Meurtre choquant à Berikon
«Je voulais tuer quelqu'un»: L'ado qui a poignardé son amie en Argovie explique son geste

Annina B. a poignardé son amie Luisa G. en mai dernier, à Berikon en Argovie, et a avoué son crime. Le parquet des mineurs enquête toujours, mais il existe déjà des indices clairs sur ce qui aurait poussé Annina à passer à l'acte.
Publié: 06:07 heures
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Dernière mise à jour: 07:24 heures
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Les amies, la famille et les connaissances de Luisa ont érigé un petit mémorial sur le lieu présumé du crime.
Photo: MICHAEL BUHOLZER
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Helena Graf

«Je l’ai poignardée», confie Annina B.*. Avec cette phrase, elle admet l’impensable: elle a tué son amie Luisa G.*, à l’aide d’un couteau de cuisine acheté chez Migros. La mort violente d'une jeune adolescente, causée par une personne du même âge, laisse sans voix. Depuis cet événement tragique, la famille de Luisa est rongée par une seule question: pourquoi? Seule Annina détient la réponse.

Le Ministère public des mineurs enquête pour homicide volontaire. Blick a pu consulter le dossier grâce à une source proche de l’affaire. Interrogée au lendemain des faits, Annina a expliqué avoir agi sous le coup de la colère, une colère surtout tournée contre elle-même. «Parce que j’ai tout fait de travers.» Quand elle a poignardé son amie, elle dit n’avoir pensé «à rien». Luisa aurait été «surprise» par cette attaque. 

«Un cas exceptionnel chez les filles»

Volker Schmidt, médecin-chef et codirecteur du centre de médecine légale pour enfants et adolescents à la clinique psychiatrique universitaire de Zurich, suit des jeunes ayant commis des actes violents graves. S’il ne connaît pas le dossier de Berikon, il s’exprime de manière générale: «Les actes de violence grave chez les moins de 15 ans sont rares. Et surtout chez les filles, cela reste exceptionnel.»

Il cite plusieurs facteurs de risque souvent présents dans ces cas de délinquance juvénile: un environnement familial instable, l’échec scolaire, la négligence, la maltraitance ou des violences subies durant l’enfance.

Stress psychique profond

Annina B. vivait avec ses parents à Rudolfstetten (AG). Elle aurait indiqué avoir déçu beaucoup de monde, notamment sa famille à cause de ses résultats scolaires. La colère qu'elle entretenait contre elle-même durait depuis longtemps. Annina avait déjà évoqué par le passé son désir de se faire du mal. Elle aurait acheté un couteau dans le but de commettre son crime, puis l'aurait caché.

Les enquêteurs évoquent un stress psychique ancien et profond. Volker Schmidt confirme que les troubles mentaux sont fréquents chez les jeunes auteurs de violences: «60 à 90% d’entre eux reçoivent un diagnostic, soit trois fois plus que l'ensemble de la population.» Il s’agit souvent de troubles du comportement, de TDAH, de troubles post-traumatiques ou d'addictions.

La mère de la victime raconte que les autres amies de sa fille s’étaient peu à peu détournées d’Annina. Seule Luisa l’avait toujours soutenue.

«Je voulais tuer quelqu'un»

«Les jeunes qui n’arrivent pas à s’intégrer ou qui manquent de reconnaissance développent souvent une faible estime d’eux-mêmes, explique le docteur Volker Schmidt. Certains finissent par en vouloir aux autres, ce qui peut engendrer de la haine et de la colère.»

Annina aurait déclaré qu’elle ne voulait plus aller à l’école, qu’elle ne supportait plus sa vie «comme ça». «Je voulais tuer quelqu’un. Je ne voyais pas d’autre issue», aurait-elle poursuivi.

Annina B. a commis son crime dans une forêt à Berikon, à environ 600 mètres du domicile de Luisa.
Photo: keystone-sda.ch

Volker Schmidt rappelle que les troubles mentaux n’excusent pas les actes, mais permettent d’en comprendre la genèse et de déterminer les mesures adéquates à prendre. «Certains jeunes finissent par penser qu’ils n’ont plus rien à perdre.» Selon l'expert, ce désespoir peut mener à un repli sur soi et à des fantasmes violents, souvent accompagnés de signes avant-coureurs appelés «leaking» (ou fuite en français), visibles sur les réseaux sociaux ou à travers des dessins.

Des signes avant-coureurs

Annina n’avait parlé à personne de son mal-être. Mais Luisa s’en était apparemment inquiétée. «Un soir, elle a pleuré et a demandé à son père de l’amener chez Annina», se souvient Gabriela G.*, la mère de Luisa. «Elle avait peur pour son amie, mais elle n'avait pas le droit de dire pourquoi.» Une fois sur place, Luisa s’était calmée. Dans la chambre d’Annina, les enquêteurs auraient retrouvé des dessins représentant une jeune fille égorgée. Annina aurait expliqué qu’elle dessinait sa colère.

Luisa s'inquiétait pour son amie Annina B.
Photo: Helena Graf

Gabriela G. s’interroge: «Comment se fait-il que pendant près de deux ans, personne n’ait vu que quelque chose n’allait pas chez elle? Pourquoi ma fille a-t-elle dû en payer le prix?»

Les jeunes aux troubles silencieux

Contactée par Blick, la mère d’Annina n’a pas souhaité s’exprimer. Quant à sa fille, elle aurait déclaré lors de l’interrogatoire qu’elle voulait une vie libre, affranchie de toute contrainte. Son désir de liberté s’est soldé par une tragédie. Annina a tué Luisa. Après son audition, elle a été placée en détention provisoire. Elle est désormais soignée dans un service psychiatrique fermé.

Volker Schmidt met en garde: «Les jeunes bruyants et impulsifs attirent l’attention et en reçoivent. Mais ceux qui restent en retrait, qui gardent tout pour eux, passent souvent inaperçus, car ils ne dérangent pas.» Il insiste sur l’importance de s’intéresser aussi à ces jeunes silencieux: «Cela commence à la maison. En prenant simplement le temps de s’intéresser à ses enfants, à leurs amis, à ce qu’ils ressentent, à leurs loisirs, à ce qu’ils font en ligne.» Ce simple geste pourrait éviter que le désespoir ne vire au drame.

* Noms modifiés 

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