La Suisse doit se numériser davantage: la conseillère nationale Estelle Revaz (PS/GE) en est convaincue. Des entreprises en Suisse par des entrepreneurs étrangers! C'est ce qu'elle souhaite rendre possible. Grâce à une carte d'identité numérique, les entrepreneurs étrangers pourraient créer une entreprise dans notre pays – sans jamais avoir à demander de visa.
Ce modèle est devenu réalité en Estonie. Des personnes du monde entier peuvent y enregistrer une entreprise en ligne. Avec la «e-résidence», les fondateurs ont accès à des services électroniques tels que les opérations bancaires, les impôts et les signatures numériques. Rien qu'en 2023, cela a généré environ 67,5 millions d'euros au pays.
Indépendance suisse vis-à-vis des entreprises technologiques américaines
«Pourquoi n'avons-nous pas cela?», se demande Estelle Revaz. Selon la Genevoise, la Suisse offre pourtant des conditions solides pour la création d'une start-up: un système fiscal attractif, une bonne réputation internationale et une place financière sûre. Avec un programme similaire, la Suisse pourrait générer des revenus supplémentaires, progresser en matière de numérisation et s'imposer comme un centre d'innovation.
En outre, cela permettrait à la Suisse d'être indépendante des entreprises technologiques américaines, explique Estelle Revaz. Des sommes importantes sont investies dans la formation et la recherche, mais les jeunes entreprises ne prospèrent pas ici: elles sont revendues à bas prix aux Etats-Unis. «Nous ne récoltons pas les fruits de notre travail.»
Particulièrement attractif en dehors de l'UE
Ce modèle est particulièrement attractif pour les entrepreneurs en dehors de l'UE ainsi que pour les nomades numériques. En effet, la carte d'identité numérique permettrait de créer une entreprise en Suisse sans jamais avoir à y mettre les pieds. «En Estonie, on peut créer une entreprise en 15 minutes», explique Estelle Revaz. Le programme ne confère donc pas la nationalité. «Ce sont deux choses différentes», souligne-t-elle.
Les citoyens de l'UE peuvent de toute façon s'installer en Suisse grâce à la libre circulation des personnes. Pour eux, créer une entreprise hors de leurs frontières n'est pas rentable. Les alternatives locales sont généralement plus simples et moins coûteuses.
Les principaux obstacles pour les start-up en Suisse sont la bureaucratie et le manque de capital. «Il est par exemple impossible de lever des fonds, même en emménageant dans un appartement plus petit», explique la conseillère nationale. Il faut des investisseurs prêts à prendre des risques. En attirant les start-up étrangères, la Suisse pourrait renforcer son paysage d'innovation – et par conséquent, sa propre compétitivité face aux Etats-Unis.
«La Suisse a peur d'investir dans l'avenir»
Mais la «sensibilité suisse» fait obstacle. «La Suisse a peur d'investir dans l'avenir.» Alors que les Etats-Unis voient le risque comme une opportunité, ici la prudence bloque. Un siège numérique permettrait ainsi aux entreprises étrangères de s'implanter en Suisse et de contrer cet état d'esprit.
L'«e-Residency», tout comme l'E-ID, s'inscrirait dans la tendance à la numérisation des pouvoirs publics. Il s'agit d'une nouvelle étape «vers plus d'efficacité et de compétitivité».