Records, anecdotes et autres curiosités
Plongez dans la petite histoire du plus grand concours musical de la planète

Des quatre nations victorieuses en 1969 au pays qui n’a jamais réussi à atteindre la finale, en passant par une chanson en 12 langues, le match nul entre Henri Dès et Julio Iglesias et l’échec cuisant d’Elton John, retour sur la petite histoire du célèbre concours.
Publié: 06:33 heures
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Dernière mise à jour: 08:29 heures
Interprété par Nemo en 2024, «The Code» fait partie des 35 titres gagnants de l'Eurovision chantés en anglais.
Photo: IMAGO/TT
Olaya Gonzalez
Olaya GonzalezJournaliste L'illustré

Au fil de ses 68 éditions, le petit télécrochet européen créé à Lugano en 1956 est devenu un événement planétaire suivi par 163 millions de téléspectateurs l’an dernier. Les vidéos avec le hashtag #Eurovision2024 ont recensé 6,5 milliards de vues sur TikTok! Et si les audiences sont en hausse partout, c’est l’Islande qui est la championne absolue; 96% des personnes présentes devant leur petit écran dans ce pays ont regardé le Concours Eurovision de la chanson. Les fans ont voté depuis 156 pays, notamment depuis les Etats-Unis, le Canada, le Mexique, les Emirats arabes unis ou encore l’Afrique du Sud. En attendant de voir si Bâle pulvérisera quelques records, retour sur la petite histoire de cette émission emblématique.

Un bel envol

«Nel blu dipinto di blu», plus connu sous le titre «Volare» («voler» en italien), titre coécrit par Domenico Modugno qui l’interprète lors du concours aux Pays-Bas en 1958, finit sur la troisième marche du podium. Mais, l’année suivante, il décroche deux Grammy Awards, les récompenses musicales américaines, ceux de la chanson de l’année et de l’enregistrement de l’année, battant notamment un certain Frank Sinatra.

Quatre ex aequo

En 1969, l’Espagne accueille les candidats de 15 autres pays, Salvador Dalí conçoit l’affiche de l’événement ainsi que la vidéo, surréaliste, qui égaie l’entracte, et la télévision publique espagnole est obligée de louer des caméras couleur à l’Allemagne car elle n’en possède aucune. Le Royaume-Uni, la France, l’Espagne et les Pays-Bas ayant obtenu le même nombre de points, les quatre pays sont déclarés vainqueurs ex æquo car le règlement ne prévoit pas de façon de les départager.

Une chanson, 12 langues

En 1973, l’Union européenne de radio-télévision (UER) met fin à l’obligation faite aux candidats de chanter dans l’une des langues nationales du pays qu’ils représentent. Désormais, le choix est libre et la Norvège en profite immédiatement. Les Bendik Singers interprètent «It’s Just a Game», titre écrit principalement en anglais et en français, mais avec quelques paroles en allemand, en espagnol, en finnois, en hébreu, en irlandais, en italien, en néerlandais, en norvégien, en serbo-croate et en suédois. Si l’objectif était de se mettre les jurys des autres pays participants dans la poche, il se révèle un échec puisque la Norvège termine à la cinquième place. Mais elle détient toujours le record du nombre de langues dans une seule chanson.

Gainsbourg vexé

En 1965, à Naples, France Gall doit interpréter «Poupée de cire, poupée de son», titre écrit et composé spécialement pour l’occasion par Serge Gainsbourg, relativement peu connu du grand public à cette époque. Les musiciens de l’orchestre italien qui accompagne tous les participants n’apprécient pas cette chanson au rythme infernal, très différent des habituelles ballades sirupeuses, et le font savoir en la huant lors des répétitions. 

Photo: KEYSTONE

L’homme à la tête de chou, vexé, quitte les lieux et n’y remet pas les pieds jusqu’au soir du concours. Mais, là, surprise, le public présent dans la salle réserve une ovation à France Gall. Et les jurés la désignent grande gagnante, offrant ainsi la victoire... au Luxembourg puisque c’est ce pays que Gainsbourg et elle représentaient. «Poupée de cire, poupée de son» sera ensuite dans le top 10 de 18 pays, dont l’Argentine, la Norvège, l’Allemagne et le Japon.

Luxembourgeois?

