Ils sont assis sur le canapé du salon familial avec décontraction et bonne humeur. Une petite pointe de curiosité à l’idée de se faire interviewer aussi et aucun souvenir bien sûr d’avoir été l’objet d’attention médiatique durant leur petite enfance. Et, pour cause, Sulejman, Leonisa, Ardian, Bleona et Suela (par ordre d’aînesse) sont des quintuplés. Tous issus d’un spermatozoïde et d’un ovule différents. Un cas unique encore à ce jour en Suisse romande.
Le 8 juin dernier, ils ont fêté leurs 18 ans! Pour Jetmire et Miftar Ademi, leurs parents, âgés de 42 ans, un couple suisse d’origine albanaise, il n’y a pas que les doigts de la main ou les sens qui sont allés par cinq, mais aussi leurs enfants! Ils étaient en vacances lors de la première échographie, se remémorent-ils. «Au premier contrôle, on nous a dit qu’il y avait trois embryons, et puis cinq au deuxième!» sourit Miftar. On imagine sans peine le choc. Une famille nombreuse en une seule fois, ce n’était pas ce que ce jeune couple de 24 ans avait planifié, même s’il y avait eu des jumeaux dans la famille. Déjà, la probabilité de mettre au monde des quadruplés est de 0,0002%. Imaginez pour des quintuplés!
Quarante personnes mobilisées
Des naissances à haut risque au CHUV, qui n’avait jamais connu pareil événement. Le ventre de Jetmire à vingt-huit semaines et demie pesait 6 kg. Flash-back sur cette incroyable odyssée de natalité qui a mobilisé 40 personnes dans le service de néonatologie. Quasi un décollage à la NASA pour la précision des gestes à effectuer dans un minimum de temps! Une césarienne et cinq extractions de bébé en cinq minutes, trois salles occupées, deux médecins et une infirmière pour chacun de ces grands prématurés placés immédiatement en couveuse et dont le poids variait entre 1 et 1,5 kg.
Difficile de croire à cette fragilité originelle en les voyant si épanouis. Sulejman, l’aîné, se fait le porte-parole de la fratrie en nous disant, catégorique: «On est très fiers d’être des quintuplés, c’est quelque chose de rare. On a une relation particulière, tous un peu le même délire.» Le jeune homme, apprenti dessinateur architecte, a même choisi le thème des quintuplés pour un travail d’apprentissage. «Comme on ne voit pas ça tous les jours, on avait envie de témoigner», ajoute Suela.
Elle a assisté à la naissance des quintuplés et sera à leurs côtés le 17 novembre au CHUV pour la Journée mondiale de la prématurité. Trois questions à la Pre Anita Truttmann, médecin-cheffe au service de néonatologie.
Aujourd’hui, est-ce que la naissance de quintuplés se passerait encore différemment au vu de l’évolution des techniques?
Certaines choses seraient un peu différentes au niveau des protocoles et des machines, mais la principale différence tient au développement des soins «soft» (soins et soutien au développement comme le peau à peau) et à la participation des parents, qui est beaucoup plus importante qu’il y a dix-huit ans. Nous avons établi un vrai partenariat avec eux, ils sont beaucoup plus impliqués dans les soins médicaux ainsi que dans les visites médicales.
Quel souvenir gardez-vous de ce 8 juin 2007?
C’était un véritable défi logistique, nous avions travaillé plusieurs semaines avant l’accouchement pour élaborer tous les scénarios possibles et même un plan catastrophe avec des piquets 24 h/24. Il fallait attribuer les rôles de chacun, les salles, les bébés. Je ne sais pas si les quintuplés le savent, mais nous avons choisi à quelques jours près la date de leur naissance. Nous avons décidé le jeudi 7 juin que, au vu des cinq places libres aux soins intensifs de néonatologie, fait très rare, il fallait programmer la césarienne le lendemain et surtout avant le week-end pour pouvoir les accueillir tous et éviter un transfert dans une autre néonatologie de niveau 3 comme Berne ou Genève. Notre service comptait 24 lits à l’époque, aujourd’hui 40, mais seulement 12 lits de soins intensifs. C’était donc raisonnable de les faire naître ce jour-là, en sachant que la grossesse aurait pu peut-être être prolongée de deux ou trois jours maximum.
Avez-vous gardé un lien avec eux?
