Macron déteint sur Lecornu et le contamine. L’impopularité record du chef de l’Etat (seulement 14% d'opinions favorables) est un poison contre lequel le nouveau chef du gouvernement n’est pas inoculé. La presse française pose donc une autre question après avoir entendu Lecornu réclamer «carte blanche» pour marquer son indépendance par rapport au locataire de l'Elysée: à la fin, qui va tuer l’autre?