Dans le viseur de la justice
Ce mercenaire suisse est accusé de crimes de guerre sur le front ukrainien

Le mercenaire suisse Jona Neidhart a-t-il commis des crimes de guerre sur le front ukrainien? C'est la question sur laquelle se penche le Ministère public de la Confédération qui a repris la procédure en cours de la justice militaire.
Le Ministère public de la Confédération a ouvert une procédure contre le mercenaire suisse pour l'Ukraine Jona Neidhart.
Photo: Samuel Schumacher
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Samuel Schumacher

Les choses se corsent pour le mercenaire suisse Jona Neidhart qui combat aux côtés des troupes ukrainiennes depuis 2022. La justice militaire, qui vient de condamner un autre mercenaire, enquête déjà sur lui depuis 2024 pour son service dans l'armée ukrainienne. Désormais, le Ministère public de la Confédération ouvre également une procédure pénale contre ce Zurichois d'origine pour crimes de guerre présumés.

Il s'agit d'une première dans l'histoire de la justice suisse. Aucun cas comparable n'a jamais été recensé auparavant. Deux incidents sur le front de guerre sont à l'origine de l'enquête pour crimes de guerre.

Les prisonniers de guerre

Début juin 2023, Jona Neidhart a capturé quatre Russes sur le front du Donbass. Les prisonniers de guerre ont dû retirer leurs casques et leurs gilets de protection et porter un camarade blessé. Ces deux pratiques sont contraires à la Convention de Genève, qui définit précisément ce qui est autorisé et ce qui ne l'est pas en temps de guerre.

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Jona Neidhart risque un procès pour crimes de guerre.
Photo: Thomas Meier

La balle dans la tête

Le 30 avril 2025, Jona Neidhart a tiré une balle dans la tête d'un Russe reposant inerte devant lui, alors que le soldat, manifestement blessé et désarmé, avait déjà été touché par des camarades de Jona Neidhart. Il s'agit là aussi d'un crime de guerre présumé, malgré l'ordre de tuer donné par le supérieur.

«
Dans les deux cas, il s'agissait de ma sécurité et de celle de mes camarades
Jona Neidhart
»

Jona Neidhart se sentait en danger

Dans un entretien avec Blick, Jona Neidhart fait preuve de compréhension pour la nouvelle procédure qui pourrait faire de lui officiellement un criminel de guerre. Il justifie ses actes: «Dans les deux cas, il s'agissait de ma sécurité et de celle de mes camarades.» Selon ses dires, des cas de prisonniers russes qui cachent des grenades à main sous leur équipement de protection ou qui feraient le mort pour attirer les Ukrainiens dans un piège se seraient malheureusement produits des dizaines de fois.

Dans le stress extrême de la guerre, beaucoup de choses se trouvent dans la zone grise, explique Jona Neidhart, qui a combattu au total deux ans et demi sur le front ukrainien à partir de mars 2022. «Je suis bien entendu contre les crimes de guerre. Mais lorsque tu combats un adversaire comme les Russes, qui ne respecte aucune règle, il est difficile et parfois tout simplement dangereux d'agir uniquement selon les prescriptions du droit international des conflits armés», souligne l'ancien combattant.

Quatre ans et demi de prison

Jona Neidhart est l'un des 16 citoyens suisses contre lesquels la justice militaire a ouvert une procédure pour service militaire étranger. Comme Jona Neidhart s'est à nouveau rendu en Ukraine quelques mois après son retour en Suisse en été 2024 et qu'il s'est engagé dans l'unité d'élite de la 3e brigade d'assaut, il est considéré comme un récidiviste. Il risque quatre ans et demi de prison.

Avec l'ouverture de la procédure pour crimes de guerre, Jona Neidhart doit désormais s'attendre, dans le pire des cas, à une peine de prison encore plus longue. Jona Neidhart s'en accommode: «J'utiliserais le plus judicieusement possible le temps passé en prison. La peine qui me pend au nez ne me fait pas peur.»

Retour possible en Ukraine

Il veut continuer à coopérer avec les autorités pénales et réitérer son message au tribunal. Selon lui, la Russie ne comprend que le langage de la violence. «Qu'est-ce qui est le plus grave: que la Suisse continue à se contenter de regarder les Russes massacrer des Ukrainiens innocents ou qu'un Suisse ait peut-être été un peu plus dur avec un Russe?», demande Jona Neidhart de manière rhétorique.

«
En Ukraine, certains me considèrent comme un déserteur. En Suisse, la justice pourrait faire de moi un criminel de guerre
Jona Neidhart
»

Un risque subsiste pour ce fervent supporter de l'Ukraine, qui a rompu en juin son contrat de trois ans avec la troisième brigade d'assaut pour retourner auprès de sa mère gravement malade. «En Ukraine, certains me considèrent comme un déserteur. En Suisse, la justice pourrait faire de moi un criminel de guerre». Sur les deux fronts – celui de la guerre et celui de la politique – il pourrait perdre son honneur.

Jona Neidhart accepte le risque. Pour lui, c'est l'Ukraine qui compte, dit-il, et non son honneur. «Je n'exclus pas de me rendre une troisième fois en Ukraine et de me battre pour ce pays.»

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