Des orques détachent des tiges d'algues brunes géantes et s'en servent pour se masser mutuellement, un comportement qui constituerait la première observation de fabrication d'outils par des mammifères marins, selon une étude publiée lundi.
Des cétacés (dauphins, orques, baleines) ont déjà été observés en train d'utiliser des «outils» pour chasser leurs proies. Mais cette nouvelle découverte, publiée par la revue scientifique Current Biology, est d'un autre ordre car des orques ont été vues en train de sélectionner et de tailler des tiges d'algues brunes géantes. Cette tige est ensuite utilisée en binôme par deux orques qui la font rouler sur leurs corps pendant un temps prolongé.
Les scientifiques du Center for Whale Research (CWR) et de l'Université d'Exeter (Angleterre) ont observé ce comportement à plusieurs reprises et dans toutes les classes d'âge d'une population peuplant la mer des Salish, dans l'État de Washington, au nord-ouest des États-Unis. Cette observation a été rendue possible grâce à la précision d'images de drone réalisées sur une population d'orques pourtant étudiée depuis 50 ans.
Les orques ne se contentent pas de trouver un morceau d'algue et de «l'utiliser» mais «le modifient pour en faire quelque chose de vraiment différent», a souligné Michael Weiss, directeur de la recherche au CWR, lors d'un point presse en visioconférence. «C'est pourquoi nous disons qu'ils fabriquent ou façonnent un outil», a-t-il ajouté.
«Un outil de toilettage idéal»
Cette pratique pourrait avoir un rôle pour l'atténuation du stress, les relations sociales ou pour la bonne santé de la peau de ces cétacés, avancent les chercheurs. Ferme et flexible, la tige de ces algues est «comme un tuyau d'arrosage rempli, avec une surface extérieure glissante», des caractéristiques qui «en font un outil de toilettage idéal», selon Michael Weiss.
Ce type de pratique est «très rare» chez les animaux, qui utilisent les outils principalement pour la quête de nourriture, selon Darren Croft, professeur à l'Université d'Exeter. Dans le cas des orques, «il peut s'agir d'un problème de santé ou (...) lié à la peau, mais il semble très probable que cela soit lié à un défi social, à un besoin d'avoir des interactions sociales intenses et significatives», a-t-il expliqué.
Une espèce menacée
Dans leur papier, les scientifiques font l'hypothèse qu'il s'agit d'un trait culturel «unique» de cette population d'orques, dites «Résidentes du Sud», dont il ne restait plus que 73 individus en juillet 2024. Ces cétacés sont menacés par la disparition de leurs proies et la pollution, tandis que les champs d'algues brunes où ils fabriquent leurs outils sont en déclin à cause du réchauffement climatique.
«Bien qu'il y ait des milliers et des milliers d'orques dans le monde», il s'agit de protéger une «société unique», «un ensemble unique de comportements et d'interactions écologiques», a pointé Michael Weiss, en soulignant que l'avenir de cette population était «très sombre».