Vos désirs sont des ordres! Il y a quelques jours, dans un article consacré aux films de Noël, nous vous proposions de choisir parmi trois sujets différents, afin de nous aiguiller quant aux thématiques qui vous plaisent le plus. Un maximum de personnes ont ainsi pu voter pour le sujet que vous vous apprêtez à découvrir. Bonne lecture!
«Et le mariage, alors, c'est pour bientôt?», «L'horloge biologique tourne, ma biche, il faudrait quand même y penser!», «Pourquoi tu mets du fond de teint, toi, tu es un homme!», «Qui a osé apporter cette imposture de foie gras? On dirait du tofu moisi!», «Et toi, Gaza, tu en penses quoi?»
Voilà le genre de questions qui risquent traditionnellement de tomber, entre la dinde aux marrons et la bûche végane, lors d'un repas familial agrémenté de houx piquant. On a beau s'y attendre, elles nous prennent quand même de court, par leur indiscrétion, leur maladresse ou leur don surnaturel à nous faire partir au quart de tour. Alors, on se justifie, on explique, on désespère, on essaie de lancer des éclairs par le regard… et la conversation finit par flamber comme un pudding anglais.
Une maladresse typique de la famille éloignée
«En fin d’année, on retrouve des personnes qu’on n’a pas l’habitude de côtoyer régulièrement, des membres de la famille qu’on croise seulement lors des grandes occasions, confirme Adèle Zufferey, psychologue spécialiste en psychothérapie FSP. Il peut donc exister une forme de gêne et de maladresse dans les interactions, qui nécessitent un peu de small talk, pour commencer. Or, dans le cadre familial, ce small talk concerne souvent la sphère privée et les projets de vie, dans le sens où l'on cherche quand même à démontrer un intérêt plus profond.»
Car il ne semble pas convenable, en tant que tante ou cousin, d'évoquer la météo, comme on le ferait sans hésiter avec notre chauffeur Uber. En famille, on veut faire un effort, aller plus loin… et puis, on est sincèrement curieux, aussi. «Cette dynamique s’enclenche, à la base, pour lancer la conversation, mais peut être vécue comme étant plus intrusive que si l’on abordait des thèmes neutres», analyse notre experte.
Si vous redoutez déjà l'interrogatoire que risquent de vous imposer certains membres de la famille, voici quelques idées pour vous préparer et vous protéger.
Si un membre de la famille vous demande des détails sur votre déchirante rupture, votre avis sur la guerre en Ukraine, le président Trump, le wokisme ou le polyamour, il peut être difficile de ne pas répondre de manière élaborée, surtout si ces sujets déclenchent une réaction émotionnelle. Or, Adèle Zufferey rappelle qu'il n'est absolument pas obligatoire d'entrer dans les détails si la question provoque des émotions difficiles.
«Pour esquiver un sujet qui vous heurte ou qui touche à la politique actuelle, l’idée est de recentrer un maximum la discussion sur des choses neutres, qui ont moins d’impact émotionnel, souligne-t-elle. Et rappelons qu’on a totalement le droit de refuser de répondre, en affirmant par exemple ‘Ok, c’est ta vision’, sans poursuivre le débat. Sinon, on risque de s’épuiser ou de laisser les opinions s’enflammer.»
Face à une question d'ordre privé (du genre, «Tu n'as pas envie de te marier?»), la psychologue recommande de ne pas se justifier: «On peut répondre par des phrases vagues, peu informatives et sans démonstration émotionnelle, comme ‘ça viendra quand ça viendra’, ou simplement ‘Ben non, pas en ce moment', propose-t-elle. Moins on donnera d’informations, moins la personne pourra s’engouffrer dans les petites brèches.» En d'autres termes, moins on nourrit la discussion, plus elle s'essoufflera rapidement.
Si vous pouvez déjà anticiper qu'une tante ou un ami de la famille fondra sur vous avant même que le parfum du vin chaud ait embaumé la cuisine, essayez simplement de le prendre de court en le bombardant de questions:
«Une excellente arme de protection face à une personne qui se montre un peu indiscrète ou insistante est justement d’inverser les rôles en lui posant plein de questions, suggère la psychologue. Elle sera certainement ravie d’y répondre et cela l’empêchera de nous soumettre à un interrogatoire sur notre vie amoureuse, si l’on n’a pas envie d’en parler.»
Votre sœur redoute les mêmes questions que vous? Votre frère non plus n'est pas marié? Votre cousin aussi déteste les opinions politiques de votre tante? Faites équipe avant même le repas, afin de pouvoir compter les uns sur les autres face aux éventuelles piques ou questions difficiles.
«Le fait de pouvoir identifier quelques alliés dans la pièce, un frère, une sœur, une cousine, des personnes ayant les mêmes valeurs, peut s’avérer très bénéfique, souligne Adèle Zufferey. On sait qu’on se comprend, qu’on pourra échanger des regards et débriefer après le repas.»
Un simple clin d'œil à une personne qui connaît ou partage nos sentiments peut ainsi constituer un grand soulagement et à dédramatiser la situation. Ce type de soutien peut également contribuer à évacuer le stress, après la soirée: une fois le repas terminé, on peut s'adonner, par message ou en live, à un débrief détaillé des remarques les plus insupportables qu'on aura entendues. Et se féliciter mutuellement d'avoir résisté à l'envie de lancer un plat de pommes duchesse par la fenêtre.
En fin d'année, les batteries sont vides, les agendas remplis et les finances pesantes. Ce n'est donc pas le moment de s'engager dans un débat politique épuisant, que même le pain d'épices ne saurait adoucir. D'autant plus que, la plupart du temps, cela ne sert strictement à rien.
«Il faudrait essayer d’accepter qu’on ne pourra pas changer tout le monde, que certaines idées vont rester et qu’un oncle conspirationniste depuis dix ans ne changera pas d’avis le temps d’un repas, estime Adèle Zufferey. Je conseille aussi de s’ôter le poids et la pression d’être la personne qui doit changer les choses et constamment militer.»
Notre experte rappelle en outre qu'on a totalement le droit de refuser de donner son avis, en affirmant par exemple «Ok, c’est ta vision», sans poursuivre le débat. «Sinon, on risque de s’épuiser ou de laisser les discussions s’enflammer. D’ailleurs, un repas de famille n’est pas un contexte dans lequel on doit obligatoirement se positionner, surtout si l’on s’est engagé durant toute l’année. On n’est pas forcé de saisir toutes les perches ou de mener toutes les batailles qu’on nous propose. A certains moments, il est tout à fait possible et même nécessaire de ne pas renchérir. On n’a pas le devoir de former tout le monde, ni le pouvoir de modifier leurs opinions.»
Et si c'est trop… on peut toujours partir
Les conseils ci-dessus concernent des questions maladroites, posées sans réelle intention de cruauté. Si, toutefois, vous êtes confronté à un manque de respect, si le repas devient une souffrance ou si certaines limites sont enfreintes, Adèle Zufferey souligne qu'il est possible de partir: «Rien ne nous oblige de rester vissé à cette table, insiste-t-elle. Parfois, il est plus facile de serrer les dents pour préserver une forme de paix superficielle, mais on a le droit de se protéger si on n’en peut plus.»