Mort de l'actrice mythique
Brigitte Bardot: «Sans Franz, je n’existerais pas!»

Brigitte Bardot vient de disparaître à 91 ans. Elle ne serait jamais devenue une icône de la défense animale pendant plus de 50 ans sans l’écologiste bâlois Franz Weber, disparu en avril 2019. Elle lui rendait hommage dans L’illustré cette année-là.
Seuls contre tous: Brigitte Bardot et Franz Weber lors de leur premier combat commun en 1977 pour la défense des bébés phoques.
Photo: AFP
Didier Dana
Didier Dana
L'Illustré

En 1977, à 43 ans, Brigitte Bardot était partie avec l’écologiste suisse Franz Weber défendre les bébés phoques massacrés sur la banquise canadienne. Etoile planétaire, sexe-symbole, vivante icône populaire, généreuse et scandaleuse et libre, BB avait tout, en apparence, mais il lui manquait l'essentiel: une vraie raison de vivre loin du cinéma, ce «monde merveilleux et abominable», comme elle nous le décrivait en 2006 à la sortie du livre «Pourquoi?» dans lequel elle détaillait l’engagement de la seconde moitié de sa vie. Elle avait quitté les sunlights à 38 ans, après une cinquantaine de films pour s'investir comme une guerrière dans la défense de la cause animale.

Elle a débuté, plus regardée qu’écoutée, de manière totalement inattendue en janvier 1962, à la télévision, sur le plateau du magazine d’information Cinq colonnes à la une. «J'étais passée pour dénoncer les abattoirs», nous confia-t-elle. Elle prit la parole pour que les animaux soient étourdis par électronarcose et ne souffrent pas de longues minutes, en se vidant de leur sang, après avoir été égorgés. Quinze ans plus tard, elle allait croiser la route de l’écologiste bâlois Franz Weber.

Le 5 avril 2019, Bardot avait réagi à la disparition de son compagnon de lutte: «Il est l'homme de ma vie. Je l'encense de toute ma reconnaissance. Il m'a transmis sa force, son pouvoir, sa détermination. Cet héritage que je continue à transmettre en son nom et en mémoire de lui», nous dit-elle. Son combat pour la défense animale a duré 53 ans, jusqu’à son dernier souffle, chez elle, à La Madrague où elle aimait se réfugier loin du tumulte, entourée de ses animaux de compagnie. «Sans Franz Weber, je n'existerais pas. Il a pris le risque de m'accompagner pour défendre les phoques massacrés sur la banquise.» Ce fut le premier fait d'armes de Bardot dont le monde moquait le nouvel élan, pensant que c’était une simple lubie ou un coup de pub, sans comprendre la réelle profondeur de son engagement.

En mars 1977, à Blanc-Sablon, au Canada, Franz Weber brandit l’étendard de sa fondation contre le massacre des bébés phoques. Brigitte Bardot l’accompagne.
Photo: Keystone

«Panache et prestance»

A l'époque, les chasseurs fracassaient le crâne des bêtes à peine nées afin d'épargner la fourrure, dont ils les délestaient en laissant dans la neige leur cadavre écorché. Encore fallait-il le faire savoir, ce qu’elle ne manqua pas de faire. «Franz m'a appris le combat. C'est avec lui et grâce à lui que ces images écoeurantes ont fait le tour du monde. Sa présence était intimidante. Il faisait peur parce que la justice et le bon droit font peur quand ils sont incarnés avec tant de panache et de prestance», ajouta-t-elle.

Le 16 mars 1977 à Blanc-Sablon, partie francophone du Canada, Franz et Brigitte répondaient aux journalistes tout en affrontant les chasseurs hostiles qui s’étaient glissés parmi les reporters. Ce fut un moment électrique. Bardot déclara: «Nous supplions le gouvernement canadien de trouver une solution. Le phoque est en voie de disparition. Il y en avait 10 millions, maintenant ils sont 800 000 à peine. Dans quelques années, il n'y en aura plus.» La voix de la pasionaria monta dans les aigus: «Même si la chasse aux phoques fait partie de vos traditions, eh bien les traditions changent. Et seuls les imbéciles ne changent pas d'avis!» Le ton est donné. Quelqu'un propose alors de montrer le corps d'un animal dépecé conservé dans un sac en plastique. Bardot, épouvantée, craque.

En 2005, le massacre reprend

Aux images insoutenables s'en ajoutent de plus tendres. BB enlaçant un blanchon, bébé phoque aux grands yeux innocents. «C'est cette photo que j'aimerais que l'on retienne après ma mort», nous dit-elle. Si le combat paya, le carnage reprit après quelques années de répit. Le gouvernement canadien dénonçant une vaste campagne de désinformation de la part des défenseurs des bêtes.

Brigitte Bardot enlace un blanchon, dont la fourrure est convoitée par les chasseurs.
Photo: Miroslav Brozek

En 2005, Brigitte Bardot vint à Genève retrouver Franz Weber. «Désormais, souligna-t-elle, on rase les bébés phoques, on teint leur peau afin de les faire passer pour des loutres.» Deux ans plus tard, Weber et elle obtinrent une victoire décisive. «La Commission européenne a voté un embargo total sur les produits provenant des phoques et autres pinnipèdes. Grâce à Franz, nous avons gagné après trente ans de lutte.»

Le combat de Bardot fut un sacerdoce. «La destruction des animaux me détruit. Combien de pleurs! Vous ne pouvez pas savoir ce que j’ai eu comme douleurs. Je suis à l’écoute 24 heures par jour, par téléphone, par fax. Je fais des lettres aux ministres. Je sauve des animaux partout en téléphonant aux maires, aux préfets. Je n’arrête pas», nous dit-elle en 2009. Elle a bataillé sans relâche, entre autres, pour l’abolition de la chasse à courre, celle de la corrida, pour la fin des expérimentations animales et pour l’amélioration des conditions d’élevage, de transport et d’abattage. Elle va créer la Fondation Brigitte Bardot en 1987, emploiera 300 salariés et mobilisera 500 bénévoles.

Fatiguée, malade, Brigitte Bardot a été hospitalisée deux fois cette année, sans songer à recourir à Exit. «J’ai toujours respecté la nature et ses lois, je la respecterai jusqu’au bout», nous dit-elle. Elle est partie en sachant qu’elle rejoindrait ses parents dans le petit cimetière de Saint-Tropez. «Une partie de moi est infiniment généreuse. Une autre est plutôt autoritaire. Je suis capable d’être tour à tour gentille et cassante. J’espère que le Bon Dieu me gardera une place là-haut et qu’il me mettra avec les animaux.» 

Un article de «L'illustré»

Cet article a été publié initialement dans «L'illustré». Une édition spéciale du magazine retraçant la vie de l'icône du cinéma français et de la défense animale paraîtra en kiosque le 8 janvier prochain

Cet article a été publié initialement dans «L'illustré». Une édition spéciale du magazine retraçant la vie de l'icône du cinéma français et de la défense animale paraîtra en kiosque le 8 janvier prochain

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