800 soldats de la Garde nationale déployés à Washington pour y assister les forces de l’ordre dans leur lutte contre la criminalité, le vagabondage et les gangs. Cette annonce Donald Trump, lundi 11 août, a réveillé le spectre d’une tentative de militarisation de son pouvoir.
Le président des Etats-Unis avait déjà, on s’en souvient, déployé la garde nationale à Los Angeles en juin, contre l’avis de la maire de la ville et du gouverneur démocrate de la Californie, Gavin Newsom. Cette fois pourtant, son annonce résonne différemment, car compte tenu des institutions fédérales présentes dans la ville, cet étau militaire pourrait avoir beaucoup plus de conséquences politiques.
Déploiement de troupes
La première raison de s’inquiéter devant ce déploiement de troupes est l’arrière-plan politique de cette décision. Depuis longtemps, Trump le New-yorkais (même s’il vit aujourd’hui pour l’essentiel dans son golf club de Mar-a-Lago, en Floride, près de West Palm Beach) déteste le District of Columbia, soit l’agglomération de Washington, plus ses faubourgs extérieurs tels Georgetown, Chevy Chase ou Lincoln.
Trump, homme des années 80, assimile toujours la capitale fédérale à cette métropole sans grande foi ni loi qu’elle était dans les années 80-90 sous la direction du très controversé maire afro-américain Marion Barry (décédé en 2014). Il est vrai qu’à l’époque, de nombreux quartiers de la ville étaient «off limits».
Trump n’a pas supporté non plus de voir «sa» Maison Blanche encerclée par les manifestants du mouvement Black Lives Matter, après la mort de Georges Floyd, le 25 mai 2020. Depuis, les grilles de la Maison Blanche, sur Pennsylvania Avenue, sont couvertes de slogans antiracistes. C’est aussi cela que Trump veut éradiquer.
Une guerre contre le «district»
La seconde raison inquiétante, d’un point de vue politique, est la remise en cause par Trump de l’émancipation du District of Columbia, cette entité administrative unique qui regroupe Washington et ses environs, avec une population de 700'000 habitants. En décembre 2024, le district a célébré le cinquantième anniversaire de son autonomie électorale. Avant 1974 en effet, la capitale fédérale dépendait entièrement du Congrès, qui vote toujours son budget.
Elle a été dotée, cette année-là, dans la foulée du scandale du Watergate qui obligea le président Richard Nixon à démissionner, d’un conseil municipal élu, d’un maire élu (aujourd’hui la démocrate Muriel Bowser, dont le poste équivaut à celui de gouverneur d’un Etat), d’une représentante élue (Eleanor Holmes Norton) et de deux «shadow senators», des sénateurs sans droits de vote. C’est ce statut que Donald Trump veut démanteler, pour avoir la main mise directe sur les forces de police de la ville. Motif: le comportement selon lui «biaisé» de celles-ci face aux manifestants du 6 janvier 2021 qui prirent d’assaut le Capitole.
Trump est donc en guerre contre Washington D.C., ville qui abrite une grande partie des administrations fédérales et donc un grand nombre de fonctionnaires qui ne lui sont pas acquis. Là aussi, son objectif est de poursuivre, via sa campagne contre la métropole, ses coupes drastiques dans les services publics et sa guerre contre «l’Etat profond». S’agit-il pour autant d’un coup d’Etat susceptible de permettre au pouvoir exécutif de prendre l’avantage, et de faire dérailler l’Etat de droit? La réponse est non à ce stade.
Les Etats-Unis étaient une démocratie avant 1974 et le district of Columbia, alors, était pieds et poings liés dans les mains du Congrès. Un Congrès qui peut, dès les élections de mi-mandat en novembre 2026, repasser sous le contrôle des démocrates… La révolte de Trump contre le «district» est davantage sociétale et raciale. Cette capitale à majorité noire ne lui a jamais convenu. Tout comme il a entrepris des travaux de rénovation à la Maison Blanche, Trump veut en fait remodeler la ville à son image.