Du poulet suisse d'Europe de l'Est, du Suure Mocke suisse d'Uruguay et du cochon de lait présenté comme de la viande fraîche suisse provenant d'un congélateur étranger. De la viande congelée, puis décongelée se serait retrouvée à de multiples reprises au rayon de la viande fraîche avec une nouvelle étiquette, rapportent d'anciens collaborateurs des Carna Center de Suisse orientale. Ceux-ci servent aussi bien la gastronomie que les clients privés.
Ce ne sont là que quelques-unes des nombreuses plaintes rapportées par les collaborateurs de ce géant de la viande. Blick a rendu l'affaire publique cette semaine. Et cela a provoqué un séisme dans la branche…
Pour rappel, en 2014, l'entreprise grisonne Carna Center avait provoqué le plus grand scandale de la viande en Suisse. Aujourd'hui, l'histoire se répète. Et comme à l'époque, les responsables contestent les accusations avec l'aide d'un avocat. Une enquête interne «n'a pas confirmé ces accusations», déclare l'avocat de l'entreprise, Andreas Meili.
Les inspecteurs des denrées alimentaires étaient au courant
Blick sait désormais que les inspecteurs des denrées alimentaires de l'Office saint-gallois de la protection des consommateurs et des affaires vétérinaires ont depuis longtemps les filiales de Carna Center dans leur viseur. Un détail surprenant? Depuis mi-novembre 2024, les responsables étaient au courant des manœuvres et des tricheries présumées de l'entreprise. Un ex-employé avait fait parvenir à l'office une «communication confidentielle concernant des irrégularités au sein de Carna Center AG». En annexe du mail, des photos et des documents comme preuves.
Selon nos informations, l'inspecteur en chef des denrées alimentaires du bureau régional de Saint-Gall aurait confirmé au collaborateur de Carna Center la réception du «message et des documents». Par mail du 19 novembre 2024, il a promis de les examiner et de définir la suite de la procédure. «Nous connaissons le Carna Center de Saint-Gall», a écrit le responsable du bureau régional à l'employé.
Que s'est-il passé dans l'intervalle? L'office a-t-il examiné ces documents et entrepris des clarifications? Y a-t-il eu des inspections? Plus de six mois se sont écoulés avant que les reproches des ex-employés du Carna Center ne soient rendus publics! Interrogé à ce sujet, le service de presse du canton de Saint-Gall a refusé de répondre. Même une demande d'accès au dossier via la loi sur la transparence a été rejetée, en invoquant le devoir de discrétion.
«Nous contrôlons les entreprises de production alimentaire à intervalles réguliers. En cas de soupçon d'irrégularité, l'office procède également à des contrôles au cas par cas», répond simplement le département de la santé compétent.
Qui contrôle les contrôleurs?
«Où étaient les contrôleurs des denrées alimentaires?», demande Maya Graf, conseillère aux Etats des Vert-e-s de Bâle-Campagne. Les établissements présentaient des défauts évidents. Mais apparemment, personne ne s'est senti concerné. Cela témoigne d'une activité de contrôle déficiente.»
Maya Graf a siégé au Parlement en tant que conseillère nationale lors du premier scandale de Carna Center il y a onze ans. A l'époque, elle avait demandé au Conseil fédéral d'augmenter les contrôles. «Refaire la même erreur est un scandale absolu et une mauvaise nouvelle pour toutes les entreprises qui se respectent», déplore l'élue. Selon elle, toute une industrie est désormais prise en otage. «La confiance dans la branche de la viande est perdue, et les boucheries et les exploitations agricoles qui misent sur le bien-être des animaux et une qualité élevée vont en faire les frais.»
La conseillère aux Etats ne comprend pas que les autorités soient restées inactives malgré les informations. «Le Parlement cantonal doit maintenant ouvrir une enquête pour savoir pourquoi les offices compétents ont manifestement échoué.»
Les entreprises sérieuses ne souffrent pas seulement de l'atteinte à leur réputation. Celles qui déclarent correctement la marchandise se retrouvent également à la traîne en termes de prix et de marges. «Ce qui est regrettable, c'est que de telles fraudes sont incroyablement lucratives. On vend au prix de la viande suisse de la viande produite dans des conditions catastrophiques dans des élevages de masse à l'étranger», résume Maya Graf.
Il est impératif de mieux collaborer avec les pays européens voisins. «Pour que la traçabilité de l'origine soit garantie», conclut-elle.