Les Sri Lankais ont voté samedi pour leur élire leur président, deux ans après une crise financière catastrophique. Depuis, le pays est marqué par une cure brutale d'austérité largement impopulaire.
Ouverts à 7h00 locales, les bureaux de vote ont fermé leurs portes à 16h00 (12h30 heures suisses), au terme d'un scrutin calme et marqué par une forte participation, ont constaté les journalistes de l'AFP. «Près de 70% des électeurs inscrits s'étaient exprimés une heure avant la clôture du vote», a-t-on indiqué à la commission électorale. Le dépouillement doit rapidement débuter, pour des résultats attendus dimanche.
Une lutte à trois
A la tête du pays depuis 2022, le sortant Wickremesinghe brigue un nouveau mandat avec pour seul programme la poursuite du redressement à marche forcée de l'île. «J'ai sorti ce pays de la banqueroute (...) Maintenant, je vais faire du Sri Lanka un pays avec une économie, un système social et un système politique développés», a-t-il promis samedi après avoir voté.
Mais la lutte s'annonce particulièrement serrée avec ses deux principaux adversaires, son ex-allié de centre droit Sajith Premadasa et le chef de la coalition de gauche Anura Kumara Dissanayaka.
«Nous n'avons jamais connu de bataille à trois comme celle-là», a relevé auprès de l'AFP l'analyste politique Kusal Perera. «C'est la première élection présidentielle dont personne ne peut sérieusement prédire le résultat».
Si aucun candidat ne dépasse la barre des 50%, la commission électorale devra procéder à un nouveau comptage pour recenser les deuxièmes ou troisièmes préférences des votants et départager les prétendants.
Les Sri-lankais sont à bout
Samedi, de nombreux électeurs de Colombo ont exprimé leur lassitude, épuisés par deux ans d'efforts et de restrictions. «Il faut du changement dans ce pays», a résumé pour l'AFP Mohamed Siraj Razik. «La gabegie des fonds publics au profit de la classe politique doit cesser.»
Vieux «renard» de la politique locale – il a été six fois Premier ministre – Ranil Wickremesinghe a accédé à la présidence en juillet 2022 à la chute de Gotabaya Rajapaksa, chassé de son palais par une foule en colère épuisée par l'inflation et les pénuries. Il a hérité d'une économie étranglée par une dette de 46 milliards de dollars, pour l'essentiel contractée auprès de la Chine, et en pleine récession.
Après de longues tractations, le Fonds monétaire international (FMI) a fini par débloquer en 2023 une aide d'urgence de 2,9 milliards de dollars, en échange de fortes hausses d'impôts et de coupes drastiques des dépenses publiques.
Un pays marqué par la pauvreté
L'ordre est depuis revenu dans la rue et la croissance du Sri Lanka est repartie à la hausse, même si elle reste fragile, a averti le FMI. Mais le pays s'est enfoncé dans la pauvreté, qui touche désormais plus d'un quart de ses 22 millions d'habitants, selon la Banque mondiale.
A la tête du Front de libération du peuple (JVP) d'inspiration marxiste, Anura Kumara Dissanayaka a promis de renégocier les termes de l'accord avec le FMI. «Notre parti a besoin d'une nouvelle culture politique», a-t-il déclaré samedi en votant, confiant.
«Après la victoire, j'exhorte tout le monde à rester calme.»A l'origine de deux insurrections meurtrières au début des 1970 et à la fin des 1980, le JVP a renoncé à la lutte armée et s'est largement converti à l'économie de marché.
Le FMI reste prudent
Le numéro 1 de l'opposition, Sajith Premadasa, devrait lui aussi rallier une partie importante des suffrages des mécontents. Ancien proche de Ranil Wickremesinghe, il s'est lui aussi engagé à arracher des concessions au FMI. L'institution internationale ne semble toutefois pas disposée à adoucir ses exigences.
«Des progrès ont été accomplis, mais le pays est encore loin d'être sorti de l'ornière», a averti la semaine dernière la cheffe de la communication du FMI, Julie Kozack. «Nous avons encore de nombreux défis devant nous», a estimé samedi une électrice, Soundarie David Rodrigo, «alors bonne chance à celui qui arrivera au pouvoir.»