Ils se connaissent bien. Ils s’apprécient. Ils ont en commun des souvenirs de la «guerre sanitaire» contre la pandémie de Covid 19. Alain Berset, 51 ans, et Emmanuel Macron, 45 ans, sont tous les deux de fortes personnalités, convaincus de leur charisme. L’un et l’autre ont surtout leur avenir après la politique en tête. Berset quittera le gouvernement en décembre. Macron ne pourra pas se représenter en 2027, lors de la prochaine élection présidentielle. De quoi rapprocher ces deux dirigeants qui, l’un et l’autre, ont le virus de l’international.
Le Conseiller fédéral a passé l’examen diplomatique avant de se lancer en politique. Le président français ambitionnait de poursuivre une carrière de professeur invité dans une université américaine après son départ de l’Élysée où il conseillait François Hollande. Avant d’être nommé ministre de l’Économie et de partir à la conquête de la présidence.
Visite d’État
Alain Berset et Emmanuel Macron ont, surtout, de bonnes raisons d’afficher leur entente lors de la visite d’État à Berne du président français et de son épouse Brigitte, attendus ce mercredi 15 novembre vers 14h sur la place fédérale. Le premier sait que son avenir professionnel peut passer par Paris.
Toute ambition internationale d’Alain Berset, par exemple du côté des Nations unies, exigera l’appui de la France. Le second a, lui, d’abord un ascenseur à renvoyer à son homologue suisse. L’accueil, dans les hôpitaux helvétiques, de malades du Covid lors du pic de la crise sanitaire, en 2020, fut l’une des rares bonnes nouvelles que le gouvernement français put présenter à ses concitoyens. Alain Berset fut d’ailleurs, en retour, invité au traditionnel défilé militaire du 14 juillet à Paris, auquel participèrent une quinzaine de soldats suisses.
La gifle à Macron
L’alliance est depuis scellée entre ces deux personnalités qui aiment défrayer la chronique. Macron, détesté par une partie de l’opinion française, continue d’aller au contact, quitte à se prendre une gifle en juin 2021. Berset passe du cockpit de son avion privé perdu dans le ciel français en juillet 2022, au collier de fleurs de la Love parade à Zurich en août 2023.
L’autre lien entre les deux hommes est politique. Alain Berset, socialiste proeuropéen dans un pays libéral et eurosceptique, incarne au fond ce qu’Emmanuel Macron rêvait d’opérer en France: un basculement de la gauche vers une doctrine sociale-libérale, compatible avec l’économie mondialisée. On sait ce qu’il est advenu.
En Suisse, le Conseiller fédéral PS fribourgeois a fini par laisser les syndicats dominer le débat européen, avec à leur tête le Vaudois Pierre-Yves Maillard. En France, le président continue de défendre «l’autonomie stratégique» de l’Union européenne, mais il est en minorité au sein des 27 pays membres de l’UE. Tous deux ont, au fond, échoué à faire bouger les lignes. Berset-Macron, ou le tandem de «disrupteurs» transformé par l’exercice du pouvoir en duo de «conservateurs modernes».
Berset et la France
Alain Berset, passionné de politique française et lecteur quotidien du «Monde», tenait à cette visite d’État d’Emmanuel Macron. Il sait que les images resteront. Il sait que le président français, même décrié dans son pays, garde une solide réputation internationale.
Le locataire de l’Élysée a choisi de maintenir sa visite en Suisse, au milieu des turbulences du Proche-Orient, parce qu’il l’avait promis à «Alain». Ces deux-là pourraient bien, demain, se retrouver hors du champ politique. Ils ont, à peu de chose près, entamé leur carrière nationale au même âge (Conseiller fédéral en 2011 pour Alain Berset, secrétaire général adjoint de l’Élysée en 2012 pour Emmanuel Macron).
Berset-Macron: un tandem qui fonctionne au-delà de l’exercice du pouvoir.