Violence, bruit, déchets, embouteillages: les dérives de la prostitution de rue ont fait les gros titres dans tout le pays au cours de la première moitié de la dernière décennie. A Zurich, la ville a entendu les plaintes des riverains en 2013 et a fermé le tristement célèbre quartier de prostitution du Sihlquai. A Olten, les responsables politiques ont tenté d'endiguer le plus grand trafic de rue de Suisse en interdisant d'y circuler. Une mesure que la ville de Lucerne a également utilisée pour rétablir l'ordre.
Les temps ont changé. La prostitution de rue est en recul partout en Suisse. En 2020 encore, selon la police municipale de Zurich, 85 travailleuses du sexe possédaient une autorisation pour exercer la prostitution dans les zones dédiées de la ville. Au cours des cinq dernières années, ce nombre a diminué: d'ici 2025, il n'y en aura plus que 60.
«Même à la Langstrasse, la situation s'est un peu calmée»
Sur le trottoir d'Olten, où jusqu'à 80 prostituées offraient autrefois leurs services, leur nombre a baissé de plus de moitié. Même constat à Lucerne: «En 2015, il y avait 15 à 20 travailleuses du sexe, aujourd'hui, il n'y a plus qu'une dizaine de personnes», explique Eliane Burkart, directrice de l'association Lisa, qui conseille les prostituées lucernoises.
«Il ne se passe presque rien dans le quartier de la prostitution de rue de l'Allmend, et très peu à Niederdorf», explique Beatrice Bänninger, directrice de la Fondation Solidara Zurich, qui gère un service de conseil pour les travailleuses du sexe. «Et la situation est également devenue plus calme dans la Langstrasse.»
Cette évolution a commencé avec la pandémie de Covid-19, explique Beatrice Bänninger. Le travail du sexe a alors été interdit pendant des mois. Selon elle, le niveau d'avant n'a plus jamais été atteint, même en ce qui concerne les prix payés pour les services sexuels. La numérisation induite par le Covid-19 a eu un impact significatif sur l'industrie du sexe: «De plus en plus d'hommes satisfont leurs besoins par voie numérique.»
Moins de trafic sur la Strichplatz de Zurich
La directrice observe un certain recul de la demande: «De nombreux clients ne sont plus aussi aisés.» Si certaines travailleuses du sexe gagnent encore bien leur vie, «elles acceptent plus souvent des pratiques qui peuvent mettre leur santé en danger.»
Lorsque la ville de Zurich a fermé la zone de prostitution du Sihlquai, elle a prévu une mesure de substitution: la Place de la Prostitution, dans la zone industrielle de Zurich-Altstetten. Cet espace clôturé abrite des «sex-boxes» pour les prostituées et leurs clients. La circulation dans ces box est également moins dense.
Alors qu'après son ouverture il y a douze ans, jusqu'à 30 travailleuses du sexe étaient actives sur le lieu de prostitution, elles ne sont plus que 13 aujourd'hui, comme l'a indiqué le département social zurichois sur demande.
«Les travailleuses du sexe sont devenues moins visibles»
Melanie Muñoz, directrice du centre spécialisé Lysistrada, s'occupe des travailleuses du sexe d'Olten depuis 16 ans. Les femmes qui ne travaillent plus dans la rue n'ont en général pas changé de branche, dit-elle. «Le commerce du sexe s'est simplement déplacé vers des espaces privés.»
C'est ce que confirme l'assistante sociale lucernoise Eliane Burkart: les relations sexuelles sont de plus en plus proposées dans des appartements privés ou Airbnb – tandis que la prostitution de rue ainsi que le nombre de maisons closes est en baisse. Le comportement des clients a changé. Ils ont un besoin accru de «discrétion et d'anonymat». Ils commencent souvent par chercher des offres de sexe en ligne, explique l'assistante sociale. «Cela leur évite de se rendre dans la rue, et il y a donc moins de clients de passage.» Par conséquent, ajoute-t-elle, moins de travailleuses du sexe cherchent des clients dans la rue.
Melanie Muñoz souligne: «Il n'y a pas moins de travailleuses du sexe. Elles sont simplement devenues moins visibles.» De ce fait, elles sont également moins visibles pour les personnes qui souhaitent les aider. Les contacts physiques avec les travailleuses du sexe ont diminué, et elles privilégient désormais les consultations en ligne, explique-t-elle.
Certains clients aiment l'ambiance de la rue
Le centre Lysistrada participe à un projet pilote mené par Procore, un réseau national qui s'engage pour la protection et les droits des travailleuses du sexe en Suisse: un robot analyse les annonces en ligne pertinentes, puis filtre celles de la région. Le service envoie ensuite un message à la travailleuse du sexe pour lui proposer son aide.
Selon Melanie Muñoz, les premiers résultats sont positifs. «Environ 10% des travailleuses du sexe contactées réagissent en remerciant ou en posant une question concrète.»
Pendant des décennies, les villes suisses ont tenté d'éradiquer la prostitution de rue par la répression. Aujourd'hui, c'est la numérisation qui devrait la faire disparaître. «Tout porte à croire que la prostitution de rue est un modèle en voie de disparition», déclare Melanie Muñoz. «Mais je ne parierais pas là-dessus.» Eliane Burkart abonde dans ce sens. «Le trottoir est un cadre particulier que certains clients recherchent spécifiquement, notamment en raison de l'ambiance qui y règne.»