Le Luxembourg manquerait-il de talents musicaux? Le grand-duché a remporté quatre autres éditions, mais, là encore, avec des titres interprétés par des étrangers. Trois Français, Jean-Claude Pascal en 1961, Anne-Marie David en 1973 et Corinne Hermès en 1983, ainsi qu’une Grecque, Vicky Leandros, en 1972. Au fil des ans, le pays a aussi fait appel à de nombreux artistes d’autres nationalités, mais avec moins de succès: parmi eux, la Grecque Nana Mouskouri (8e en 1963), les Français Hugues Aufray (4e en 1964) et Michèle Torr (10e en 1966), l’Américaine Jeane Manson (13e en 1979), les Belges Plastic Bertrand (21e en 1987) et Lara Fabian (4e en 1988). Huit Luxembourgeois(es) ont aussi défendu les couleurs de leur nation et ce sera encore le cas à Bâle avec Laura Thorn, qui chantera «La poupée monte le son», en hommage au titre de France Gall.

Extravagant et économique

En 1974, le groupe suédois ABBA monte sur scène en arborant des tenues colorées, brillantes et dépareillées qui tranchent avec celles des autres candidats. Cela ne les empêchera pas de décrocher la victoire avec «Waterloo.» La chanteuse Frida avait déniché la veste blanche avec les chaînes métalliques dans une boutique de Stockholm où travaillait la styliste Inger Svenneke. Séduite, elle lui avait demandé de créer des costumes pour tout le groupe. Mais si l’extravagance était de mise, c’était dans un but précis: réaliser des économies fiscales. En effet, en Suède, on peut déduire le coût des vêtements «de travail» de ses impôts, mais uniquement s’ils sont tellement spécifiques au métier que l’on exerce qu’ils ne peuvent être portés dans la vie de tous les jours. Une blouse d’infirmière, par exemple, ou une tenue de scène en satin à la limite du ridicule. Aujourd’hui, les quatre tenues sont exposées dans le musée ABBA de Stockholm.

De célèbres perdants

Parmi les concurrents malheureux ayant assisté au triomphe d’ABBA, Olivia Newton-John, représentant la Grande-Bretagne, qui deviendra célèbre quatre ans plus tard lors de la sortie du film Grease. D’autres artistes très connus chez nous (ou qui le sont devenus ensuite) ont également participé et perdu. En 1963, Françoise Hardy termine cinquième alors qu’elle représente Monaco. En 1970, notre Henri Dès national obtient la quatrième place avec son titre Retour, ex æquo avec l’Espagnol Julio Iglesias qui interprète Gwendolyne. Patricia Kaas (2009) décroche une huitième place, tandis que Serge Lama (1971) et Gérard Lenorman (1988) finissent dixièmes. Le Suisse Patrick Juvet, lui, doit se contenter d’une douzième place en 1973. A noter que «I Can’t Go On Living Without You», chanson composée par Elton John, a terminé dernière lors de la finale nationale britannique de 1969 qui devait permettre de choisir celle qui serait chantée par Lulu à l’Eurovision.

La palme de la persévérance

Le record du nombre de participations au concours est détenu par le groupe helvétique Peter, Sue & Marc, qui a varié les plaisirs en chantant successivement dans quatre langues: «Les illusions de nos 20 ans» en français en 1971, «Djambo, Djambo» en anglais en 1976, «Trödler und Co.» en allemand en 1979 et, pour finir, «Io senza te» en italien en 1981. Pas de première place pour eux, mais deux médailles en chocolat.

Très jeunes interprètes

Sandra Kim, qui offre sa toute première (et dernière) victoire à la Belgique en 1986 alors qu’elle a seulement 13 ans, détient le record de la plus jeune gagnante. En 1989, la France fait concourir Nathalie Pâque, âgée de 11 ans. Ce n’est que l’année suivante que le règlement fixera l’âge minimum de participation à 16 ans.

Triple gagnant

L’Irlandais Johnny Logan a remporté l’Eurovision en chantant «What's Another Year» en 1980, il est l’auteur-compositeur-interprète de «Hold Me Now», titre qui a battu tous les autres en 1987, et il est l’auteur-compositeur de «Why Me»? qui a permis à Linda Martin d’offrir le trophée à l’Irlande en 1992.

