Le Valaisan a une fibre sociale
Premier syndicaliste UDC, Jean-Luc Addor croise le fer avec son parti

Au Conseil national, Jean-Luc Addor représente l'UDC. Mais il porte également une casquette de dirigeant syndical – une première au sein de son parti. Il s'oppose régulièrement à son parti sur des questions clés. Quelles sont ses motivations?
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Jean-Luc Addor est un conseiller national UDC valaisan.
Photo: keystone-sda.ch
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Céline Zahno

Lors des débats parlementaires sur les questions du personnel fédéral, le moniteur de vote montre une image uniforme de la salle. La gauche vote en bloc contre les réductions, tandis que toute la droite vote pour. Toute? Non, car un irréductible point rouge émerge souvent au milieu de l'océan vert des sièges de l'UDC. 

Il s'agit du siège du conseiller national Jean-Luc Addor. Récemment encore, lorsque le Parlement a décidé de plafonner le nombre d'emplois à temps plein, le Valaisan a été le seul politicien UDC à s'opposer à la motion de son chef de groupe parlementaire Thomas Aeschi.

Un UDC à la fibre sociale

Cette position n'est pas le fruit du hasard. En juin, Jean-Luc Addor a été élu président du syndicat du personnel douanier Garanto. Il s'est imposé face au conseiller national PS Emmanuel Amoos. C'est la première fois qu'un homme politique de l'UDC est à la tête d'un syndicat national.

Les opinions politiques de Jean-Luc Addor le situent en réalité au niveau de l'aile droite de son parti. Sur Facebook, il a un jour appelé au rétablissement de la peine de mort, et en 2020, il a été condamné pour discrimination raciale. Pourquoi donc s'engager dans le mouvement syndical? Après tout, Garanto fait partie de l'Union syndicale suisse (USS), qui et est traditionnellement aux mains de la gauche.

Le rôle de Jean-Luc Addor est moins surprenant qu'il n'y paraît à première vue. Il a la fibre sociale: contrairement à son parti, il s'est ouvertement engagé pour la 13e rente AVS et s'est opposé à la réforme de la LPP.

En outre, il a une sympathie particulière pour les employés de la Confédération. Fils d'un fonctionnaire de la Poste, il ne les a jamais considérés comme de «simples postes dans le budget», mais plutôt comme des personnes «chargées d'effectuer les tâches qui leur sont confiées par le Parlement». «Leur statut mérite le respect et parfois plus d'estime», déclare-t-il à Blick.

Un office fédéral en pleine mutation

Jean-Luc Addor a pris la présidence de Garanto dans une phase délicate, c'est sans doute aussi pour cela qu'il s'oppose avec autant de véhémence aux coupes budgétaires. Un vaste programme de transformation est actuellement en cours à l'Office fédéral des douanes et de la sécurité des frontières (OFDT). Au sein de ce dernier, presque aucune pierre n'a été épargnée par la tempête. 

L'ambiance au sein du personnel est «sombre», selon Jean-Luc Addor. «L'incertitude et l'inquiétude dominent, car les collaborateurs n'ont toujours aucune certitude quant à leur nouveau profil professionnel et à leur classe salariale.»

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Si nous n'ouvrons pas rapidement les yeux, nous constaterons bientôt que l'OFAC sera encore moins en mesure qu'aujourd'hui d'assumer pleinement ses tâches
Jean-Luc Addor, conseiller national UDC et président du syndicat Garanto
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Dans le cadre du programme, les douaniers de marchandises et les gardes-frontières sont réunis en un profil professionnel unique – une réforme controversée, car certaines fonctions tombent dans des classes de salaire inférieures. Mi-décembre, Jean-Luc Addor s'est donc adressé, au nom du syndicat, à la conseillère fédérale Karin Keller-Sutter, dont le département des finances abrite l'OFAC. La mise en œuvre risque de démotiver des groupes professionnels entiers et d'entrainer une perte d'expertise précieuse, peut-on lire dans la lettre que Blick s'est procurée. Il n'a toujours par reçu de réponse.

De plus, environ 400 postes seront supprimés à l'OFAC entre 2020 et 2026. Jean-Luc Addor doute que la numérisation et les nouvelles structures puissent compenser ces suppressions. «Si nous n'ouvrons pas rapidement les yeux, nous constaterons bientôt que l'OFAC sera encore moins en mesure qu'aujourd'hui d'assumer pleinement ses tâches.»

Une UDC en pleine contradiction?

Il s'engage donc pour une augmentation du personnel de l'Office fédéral afin de rétablir un contrôle efficace des frontières, selon ses propres explications. Cet objectif n'est pas compatible avec la motion de Thomas Aeschi, qui demandait de limiter le nombre de postes à plein temps. Si les coupes budgétaires généralisées affectent l'OFAC, celui-ci n'aurait «aucune chance» de mettre en œuvre des contrôles plus efficaces. 

Le conseiller national valaisan illustre ainsi de manière exemplaire une contradiction au sein de l'UDC, sur laquelle des politiciens et politiciennes de gauche attirent régulièrement l'attention. D'un côté, le parti veut mettre le couteau sous la gorge du personnel fédéral. Mais en même temps, il exige des contrôles plus stricts aux frontières, une armée plus forte et plus de sécurité. Selon la critique, ces objectifs de politique de sécurité ne peuvent guère être atteints sans personnel supplémentaire.

Jean-Luc Addor n'est pas seulement un syndicaliste engagé, mais aussi un fervent défenseur de l'UDC. Il ne voit pas de véritable contradiction dans la ligne du parti. Il n'y a pas de majorité qui fixerait de véritables priorités dans le domaine de la sécurité, dit-il. Pour ne pas perdre le contrôle du budget, il faut réduire les dépenses au détriment d'autres tâches. Mais tant que cette situation perdurera, son parti sera confronté à une «contradiction apparente».

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