«Un gentleman en tous points»
Après Epstein, Ghislaine Maxwell pourrait devenir la complice de Trump

Ghislaine Maxwell, compagne de Jeffrey Epstein, est en prison et veut absolument en sortir. C'est sans doute pour cela qu'elle a récemment fait des déclarations qui profitent à Trump.
Publié: 07:59 heures
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Dernière mise à jour: 08:06 heures
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Ghislaine Maxwell avec Jeffrey Epstein dans un jet privé.
Photo: imago images
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Rebecca Wyss

Ghislaine Maxwell a été mise derrière les barreaux en 2021. Elle a abusé de jeunes filles et de jeunes femmes avec le milliardaire américain Jeffrey Epstein et les a présentées à des célébrités. Elle doit purger 20 ans, mais n'en a pas envie, Madame préfèrerait sortir. 

En juillet, les autorités l'ont interrogée pendant deux jours, notamment sur Jeffrey Epstein et Donald Trump. Le président a-t-il participé au réseau de trafic de mineur en tant qu'ancien proche de Jeffrey Epstein ? Le gouvernement américain a publié vendredi des extraits du procès-verbal, dans lesquls Ghislaine Maxwell affirme que «le président n'a jamais été inapproprié envers qui que ce soit. Pendant le temps que j'ai passé avec lui, il a été un gentleman en tous points».

Ghislaine Maxwell fait ici ce qu'elle a déjà fait lors de son procès: nier. Son ex-amant Jeffrey Epstein n'aurait jamais encouragé les hommes à avoir des contacts inappropriés avec ses masseuses ou des jeunes femmes. D'ailleurs, elle est, elle-même, innocente. Jamais elle n'aurait recruté une jeune masseuse de 16 ans à la résidence de Trump à Mar-a-Lago en 2000. 

La masseuse en question était Virginia Giuffre, un témoin stratégique dans son procès. Celle-ci avait déclaré que Jeffrey Epstein et Ghislaine Maxwell l'avaient engagée pour des services sexuels et l'avaient faite passer «comme un plat de fruits» à des hommes influents, y compris le prince Andrew. Virginia Giuffre ne peut plus répondre aux affirmations de Ghislaine Maxwell, elle s'est ôtée la vie en avril 2025.

Sans aucun remords

Sa condamnation, les nombreuses victimes dont elle a entendu les témoignages, le temps passé à réfléchir en prison, tout cela laisse Ghislaine Maxwell parfaitement indifférente. Elle n'exprime aucun remord. Jusqu'à son procès, l'opinion publique avait du mal à imaginer q'elle pourrait être une agresseuse sexuelle. 

Le couple vivait dans le luxe, se rendait à des défilés de mode à Paris ou aux Iles Vierges, où ils organisaient des fêtes débridées qui impressionnaient les jeunes femmes. Ghislaine Maxwell les choisissait pour Jeffrey Epstein. Elles venaient souvent de régions pauvres, de familles brisées.

Ghislaine Maxwell faisait son «shopping», les interrogeait sur leur vie, leur famille. Elle a gagné leur confiance, une pratique qui répond au nom de «grooming». Elle leur a ensuite parlé de sexe, s'est mise nue devant elles, et les regardait avoir des rapports sexuels avec Jeffrey Epstein, qui avait pour rôle de les violer.

Le rôle de Ghislaine Maxwell est difficile à saisir. Etait-elle une esclave au service de son maître? Ou recrutait-elle ces femmes par amour du pouvoir? Peut-être les trois à la fois. Et peut-être même que ses motivations intimes sont bien ancrées dans son histoire personnelle. 

Une fille à papa trop gâtée

Ghislaine Maxwell a grandi à Headington Hill Hall, un immense manoir de style italien avec vue sur Oxford en Angleterre. Son père, Robert Maxwell, avait perdu presque tous ses proches dans l'Holocauste et était passé de l'extrême pauvreté d'une communauté juive tchécoslovaque aux plus hautes sphères de l'Angleterre. 

Il est devenu député travailliste, éditeur, et très riche. Il était notamment propriétaire du «Daily Mirror» à Londres, un journal à grand tirage, et plus tard du «Daily News» à New York. Pour ses cinq enfants, il était une figure de référence. Mais il n'était pas à l'abri des coups du sort.

En 1962, le frère de Ghislaine est décédé dans un accident. Elle n'était encore qu'un bébé. Sa mère, Elisabeth, écrit dans ses mémoires qu'elle et son mari n'ont «presque pas regardé» Ghislaine dans les années qui ont suivi. En grandissant, la petite fille a commencé à souffrir d'anorexie. En découvrant sa maladie, les parents auraient eu mauvaise conscience et auraient couvert leur fille d'affection. Sa mère écrit que Ghislaine «a été très gâtée. C'est la seule de mes enfants dont je puisse vraiment dire cela».

Nier, encore et encore

Robert Maxwell a par ailleurs baptisé son yacht en son honneur: Lady Ghislaine. Sa fille semblait par ailleurs dépendre maladivement de ses faveurs. Selon le «New York Times», même adulte, elle voulait plaire à son père, faisait ce qu'il voulait, y compris sur le plan professionnel. C'est ainsi qu'elle est venue à New York et qu'elle est entrée dans son entreprise d'édition en 1991.

La même année, son monde a vacillé. Son père a disparu du pont du Lady Ghislaine. Son corps a été retrouvé plus tard dans en mer. Les circonstances exactes restent floues, mais le suicide semble évident. Il a été révélé par la suite que l'homme avait détourné 440 millions de livres d'un fonds de pension.

Ghislaine Maxwell l'a soutenu comme elle sait le faire: en niant. Dans une interview accordée à Vanity Fair, elle avait alors déclaré: «Mon père n'est pas un escroc». Selon elle, il n'avait rien volé.

Tel père, tel partenaire

Ces mots font écho à ceux prononcés pour disculper Jeffrey Epstein lors de l'interrogatoire de juillet. Les parallèles entre Robert Maxwell et Jeffrey Epstein sont frappants. Tous deux étaient dominants, riches, sont sortis de la pauvreté, se sont entourés de personnes influentes, sont tombés en disgrâce et sont probablement morts par suicide, raison pour laquelle la justice n'a pas pu leur demander des comptes. 

Il ne reste plus que Ghislaine Maxwell. Si l'on en croit ses avocats, elle ne n'est que le bouc émissaire de Jeffrey Epstein, une victime loin d'être une délinquante sexuelle. Mais nous aurions tort de sous-estimer Ghislaine Maxwell.

Ce n'est probablement pas un hasard si elle a déclaré en juillet que Trump n'avait rien à voir avec les abus et que le gouvernement publie maintenant les procès-verbaux. Elle veut être libérée et elle sait que Trump peut l'aider. Il peut la gracier. En tant que président, il en a le pouvoir, a-t-il déjà déclaré une fois devant les médias. Voilà comment elle se glisse à nouveau dans son ancien rôle. Celui de l'innocente petite fille sage. 

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