Il n’y a pas que la canicule qui enflamme la Suisse mais aussi le F-35A. A l’heure où l’Europe s’arme et où le Danemark introduit le service militaire obligatoire pour les femmes, notre pays se déchire autour des surcoûts de l’avion de combat. Les passions se déchaînent, les fausses informations fusent et les opposants à l’acquisition du chasseur américain désignent déjà des coupables. Le spectacle est affligeant et donne une triste image de ses politiciens et de nos institutions.
La Suisse et les Etats-Unis ne sont pas d'accord sur le prix d'achat de six milliards pour les 36 avions de combat F-35A. Les Américains réclament 650 millions à 1,3 milliard de dollars supplémentaires alors que notre pays table sur un prix fixe déjà négocié. Certes, nous devons faire rapidement toute la lumière sur ce dossier et voir s’il y a eu des dysfonctionnements. Toutefois il n’est pas nécessaire de faire de la surenchère.
Surtout que Berne s’est mis au travail. La commission de gestion du Conseil National va examiner le traitement qui a été fait des expertises relatives au prix ainsi que les informations fournies par le Conseil fédéral à la haute surveillance parlementaire et au public. Les commissaires se pencheront aussi sur la manière dont les services responsables ont traité les évaluations que le Département de la défense avait commandées ainsi que les recommandations critiques exprimées par le Contrôle fédéral des finances. Cette enquête permettra d’y voir plus clair et de prendre les décisions qui s’imposent.
Tenir tête aux Américains
En attendant les réponses, commençons d’abord par tenir tête aux Américains. Ne cédons à aucune pression. Nous connaissons les méthodes d’intimidation du gouvernement Trump. Or nous avons plusieurs documents et déclarations qui confirment que l’accord sur l’achat de 36 F-35A par notre pays a été passé sous la forme d’un contrat à prix fixe. Et ce n’est pas un soi-disant «malentendu» brandi par les Américains qui doit ébranler notre détermination à faire valoir nos droits et à les défendre.
Le Conseil fédéral doit insister et exiger le respect du prix fixe qui lui a été garanti, même si le locataire de la Maison Blanche a des relations conflictuelles avec les Européens. Dans un Etat de droit, les conditions contractuelles convenues demeurent valables.
Le F-35A indispensable à la sécurité de la Suisse
Une chose est aussi claire: le F-35A reste indispensable à la sécurité de la sécurité. Dans le contexte géopolitique actuel, notre pays a besoin du chasseur américain. Les avions de combat actuels atteindront leur fin de vie en 2030. Et nous avons déjà investi 700 millions.
Cette acquisition est conforme à la décision du peuple, qui a accepté le 27 septembre 2020 un crédit de 6 milliards pour de nouveaux avions. Nous ne pouvons pas faire marcher arrière comme le prétendent les opposants. Ce serait irresponsable d'abandonner un projet clé en matière de politique de sécurité, surtout compte tenu des retards qui en découleraient.
Le F-35A est bon choix pour la Suisse. C’est le plus performant des avions de combat. Le chasseur américain a obtenu de loin le meilleur résultat parmi les quatre avions lors de l’évaluation 2018-2019. Il est aussi l’appareil le plus répandu, à la fois dans l'OTAN et dans l'UE.
D'autres scénarios?
Si toutefois les discussions avec les Etats-Unis n'aboutissaient pas, il faudra alors étudier d’autres scénarios. Par exemple: la diminution du nombre de F-35A. Selon des experts, la Suisse pourrait acheter 28 appareils à la place de 36. Ce qui assurerait notre souveraineté pendant deux semaines au lieu de trois.
Dans une deuxième phase, notre pays pourrait se procurer des avions européens – Rafales ou Eurofighters - pour compléter notre capacité de défense aérienne. Ces avions seraient intégrés au prochain programme d’armement. Cette solution respecte le frein à l’endettement tout en augmentant la collaboration et les synergies avec nos partenaires et voisins.
Tenons le cap. Ne prenons pas le risque d’engager notre pays dans une aventure périlleuse. La Suisse a besoin de ces avions pour affronter les risques d’aujourd’hui et de demain. Et nous ne céderons à aucun chantage.