La Suisse se dote d'une stratégie nationale de lutte contre la criminalité organisée. Elle devra scruter tous les secteurs sensibles de la finance à l'immobilier. Les premières mesures concrètes sont prévues pour l'an prochain. Le Conseil fédéral a adopté vendredi cette stratégie, la première du genre.
Cambriolages d'armureries, bancomats pillés, vols de voitures de luxe, mais aussi blanchiment d'argent, traite humaine ou trafic de drogue: la criminalité organisée ne recule pas devant la violence, a déclaré Beat Jans, le chef du Département fédéral de justice et police (DFJP) devant la presse. «Elle menace notre sécurité, notre pays», a-t-il déclaré.
L'évolution que nous observons depuis quelques années est préoccupante, a renchéri au nom des cantons la conseillère d'Etat nidwaldienne Karin Kayser-Frutschi. «Le crime organisé est devenu plus professionnel, plus international et plus violent. Il exploite de manière ciblée l'ouverture de notre société», a-t-elle dit.
La Suisse et sa place financière sont une cible de choix du crime organisé. Début décembre, la nouvelle directrice de Fedpol, Eva Wildi-Cortés, indiquait sur la RTS que le Service de renseignement de la Confédération (SRC) avait fait passer son niveau de menace lié au crime organisé de l'échelon 3 à l'échelon 5 (sur 6) au cours des deux dernières années.
Identifier, prévenir et combattre
Face à ce risque, la Confédération et les cantons ont défini huit champs d'action pour mieux identifier, prévenir et combattre le crime organisé. La stratégie mise sur la sensibilisation et la formation afin que les autorités, l’économie et la société prennent conscience des risques du crime organisé en Suisse. Il s’agira aussi de dresser un tableau complet de la situation, qui permettra de mieux identifier la criminalité organisée dans la société et les diverses autorités.
La stratégie renforce aussi la collaboration entre la Confédération, les cantons et les communes. De nouvelles bases légales doivent permettre de partager plus facilement des informations et de saisir plus rapidement les valeurs patrimoniales d’origine criminelle. Les activités des groupes criminels ne s’arrêtent pas aux frontières nationales. La stratégie prévoit de renforcer l’échange d'informations avec l'étranger. Il s'agit par exemple de favoriser la collaboration au sein d'équipes d'enquête communes dans des cas complexes nationaux et internationaux.
Blanchiment d'argent
Le blanchiment d’argent joue un rôle central dans la lutte contre le crime organisé, en particulier pour la place financière suisse, rappelle le Conseil fédéral. La stratégie prévoit donc d’améliorer le dispositif de lutte contre ce système. Des modifications de loi doivent permettre de prouver et poursuivre plus facilement le blanchiment d’argent.
Des modifications législatives sont également prévues dans le domaine de la poursuite pénale. Les autorités doivent pouvoir sanctionner plus rapidement les agissements pénalement répréhensibles de la criminalité organisée. Il s’agit de favoriser notamment l’incitation à la dénonciation spontanée.
Premières mesures dès 2026
D’ici à la fin de 2026, le DFJP élaborera, en collaboration avec les cantons et les communes, un plan d’action qui définira des mesures concrètes, des compétences et des délais. Les mesures nécessitant des modifications de loi seront regroupées dans un paquet législatif. Le projet devrait être prêt pour consultation à la fin de 2027. Les mesures qui ne nécessitent pas de modifications législatives seront mises en oeuvre par la Confédération et les cantons à partir de 2026.
Côté financement, la Confédération, les cantons et les communes mettront à disposition les ressources nécessaires. Pour 2026, le Parlement a déjà ajouté 1,8 million à l'enveloppe réservée à l'Office fédéral de la police (Fedpol). Il a en outre chargé le Conseil fédéral de créer jusqu’à 200 nouveaux postes au sein de la Police judiciaire fédérale (PJF) au cours de la prochaine décennie. La stratégie sera évaluée au bout de quatre ans et sera adaptée si nécessaire.