Deux Pologne. Deux Europe. Et Donald Trump qui sort vainqueur des urnes polonaises. Ce qui s’est passé cette nuit en Pologne, où le candidat national populiste Karol Nawrocki (47) l’a emporté au bout de la nuit avec 50,89% des voix, démontre plus que jamais la fracture politique de ce pays frontalier de l’Ukraine. Une fracture qui menace de plus en plus de paralyser l’Union européenne pour ces cinq raisons.
Karol Nawrocki est d’abord nationaliste
L’agenda politique du vainqueur est clair: la Pologne d’abord! Il a d’ailleurs, à chaque fois qu’il le pouvait, brandit le slogan de Donald Trump à la sauce polonaise «Make Poland great again». Attention: il ne s’agit pas d’un candidat pro-Poutine, élu sur un agenda de conciliation avec la Russie, cette puissance redoutée par les Polonais. Nawrocki a surtout surfé sur la fatigue de l’accueil de près de deux millions d’Ukrainiens. Il est hostile à l’entrée de l’Ukraine dans l’Otan et dans l’Union européenne.
Karol Nawrocki va affronter Donald Tusk
Le grand perdant de cette nuit présidentielle polonaise, outre le candidat battu Rafal Trzaskowski (53), est le Premier ministre polonais Donald Tusk (68). Celui-ci, à la tête d’un gouvernement de coalition pro-européen, détient l’essentiel du pouvoir. C’est lui qui siège au Conseil européen, l’instance des dirigeants de l’UE qui se réunira pour la prochaine fois les 26 et 27 juin. Problème: cette cohabitation va continuer de paralyser son action comme cela a été le cas avec Andrzej Duda, le président polonais sortant, lui aussi issue du même parti que Nawrocki: «Droit et Justice», la formation qui a gouverné la Pologne de 2015 à 2023.
Karol Nawrocki, président de la revanche
C’est le paradoxe de ce résultat très serré, et de cette nuit électorale qui avait commencé par l’annonce prématurée de la victoire du maire de Varsovie. Nawrocki a reçu le plus grand nombre de voix jamais réunies par un président polonais, et plus que son prédécesseur Andrzej Duda. A l’inverse, son rival Rafal Trzaskowski a perdu environ un million de voix par rapport au score de la plate-forme civique, revenue au pouvoir le 15 octobre 2023. Trois variables expliquent son succès, et elles sont là pour durer: le ressentiment anti-Ukrainien, le ralentissement économique à l’ouest du pays (où les frontaliers qui travaillent en Allemagne sont nombreux), et le vote rural contre les élites. Il est le président de la revanche d’une Pologne contre l’autre.
Karol Nawrocki sera l’homme de Trump
Il n’y a pas de doutes là-dessus. Après l’échec du candidat pro-Trump à la présidentielle en Roumanie le 18 mai – c’est le maire pro-européen de Bucarest Nicusor Dan qui a été élu – le président des Etats-Unis dispose désormais d’un nouvel allié de choix à Varsovie. Le 2 mai, Karol Nawrocki avait d’ailleurs été reçu par Trump dans son Bureau ovale, à la Maison Blanche. La Pologne, ne l’oublions pas, se profile pour avoir bientôt la première armée d’Europe. Le pays, frontalier de l’Ukraine, consacre déjà 4,1% de son produit intérieur brut à la Défense. Il n’y a pas de vague Trump sur le continent européen, mais Nawrocki sera un point d’ancrage du mouvement MAGA sur le Vieux Continent.
Karol Nawrocki a gagné comme Trump
Ce point-là est très important. Les causes de la victoire serrée de ce candidat contesté, dont la vie personnelle est émaillée d’affaires de corruption et de scandales de mœurs (en raison de sa fréquentation de prostituées) ressemblent à celles qui ont permis à Trump de l’emporter aux Etats-Unis sur Joe Biden. Son adversaire libéral n’a pas fait le plein de ses voix. Une partie des femmes «libérales» l’ont déserté, car il n’a pas assez défendu le droit à l’avortement. Le poids de l’électorat catholique conservateur – et de l’Eglise – a joué à plein. La détestation des élites a été l’un des points d’orgue de sa campagne.