Sa publication fait l'effet d'une bombe dans le petit milieu de l'humour romand. Le Vaudois Yoann Provenzano, connu pour ses sketchs depuis une dizaine d'années, s'en prend ce jeudi sur Instagram à l'ogre Montreux Comedy Festival. D'autant plus que l'évènement majeur de la scène humoristique francophone – le plus suivi des festivals sur YouTube – est en pleine 36e édition jusqu'à ce samedi 22 novembre.
Selon l'humoriste ayant grandi non loin, à Villeneuve, Montreux a organisé en 2025 «une énième édition qui a vu se produire sur scène autant de Suisse qu'il faut de monde pour faire un 2v2 en beach volley». En somme, le festival – pourtant implanté sur les rives du Léman – ne programmerait que trop peu d'humoristes du cru, leur préférant ceux qui, bien souvent, réussissent à Paris pour les soirées de gala.
Cette année, les têtes d'affiches sont en effet françaises: Pierre-Emmanuel Barré, Aymeric Lompret, Elodie Poux, Vérino et Jérémy Nadeau ou encore Nino Arial. Seuls Suisses en vue? La Genevoise Julie Conti et la Vaudoise Fiona G, toutes deux invitées lors du show d'autres comédiens. Sinon, c'est dans la section «La Relève», destinée aux humoristes émergents, qu'il faut aller creuser.
Un «ras-le-bol» du milieu
Avec des mots bien choisis, Yoann Provenzano n'y va pas de main morte: «LE festival francophone basé en SUISSE qui pisse encore sur la scène romande après s'être désaltéré pendant une semaine à la 1664». En quelques heures, la publication a déjà atteint presque 10'000 likes et des centaines de commentaires.
Suivi par près de 116'000 personnes sur son compte, l'ex-animateur de «Cash» sur la RTS explique sa démarche à Blick. Celle-ci nait d'un «ras-le-bol de ne pas voir les collègues être programmés». Il assure avoir «discuté de la faible teneur en humoristes suisses sur les plateaux» avec «plein de potes» exerçant ce métier en Suisse. Des humoristes et chroniqueurs locaux, comme Thomas Wiesel, Blaise Bersinger, Yacine Nemra et Benjamin Décosterd ont affiché leur soutien.
«Je trouve ça trop dommage, pour un festival suisse, de ne pas donner la parole aux humoristes locaux, se désole l'homme de scène et de réseaux. Ce n'est pas le résultat que de cette édition, ça fait quand même beaucoup d'années consécutives que c'est le cas.» Il nuance toutefois en indiquant sur Instagram qu'il «ne remet évidemment pas en question le talent de tous les humoristes présent-e-s».
Prise de parole d'un comédien légitime
Il explique aussi comprendre que le public suisse veuille voir des humoristes, souvent français, dont la présence est rare dans la région. Mais selon lui, en programmant «98,8% d'humoristes PAS suisse», le festival envoie le message «qu'ici, on n'est pas marrants» et «qu'on ne vaut pas la peine d'être mis en avant». Il accuse aussi le festival de «parquer les humoristes suisses sur des plateaux satellites» et de profiter de leur disponibilité pour combler des trous, plutôt que de «faire partie de ces structures qui nous légitiment».
Il le sait, une telle prise de parole pourrait lui porter préjudice dans un aussi petit milieu. «Je suis déjà passé à Montreux, rappelle l'amuseur public. J'ai l'impression d'avoir une espèce de légitimité dans le paysage humoristique ici en Suisse romande – tout humblement évidemment. Ça fait un moment que je suis implanté et je m'en sors plutôt bien ici. Je suis conscient du poids que je peux donner à ces mots-là.»
Montreux Comedy répond aux critiques
Contacté puisque accusé d'être un festival «qui n'a de Suisse que les subventions», Montreux Comedy a répondu aux critiques. «Nous trouvons que son post est très dur, tant sur la forme que sur le fond, et le regrettons vivement», rétorque Grégoire Furrer, président et fondateur de l'institution humoristique. «Le rôle premier du Montreux Comedy n’est pas de défendre uniquement l’humour suisse, mais de créer en Suisse la plus grande proposition d’humour francophone», déclare le festival dans un «statement».
Grégoire Furrer commente la critique sur le manque d'humoristes romands dans sa programmation: «Nous faisons tout notre possible pour mettre en avant les humoristes suisses». Montreux Comedy explique favoriser «l’émergence de nouveaux talents», notamment via La Relève, en citant Fiona G et Nina Cachelin en «exemple de ce vivier cette année».
Outre le festival, l'entreprise dit agir sur d'autres plans. «Le Montreux Comedy produit aussi la Revue vaudoise, qui offre une fenêtre sur les talents de la région et contribue à dynamiser les interactions locales», continue le «statement». Grégoire Furrer l'assure: la prise de position de Yoann Provenzano quant à son festival ne compromettra pas la relation professionnelle qu'ils pourraient entretenir.