Trump a choqué notre pays, mardi, lors de son discours à l’Assemblée générale de l’ONU en affirmant que 72% des détenus en Suisse étaient étrangers. Le chiffre est exact: il s’élève précisément à 72,5%. Mais il ne raconte qu’une partie de l’histoire. Une analyse plus fine montre que la thèse populiste de Trump, selon laquelle la migration alimenterait la criminalité en Suisse, est plus que fragile.
La Suisse affiche effectivement l’un des taux les plus élevés d’étrangers en prison au monde. Dans les comparaisons internationales, seuls des micro-Etats comme Monaco, Andorre, le Liechtenstein ou encore le Luxembourg présentent des proportions supérieures. Mais ce constat doit être relativisé par le fait que la part d’étrangers dans la population helvétique est elle-même très élevée: 27,4% fin 2024, l’un des niveaux les plus hauts d’Europe.
Une réalité plus nuancée derrière les chiffres
Pour comprendre ces données, il faut distinguer les différentes catégories d’étrangers incarcérés. Selon l’Office fédéral de la statistique (OFS), le 31 janvier 2025, 6994 personnes étaient détenues en Suisse, dont 5069 de nationalité étrangère.
Une étude de l’Université de Lausanne publiée en 2019 souligne l’importance de cette composition. Elle montrait qu’à l’époque, sur 6863 détenus, 49,3% vivaient légalement en territoire helvétique (qu’ils soient Suisses ou étrangers établis), 9,6% étaient des requérants d’asile, et 41,1% appartenaient à la catégorie « autres étrangers ou statut inconnu».
Cette dernière catégorie regroupe toutes les personnes qui n'ont pas de domicile fixe en Suisse, notamment les frontaliers titulaires d’un permis G, les touristes, les sans-papiers ou encore les individus dépourvus de statut de séjour. Les inclure dans les statistiques au même titre que les étrangers établis légalement est donc trompeur.
Et pour cause: au total, 34% de l’ensemble des détenus du pays sont des étrangers sans résidence en Suisse. En détention préventive, cette proportion grimpe même à 49%.
Un coup d'œil sur l'Allemagne et l'Autriche
Un regard sur les pays voisins révèle des tendances semblables, malgré des chiffres légèrement différents. En Allemagne, la part des détenus étrangers atteignait 37,4% fin mars 2024, une proportion en hausse pour la troisième année consécutive. Or, là aussi, ce chiffre doit être interprété en tenant compte de trois variables: la progression générale de la population étrangère, les différences socio-démographiques et la présence au sein de ces statistiques des personnes non domiciliées en Allemagne.
Cette tendance est encore plus marquée en Autriche. Avec quelque 5000 détenus, les étrangers représentaient plus de la moitié de l'ensemble de la population carcérale au début de l'année 2025. Rapporté à leur part dans la population (environ 20%), cela constitue une surreprésentation notable.
Pas de lien avec l'immigration
L’argument selon lequel l’immigration aurait fait exploser le nombre de détenus étrangers en Suisse est infondé. Les statistiques montrent que la proportion d’étrangers dans les prisons helvétiques est restée globalement stable depuis le début des relevés, en 2004. Elle s’élevait alors à 70,7%, avec un pic enregistré en 2013 à 74,3%.
Fait intéressant: c’est précisément en 2013 que l’immigration vers la Suisse a fortement augmenté et que l’initiative populaire «Contre l’immigration de masse» a été lancée. Or, cette hausse migratoire n’a eu aucun impact mesurable sur le nombre de détenus.
Au contraire, les chiffres ont même légèrement reculé dans les années suivantes. De quoi démontrer qu’il n’existe pas de lien direct entre flux migratoires et taux de criminalité. Les thèses populistes comme celles de Donald Trump ne résistent pas à l’examen des faits.