Infiltration en secret
Des Suisses néonazis tirent les ficelles d'un réseau international

Des cadres néonazis – plus précisément Hammerskins – se sont réunis près de Milan. Des images prises en cachette montrent un aperçu rare de ce réseau et prouvent que sa branche joue un rôle clé dans son organisation.
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Le concert des Hammerskins en Italie. Le drapeau de la branche suisse est accroché à gauche de la scène.
Photo: Exif-Recherche
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Fabian Eberhard

Une scène choquante se déroule en Italie. Près de Milan, des centaines de skinheads, plus précisément des Hammerskins, font la fête. Lorsque le groupe allemand Spreegeschwader lance ses premières notes de guitare à travers la salle, les néonazis tendent le bras et font le salut hitlérien. Le public scande le salut nazi «Sieg Heil!».

La plateforme de recherche allemande Exif a enregistré en cachette ce concert de la confrérie d'extrême droite, et mis ses enregistrements à la disposition de Blick. Les participants sont venus de toute l'Europe, dont 12 de Suisse.

Un réseau cloisonné

Le concert a eu lieu le soir du 15 novembre à Lonate Pozzolo, en Lombardie. Les images donnent un rare aperçu du réseau clandestin des Hammerskins. L'organisation propage la terreur et ses membres luttent pour la «suprématie de la race blanche». Nombre d'entre eux ont déjà commis des actes de violence graves.

Le concert marquait la fin d'un week-end organisé en secret. Dès midi, la direction des Hammerskins s'était réunie pour une réunion stratégique interne, appelée «European Officers Meeting». Cette réunion rassemblait des cadres néonazis venus d'Italie, d'Allemagne, d'Espagne, de France, des Pays-Bas, de Suède, de Finlande et de Suisse.

D'ailleurs, les Suisses ont joué un rôle central lors de ce week-end au nord de Milan, notamment au niveau de l'organisation. D'après les images d'Exif, la bannière de la branche suisse de Hammerskin – deux marteaux croisés au-dessus d'une roue dentée – était accrochée sur la scène du concert. Trois Suisses faisaient partie de la sécurité et deux Suissesses tenaient un stand de vente.

Un rôle déterminant

Certaines personnes connues de la scène locale étaient présentes à ce rassemblement en Italie. Parmi eux, T. W.*, un quinquagénaire venu de Suisse centrale et membre des Hammerskins depuis plus de 20 ans. Pour lui, la fraternité est comme «alliance de vie». Si des néonazis suisses ont organisé le weekend, ce n'est pas un hasard. Depuis des générations, les groupes régionaux des Hammerskins jouent un rôle clé dans le réseau international.

La branche suisse a été fondée le 17 août 1990, date du troisième anniversaire de la mort de Rudolf Hess, l'adjoint d'Adolf Hitler. C'était le tout premier groupe régional en Europe, aussi considéré comme le «Motherchapter» («chapitre originel»). Avec sa création, l'organisation américaine s'est étendue en Europe.

Des émeutes pendant la manifestation

La première fois que les Hammerskins ont fait leur apparition en Suisse, c'était en 1995, lors de la «manifestation Blocher» dans le Niederdorf zurichois. Ils avaient alors attaqué des contre-manifestants des milieux d'extrême gauche.

Les années suivantes, les Hammerskins ont commis des attaques violentes contre des gauchistes et des migrants. Certains membres étaient proches de l'organisation clandestine nationale-socialiste (NSU), la cellule terroriste d'extrême droite dirigée par Beate Zschäpe, responsable du meurtre de neuf migrants et d'une policière en Allemagne entre 2000 et 2007.

En 2016, des Hammerskins ont participé à l'organisation d'un concert à Unterwasser (SG). Près de 6000 extrémistes de droite ont fait le déplacement pour ce qui a été le plus grand événement néonazi de l'Histoire suisse.

L'Allemagne change de cap

Ces dernières années, l'organisation semblait s'être calmée, mais ses membres continuent d'agir dans l'ombre. En parallèle, le réseau a marqué une victoire de taille en Allemagne: il y a une semaine, le tribunal administratif fédéral a levé l'interdiction des Hammerskins. L'ancienne ministre de l'Intérieur Nancy Faeser (SPD) avait interdit l'association et ses antennes régionales en 2023.

Le tribunal a pris cette décision pour des questions de forme et non de fond. Les preuves selon lesquelles il existe un niveau fédéral donnant des instructions au groupe néonazi en Allemagne étaient insuffisantes. Le ministère de l'Intérieur n'est donc habilité à prononcer une interdiction. De plus, si l’action d’un groupe se limite à certaines régions d’Allemagne, la décision revient aux autorités des Etats fédérés concernés.

*Nom connu de la rédaction

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