Ils ont été vus et suivis à l’unité de développement à 6 mois, 18 mois et 3 ans et demi. Nous avons eu des feed-back réguliers, en tout cas jusqu’à leurs 5 ans. C’est important pour nous de savoir qu’ils vont bien. Le 17 novembre, c’est l’occasion de se souvenir et de se replonger dix-huit ans avant, avec des photos de leur naissance, pouvoir répondre à leurs questions, leur faire visiter la néonatologie et les places où ils étaient hospitalisés. Une façon de montrer aussi aux familles et aux soignants tous les développements qui ont pris place depuis 2007. A noter que le 17 novembre coïncide avec le départ proche à la retraite du Pr Tolsa, qui a œuvré plus de vingt ans pour la néonatologie du CHUV et le réseau périnatal romand et qui a également été très impliqué à la naissance des quintuplés, ainsi que dans leur soutien par la suite.
Elle a assisté à la naissance des quintuplés et sera à leurs côtés le 17 novembre au CHUV pour la Journée mondiale de la prématurité. Trois questions à la Pre Anita Truttmann, médecin-cheffe au service de néonatologie.
Aujourd’hui, est-ce que la naissance de quintuplés se passerait encore différemment au vu de l’évolution des techniques?
Certaines choses seraient un peu différentes au niveau des protocoles et des machines, mais la principale différence tient au développement des soins «soft» (soins et soutien au développement comme le peau à peau) et à la participation des parents, qui est beaucoup plus importante qu’il y a dix-huit ans. Nous avons établi un vrai partenariat avec eux, ils sont beaucoup plus impliqués dans les soins médicaux ainsi que dans les visites médicales.
Quel souvenir gardez-vous de ce 8 juin 2007?
C’était un véritable défi logistique, nous avions travaillé plusieurs semaines avant l’accouchement pour élaborer tous les scénarios possibles et même un plan catastrophe avec des piquets 24 h/24. Il fallait attribuer les rôles de chacun, les salles, les bébés. Je ne sais pas si les quintuplés le savent, mais nous avons choisi à quelques jours près la date de leur naissance. Nous avons décidé le jeudi 7 juin que, au vu des cinq places libres aux soins intensifs de néonatologie, fait très rare, il fallait programmer la césarienne le lendemain et surtout avant le week-end pour pouvoir les accueillir tous et éviter un transfert dans une autre néonatologie de niveau 3 comme Berne ou Genève. Notre service comptait 24 lits à l’époque, aujourd’hui 40, mais seulement 12 lits de soins intensifs. C’était donc raisonnable de les faire naître ce jour-là, en sachant que la grossesse aurait pu peut-être être prolongée de deux ou trois jours maximum.
Avez-vous gardé un lien avec eux?
Ils ont été vus et suivis à l’unité de développement à 6 mois, 18 mois et 3 ans et demi. Nous avons eu des feed-back réguliers, en tout cas jusqu’à leurs 5 ans. C’est important pour nous de savoir qu’ils vont bien. Le 17 novembre, c’est l’occasion de se souvenir et de se replonger dix-huit ans avant, avec des photos de leur naissance, pouvoir répondre à leurs questions, leur faire visiter la néonatologie et les places où ils étaient hospitalisés. Une façon de montrer aussi aux familles et aux soignants tous les développements qui ont pris place depuis 2007. A noter que le 17 novembre coïncide avec le départ proche à la retraite du Pr Tolsa, qui a œuvré plus de vingt ans pour la néonatologie du CHUV et le réseau périnatal romand et qui a également été très impliqué à la naissance des quintuplés, ainsi que dans leur soutien par la suite.
C’est la petite dernière, mais celle qui a été sortie en premier du ventre de sa mère. Elle se destine par son apprentissage au métier d’assistante médicale, et son choix n’est peut-être pas sans lien avec sa propre histoire. La petite fille a connu des complications intestinales et respiratoires qui l’ont obligée à rester hospitalisée de longs mois. Avec la photo de ses frères et sœurs près d’elle et leur visite tous les lundis. «Elle est rentrée définitivement à la maison à 18 mois et a rattrapé tout son retard en trois mois», confie sa maman en soulignant d’un sourire le caractère bien trempé de sa fille.
Le 17 novembre prochain, pour la Journée mondiale de la prématurité, les quintuplés et leurs parents sont invités au service de néonatologie du CHUV. Là où tout a commencé pour eux. L’occasion de poser des questions, de découvrir des photos inédites de leur naissance et de revoir des membres de l’équipe médicale, notamment le Pr Jean-François Tolsa, très impliqué dans cette incroyable histoire de vie. De cinq vies.
