Noémie Roten répond aux critiques
«Le service citoyen est l’antithèse du bénévolat des femmes!»

La présidente du comité d’initiative, Noémie Roten, conteste les arguments de la gauche, rappelant que les femmes seraient rémunérées à égalité avec les hommes justement dans ce cadre, et qu'elles acquerraient des compétences très utiles en sécurité et gestion de crise.
Publié: 19:54 heures
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Pour Noémie Roten, les Socialistes oublient que le service citoyen est justement rémunéré.
Photo: KEYSTONE
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Myret ZakiJournaliste Blick

La gauche n'aime décidément pas du tout l'initiative populaire qui vise à rendre le service citoyen obligatoire pour tous, et qui sera votée ce 30 novembre. La députée socialiste vaudoise Jessica Jaccoud et sa camarade de parti bernoise Tamara Funiciello ont ainsi critiqué l’initiative le 30 octobre, estimant que les femmes réalisent déjà un service citoyen à travers le travail non rémunéré.

«Comment ose-t-on demander aux femmes d'en faire encore plus pour la société, avec tout le poids qu'elles portent déjà sur leurs épaules?» s'offusquait Tamara Funiciello à Blick. Le service citoyen représente «des contraintes en plus», pour les détractrices du projet, «sans solutions aux inégalités structurelles que vivent les femmes tout au long de leur vie». Contactée par Blick, la présidente du comité d’initiative, Noémie Roten réagit à ces critiques. Genevoise d’origine valaisanne, la soldate et juge militaire n’est membre d’aucun parti politique, mais elle admet qu’en général, elle penche pour le centre-droit en matière de politique sécuritaire. Elle répond point par point aux critiques.

Noémie Roten, le service citoyen n'est-il pas une contrainte de plus pour les femmes déjà débordées de travail non rémunéré?
Au contraire, cette initiative est l'antithèse du bénévolat. Elle traite les femmes et les hommes à égalité. Les femmes font en effet énormément pour la collectivité, mais de manière invisible, non rémunérée, pour les enfants, les parents âgés, l’entourage. Avec le service citoyen, chaque jeune peut être reconnu et rémunéré pour son engagement par le biais des APG (Allocations pertes de gains), qui représentent 80% de votre salaire. 

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Les hommes qui font le même stage qu'une femme non rémunérée dans une institution socio-caritative sont quant à eux rémunérés via le service civil
»

Mais ce travail, même dédommagé, ne viendrait-il pas se cumuler à toutes les tâches existantes qu'ont les femmes?
Tout d’abord, on parle des jeunes femmes de 18 à 25 ans. L’âge moyen pour un enfant en Suisse est de 31,2 ans. La plupart des femmes concernées n’ont pas encore d’enfant. Ensuite, une partie des tâches bénévoles pourrait entrer dans le cadre du service citoyen, et être rémunérée.

Lesquelles, par exemple?
Aujourd'hui, beaucoup de jeunes femmes font des stages bénévoles non rémunérés dans des institutions caritatives. Or les hommes qui font le même travail dans le cadre de leur service civil sont quant à eux rémunérés. Et cela changerait. Idem dans les homes pour personnes âgées ou dans le voisinage. Les socialistes, en affirmant que les femmes font déjà trop de travail bénévole, omettent donc qu’une partie de ce travail pourrait devenir rémunéré via le service citoyen.

Iriez-vous jusqu'à dire que cette initiative est égalitaire?
Oui, cette initiative est égalitaire. Elle trouve d'ailleurs des opposants parmi certains UDC conservateurs, tels Jean-Luc Addor, qui la critique en disant en substance que les femmes qui endossent déjà la majeure partie du travail domestique ne rêvent pas de s'engager dans le cadre du service citoyen. Cela devrait faire réfléchir les socialistes. Au final, Tamara Funiciello et Jessica Jaccoud renforcent les stéréotypes de genre.

De quelle manière?
Elles défendent un statut quo qui favorise un système où les hommes vont à l’armée, pendant que les femmes restent à la maison à s'occuper des enfants. Donc si on les écoute, les femmes doivent continuer à faire du travail non rémunéré pendant que les hommes peuvent faire du service à la patrie rémunéré. C’est cela qui renforce des stéréotypes de genre au détriment de l’égalité. 

En quoi le service citoyen, lui, lutterait-il contre les stéréotypes?
En ce qu'il apporte aux femmes une compétence accrue à travers la formation qu'elles obtiennent au niveau de la sécurité, comment se comporter en cas de crise, de guerre, de catastrophe naturelle, de blackout, ou comment porter les premiers secours. A ce jour, il n’y a que les hommes qui reçoivent ces formations, tandis que les femmes n’apprennent pas à se défendre, elles sont cantonnées à un rôle de spectatrices.

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Les Socialistes veulent le statu quo quand les femmes font du travail non rémunéré et invisible. Cela me met en rage.
»

A vous entendre, les femmes socialistes se tireraient donc une balle dans le pied?
Oui. Aujourd'hui, en Suisse, les femmes sont exclues d’un engagement rémunéré, et d’un système qui leur apporte des connaissances, des compétences et un réseau. Et les socialistes prétendent qu’elles défendent la cause des femmes? Cela me met en rage. En prenant cette position, elles favorisent une situation où les femmes continuent à faire du travail non rémunéré et invisible.

Comment expliquez-vous que l'initiative ne convainc ni le Parlement, ni le Conseil fédéral?
Le Conseil fédéral manque totalement de vision. Cela fait 15 ans qu’il écrit rapport sur rapport sur les possibles réformes de l’obligation de servir, mais n'a pas le courage ou l'envie d'inclure les femmes dans le système de l'obligation de servir. C'est pourquoi la société civile a lancé cette initiative. Parce que ni l’administration fédérale, ni le Parlement, ne font leur travail, en raison de blocages politiques et dogmatiques.

De quels dogmes parle-t-on?
Tandis que l’UDC veut affaiblir le service civil car il fait de la concurrence déloyale à l’armée, la gauche veut quant à elle abolir l’armée, car cela fait encore partie du programme socialiste aujourd’hui. 

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