La Suisse n'est pas seule
Le F-35 pourrit également la vie de ces trois pays

L'achat d'avions F-35 aux Etats-Unis suscite toujours plus de mécontentement dans notre pays. Or, la Suisse n'est pas la seule à être embarrassée par ce dossier. Fâchés contre Trump, plusieurs pays de l'OTAN ont même décidé de faire marche arrière. Petit tour d'horizon.
Publié: 09.07.2025 à 11:44 heures
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Martin Pfister a admis que l'acquisition du F-35 pourrait coûter jusqu'à 1,3 milliard de dollars en plus que prévu.
Photo: keystone-sda.ch
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Daniel Ballmer

Une nouvelle débâcle se profile pour l'armement suisse. A peine entré en fonction, le ministre de la Défense Martin Pfister a dû admettre que l'acquisition des avions de combat américain F-35 risquait d'engendrer jusqu'à 1,15 milliard de francs de coûts supplémentaire. Ceci alors que sa prédécesseure Viola Amherd n'avait cessé de marteler que le prix de 6 milliards de francs était immuable.

Pire encore, des frais d'entretien et de modernisation laissent présager un second milliard de surcoûts. Insuffisant toutefois pour freiner les ardeurs du Conseil fédéral, qui a réaffirmé le 25 juin sa volonté d'acquérir les avions américains coûte que coûte. L'exécutif a cependant reconnu l'existence un problème dépendance vis-à-vis de Washington et a adopté fin juillet une nouvelle stratégie en matière d'armement afin de privilégier les industries suisse et européenne.

La Suisse n’est d’ailleurs pas le seul pays à connaitre des remous au sujet de l'achat des F-35. Trois pays de l'OTAN regrettent, eux aussi, d'avoir misé sur l'avion américain. Petit tour d'horizon des enjeux propres à chacun.

Portugal: une dépendance trop risquée

Le Portugal a fait sensation sur la scène internationale lorsque son ministre de la Défense Nuno Melo a annoncé l'abandon du F-35 au profit d'une solution européenne. Cette volte-face a pour motivation principale la dépendance jugée excessive vis-à-vis de Washington. En effet, les travaux de maintenance, les mises à jour logicielles et les pièces de rechange imposent un contact étroit avec l'administration Trump, qui aurait donc le pouvoir de clouer la flotte au sol en cas de désaccords.

Pour nombre d’observateurs, la décision portugaise marque un tournant pour l'OTAN, une alliance longtemps dominée par l’arsenal américain. Ce faisant, Lisbonne s'aligne sur l'objectif d'autonomie stratégique accrue fixé par l'Union européenne, dans un climat de défiance croissante à l'égard des Etats-Unis de Trump.

Canada: une perte de confiance

En raison de la politique agressive de Trump, le Canada remet lui aussi en question ses projets liés au F-35. Au total, le grand voisin des Etats-Unis a commandé 88 appareils pour un montant de 19 milliards de dollars (environ 16,8 milliards de francs). A l'heure qu'il est, 16 unités ont été livrées.

S'agissant des pièces restantes, le ministre canadien de la Défense Bill Blair souhaite désormais y renoncer et explore d'autres options. La faute aux sanctions douanières et aux provocations de Trump, qui n'a eu de cesse de répéter qu'il souhaitait faire du Canada le 51e Etat américain.

Ce revirement est également lié à des considérations budgétaires. Dans un récent rapport, la vérificatrice générale du Canada – dont la mission est de contrôler les finances du pays – indique que le coût total de l'acquisition d'avions F-35 a grimpé 28 milliards de dollars (24,8 milliards de francs), en raison notamment de l’inflation.

A cela s'ajoutent les 5,5 milliards supplémentaires (4,9 milliards de francs) que devraient couter la mise à niveau du matériel et la modernisation des infrastructures, un scénario qui fait écho aux surcoûts qui risquent de frapper la Suisse.

Danemark: une décision regrettable

Le scepticisme gagne aussi du terrain au Danemark, qui est pourtant un allié historique des Etats-Unis et un membre de longue date du programme d'achat des avions F-35. Sur les 27 appareils commandés, 17 sont déjà en service. Mais plusieurs responsables politiques regrettent aujourd’hui cet achat, là encore en raison de Trump et de ses velléités sur le Groenland.

L'ex-ministre de l’Economie Rasmus Jarlov, grand artisan de l'achat de l'avion américain, a publiquement exprimé ses regrets sur le réseau social X. Il a par la même occasion alerté sur les risques d'une trop grande dépendance à Washington.

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Il faut dire qu'une véritable impasse guette le Royaume scandinave: en cas d’intervention américaine au Groenland, le Danemark se retrouverait sans moyen d’action, préviennent plusieurs experts. Et pour cause. Le F-35 repose sur des systèmes de communication, des mises à jour de logiciels et des pièces détachées intégralement contrôlés par Washington. Là aussi, le risque de se retrouver cloué au sol existe.

Comme pour le Portugal, un simple désaccord avec les Etats-Unis pourrait clouer les avions au sol. Une vulnérabilité dénoncée par l’ex-directeur du renseignement militaire français, mais aussi par l’ancien numéro deux de l’armée danoise, qui qualifie aujourd’hui l’achat d’« acte de naïveté ». Pour l’heure, Copenhague a toutefois décidé de maintenir le cap.

Le F-35 a toujours des adeptes

Bien que retentissante, la défiance affichée au Canada, au Portugal et au Danemark demeure marginale dans le grand concert international. En effet, des Etats comme les Pays-Bas ou la Belgique, ont récemment augmenté leur commande de F-35. Le ministre allemand de la Défense Boris Pistorius a, lui, promis de s'en tenir à sa commande de 35 avions pour la modique somme de 10 milliards d'euros (9,3 milliards de francs).

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