Le Chablais en émoi
En 2007, la naissance de quintuplés avait mis tout le Chablais social en émoi. L’illustré avait eu le privilège à l’époque d’être le seul média invité à rencontrer la famille Ademi. «Avoir cinq enfants oblige à aller à l’essentiel», nous avait confié le jeune couple, confronté à un véritable tsunami. Septante couches tous les deux jours, 3 litres de lait par jour, les biberons à coordonner, les lits, les chaussures, tout à acquérir en même temps!
Heureusement, Jetmire a pu compter – et c’est toujours le cas – sur l’aide de sa belle-mère, de ses sœurs et de sa belle-sœur, qui vivent à proximité. Une quintuple naissance, ce sont aussi des coûts multipliés par cinq qu’on ne peut échelonner dans le temps. Une association, baptisée Les 5 doigts de la main, avait vu le jour pour donner un coup de pouce, notamment l’achat d’un véhicule assez grand pour sept personnes, mais elle n’est plus active depuis longtemps.
Premières votations
Comment ont-ils fêté leurs 18 ans? «En famille, dans une grande salle à Bex. On était environ 70 personnes, c’était magnifique», raconte Sulejman, qui semble prendre son rôle d’aîné très au sérieux. «Quand j’ai un message à faire passer, c’est lui qui est chargé de le transmettre», avertit sa mère, l’œil rieur. Après s’être exclusivement consacrée à sa multiple couvée, Jetmire travaille comme secrétaire comptable aux côtés de son mari, qui dirige avec son frère et son père le garage et la carrosserie au-dessous de l’appartement familial.
Chez les Ademi, beaucoup de choses se font en famille. Notamment le foot. Sulejman doit d’ailleurs disputer un match avec le FC Bex après notre rencontre, mais son frère et ses sœurs ne sont pas en reste. Tous ont eu ou ont encore la balle au pied. «Pendant longtemps, on se retrouvait tous les dimanches avec cousins, oncles et tantes à jouer au foot tous ensemble.» Bien sûr, le statut de quintuplés entraîne curiosité et questions. «En classe, quand je dis que nous sommes cinq, il y a de l’étonnement, mais quand je précise «quintuplés», cela fait son petit effet!» confie Sulejman, goguenard.
Ils habitent encore chez leurs parents et n’imaginent pas vivre un jour trop éloignés les uns des autres. Côté cœur, tous attendent de rencontrer «la bonne personne», même si les propositions ne manquent pas. L’élu ou l’élue devra de toute façon savoir multiplier par cinq!
Adolescence sage
La plus grande difficulté de ces dernières années? «Trouver cinq places d’apprentissage en même temps, répond Miftar sans hésiter. Ça a été une période de grand stress.» Le téléphone a chauffé. Aujourd’hui, Ardian est apprenti mécanicien, suivant la trace de ses père, oncle et grand-père; Bleona fait son apprentissage dans le commerce de détail au shop du garage; Leonisa a opté pour un apprentissage d’employée de commerce.
La crise d’adolescence? «Oui, ils l’ont passée, mais avec un petit décalage d’un mois», confie encore leur papa, mi-figue, mi-raisin. Manifestement, les quintuplés sont de sages quintuplés. Leur plus grosse bêtise? Les deux garçons ont dit qu’ils sortaient en soirée à Vevey, alors qu’ils étaient à Lausanne. Confondus par la géolocalisation de leur portable. Pas de quoi fouetter deux chats. «On a eu droit à un petit sermon», rigolent les deux frères.
Les valeurs morales sont très importantes chez les Ademi, qui sont musulmans et pratiquent le ramadan. Les garçons prient à la mosquée avec les hommes de la famille. On se permet de poser la question du partage des tâches ménagères. Cela semble un peu moins spontané chez les garçons, à écouter les trois filles qui taclent un peu les deux jeunes mâles. «Mais ne vous inquiétez pas, on sait se révolter quand il faut!»
On prend congé des quintuplés avec le sentiment que la vie semble plus chouette quand on est cinq à partager le quotidien. «On est très solidaires, toujours là pour celui qui ne va pas bien», expliquent notamment Bleona et Leonisa. Ils plaignent les enfants uniques. «Ils sont chouchoutés, mais ils s’ennuient!» Eux ne se voient pas forcément répéter l’exploit arithmétique de leurs parents, mais deux ou trois enfants, ce serait une bonne moyenne!
Cet article a été publié initialement dans le n°43 de «L'illustré», paru en kiosque le 23 octobre 2025.
Cet article a été publié initialement dans le n°43 de «L'illustré», paru en kiosque le 23 octobre 2025.