La chronique de Jacqueline de Quattro
Violence des enfants contre les parents: enrayons cette tyrannie!

Dans sa nouvelle chronique, Jacqueline de Quattro alerte sur un tabou : en Suisse aussi, certains enfants brutalisent leurs parents. Le Conseil national a choisi de mettre en lumière cette réalité inquiétante, malgré la réticence du Conseil fédéral.
Publié: 09.05.2025 à 12:09 heures
Jacqueline de Quattro demande des mesures contre la violence des enfants contre les parents.
Jacqueline de Quattro, conseillère nationale PLR/VD

Des enfants qui se transforment en tyrans, qui frappent leurs parents, les terrorisent à l’aide d’un couteau, les menacent de viol ou de meurtre, les insultent régulièrement. Ces situations révoltantes existent malheureusement en Suisse aussi. Mais elles restent cachées, car c’est un sujet encore largement tabou. Malgré la réticence du Conseil fédéral, le Conseil national a voulu mettre en lumière cette forme de violence, comme je le demandais. Une sage décision.

Ce faisant, le National a fait preuve de cohérence. Au moment où il a décidé d’inscrire le principe d’une éducation sans violence dans le Code civil, il a souhaité que le Conseil fédéral fasse aussi un état des lieux sur la violence d’enfants contre leurs parents. Et qu’il précise par quelles mesures on peut endiguer et prévenir cette maltraitance. Une majorité du Conseil national et presque tous les partis ont soutenu ma demande. Un symbole fort.

Un phénomène en hausse

La violence d'enfants envers leurs parents, connue sous le nom de VEP, est en progression, affirment les spécialistes et les milieux concernés. Entre 2021 et 2023, la police a enregistré en moyenne 388 personnes pour des actes de violence à l'égard de leurs parents: 75,5% sont des personnes de sexe masculin et 24,5% de sexe féminin. Les jeunes de 15 à 17 ans sont surreprésentés. Ces chiffres ne reflètent pas la réalité, ils ne sont que la pointe de l'iceberg. Car aussi bien les parents que les enfants se taisent.

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La majorité des parents hésite à porter plainte. Ils ont honte ou des scrupules. Et ils restent attachés à leurs enfants
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Parmi les raisons de cette violence, le changement de statut familial jouerait un rôle, aux dires des experts. D’autres causes évoquées sont l'alcool et les drogues. De plus, les modèles sur les réseaux sociaux ont aussi un effet négatif, incitant les jeunes hommes à adopter un comportement agressif.

Souvent les parents ne savent pas comment réagir quand le recadrage n’a pas suffi. La majorité d'entre eux hésite à porter plainte. Ils ont honte ou des scrupules. Et ils restent attachés à leurs enfants. Les cas de violences contre les parents sont dans la plupart des cas découverts par le biais de dysfonctionnements signalés hors du cercle familial, à l'école ou lors d'enquêtes pénales ouvertes pour d'autres motifs.

Pas toujours le soutien approprié

Les spécialistes de notre pays se plaignent de ne pas disposer de chiffres précis sur cette thématique, alors que des études ont été menées au niveau européen et en Australie, notamment. Il est pourtant essentiel que cette agressivité envers les parents soit reconnue afin qu'elle puisse être traitée en conséquence.

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La violence du jeune entraîne à la fois des problèmes sociaux et des charges financières pour la société
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Même si la violence du jeune n’est pas toujours intentionnelle, elle fait d’importants dégâts. Elle entraîne à la fois des problèmes sociaux – gestion de la violence, isolement – et des charges financières pour la société. Certes, la Confédération publie tous les deux ans des statistiques sur cette problématique mais c’est insuffisant, relèvent les spécialistes. Ils considèrent également que les mesures mises en place par les cantons et autres acteurs peuvent être améliorées.

Constat partagé par Pro Juventute, qui estime que les mineurs qui ont besoin d'une aide rapide ne reçoivent pas toujours le soutien approprié. En cause, les longs délais d'attente dans les services psychiatriques pour enfants et adolescents. Ce qui est contraire aux engagements internationaux de la Suisse (CDE). Elle a ratifié la Convention des droits de l’enfant.

Aucune forme de violence n'est acceptable

La violence d'enfants envers leurs parents s'inscrit souvent sur la durée et dépend d'une multitude de facteurs. Il est donc indispensable de la prendre au sérieux et d’épauler les familles en difficulté. La lutte contre la violence faite aux femmes est, à juste titre, largement soutenue par Berne avec des programmes spécifiques. La même attention doit être appliquée à la maltraitance envers les parents.

Il est important que la Confédération travaille avec les cantons et les spécialistes du domaine. A l'image de la violence domestique, de la propagation du sida ou des accidents de la route, qui font régulièrement l'objet de campagne d'information auprès de la population, la violence contre les parents mérite également d'être thématisée.

Car aucune forme de violence n'est acceptable.

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