Dernière victoire en français

En 1988, avec «Ne partez pas sans moi», la Québécoise Céline Dion l’emporte à Dublin d’un tout petit point sur le Royaume-Uni. Depuis, aucune chanson en français n’a jamais été sur la première marche du podium. Louane, qui représente la France cette année, parviendra-t-elle à briser la malédiction avec son titre «Maman?» Réponse le 17 mai!

Photo: ullstein bild via Getty Images

«And the winner is... english»

A ce jour, en 68 éditions, 35 titres gagnants ont été interprétés en anglais, notamment «The Code», qui a permis à Nemo de triompher l’an dernier, ou en deux langues parmi lesquelles l’anglais. En 2015, 2016 et 2017, plus de 80% des titres étaient intégralement chantés dans cette langue mais, depuis, la tendance est à la baisse. Ainsi, cette année, à Bâle, il n’y en aura que 37%.

Carton plein

En 2023, l’Espagne termine en 17e position, ajoutant enfin la dernière coche à sa liste! En effet, c’est le seul pays à avoir occupé absolument toutes les places possibles en finale, de la première (elle a gagné en 1968 et 1969) à la 26e (en 2017).

Fatales demi-finales

En tant que pays organisateur, la Suisse a été automatiquement qualifiée pour la finale 2025. Un soulagement car, depuis l’instauration d’une demi-finale en 2004, puis de deux demi-finales en 2008, cette étape intermédiaire a souvent été synonyme de fiasco pour notre pays. La prestation de Piero Esteriore & The MusicStars en 2004 ne nous ayant rapporté absolument aucun point, la finale nous est passée sous le nez. Et, depuis, cela a été le cas à dix reprises, notamment avec les morceaux interprétés par DJ Bobo en 2007 (40 points) et Michael von der Heide en 2010 (bon dernier, avec 2 points seulement).

Photo: IMAGO/TT

La plus fidèle

Cette année, l’Allemagne participera pour la 68e fois, un record. Depuis 1956, notre voisin germanique n’a manqué qu’une seule édition, en 1996, et ce n’était pas de son propre chef. Cette année-là, l’UER instaure une présélection pour décider de qui sera qualifié car 30 pays souhaitaient en être alors que le nombre de places est limité à 23. Une écoute des enregistrements de tous les titres est donc organisée pour les jurys nationaux qui votent pour leurs préférés, éliminant ainsi sept pays, dont l’Allemagne. Ce sera la première et dernière fois que cette présélection aura lieu.

Tops et flops

Parmi les 52 nations ayant tenté leur chance à l’Eurovision, seule la moitié l’a déjà remportée, l’Irlande et la Suède détenant la palme avec sept victoires chacune. Si le Royaume-Uni se défend bien, avec cinq trophées à son actif, c’est la nation qui a terminé le plus souvent deuxième, à 16 reprises! Dans la liste des 26 candidats n’ayant jamais gagné, on compte notamment l’Islande, la Lituanie, la Tchéquie, l’Arménie, la Géorgie, la Pologne, l’Albanie, la Croatie, le Monténégro, la Slovénie, Chypre, Malte, Saint-Marin et l’Australie, qui participent tous cette année. Mais le détenteur du pire flop, Andorre, ne sera pas de la partie; en six participations, de 2004 à 2009, le petit Etat n’est jamais parvenu à se qualifier pour une finale, renonçant ensuite à postuler. Quant à la Norvège, si elle a été victorieuse trois fois, elle a terminé à 12 reprises bonne dernière en finale, détenant là le record.

Drôle de mascotte

Cette 69e édition possède sa mascotte, Lumo. Avant Bâle, seules trois autres villes ont imaginé un personnage pour incarner l’Eurovision: en 1990, Zagreb innove avec son Eurocat, un chat rose, en 1992, Malmö fait voler son Eurobird bleu et, en 2022, Turin lance Leo, un gentil drone. Le journal britannique The Guardian a lapidé notre Lumo dans un article, en précisant: «On dirait une mascotte normale qui fait des allers-retours dans les machines de téléportation du film La mouche, si ces machines avaient été préalablement contaminées par des morceaux de viande crue et quelques poignées de poils pubiens.»

Un article de L'illustré

Cet article a été publié initialement dans le n°20 de L'illustré, paru en kiosque le 15 mai 2025.

Cet article a été publié initialement dans le n°20 de L'illustré, paru en kiosque le 15 mai 2025.

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