Ces derniers jours au Caire, il vaut mieux se faire tout petit. Et espérer se fondre dans la masse des 10 millions d’habitants de la capitale et des 43’000 touristes en moyenne qui entrent quotidiennement sur le sol égyptien.
Depuis l’annonce de la tenue d’une marche humanitaire à destination de Gaza réunissant 7000 personnes du monde entier, le régime est sur les dents. Et le petit jeu de chat et de la souris entre militants pacifistes et les autorités égyptiennes a commencé. Et autant dire que le matou, féru d’un contrôle total sur sa population, ne goûte que modérément à la venue de milliers de manifestants prêts à converger vers Gaza via le Nord-Sinaï.
Plusieurs Français ont ainsi été interpellés dans leur hôtel ou à leur arrivée à l'aéroport du Caire, a déclaré à l'AFP Catherine Le Scolan-Quéré, porte-parole de la délégation française. Une dizaine de militants se trouvent actuellement retenus dans un local à l'aéroport du Caire, selon Coralie Laghouati, une infirmière de 39 ans, arrivée mercredi midi au Caire avec deux amies pour participer à la marche. «Mes amies ont été interceptées sans explication», a-t-elle dit à l'AFP.
Certaines sont expulsées…
Des Suissesses aussi, Carole Fumeaux et Sandra Modiano, racontent avoir été fouillées à la douane malgré des papiers en règle. Arrivées à minuit dans la nuit du mercredi 11 au jeudi 12 juin, elles ont été détenues pendant plusieurs heures dans une cellule avec une cinquantaine de personnes. Le contenu de leur téléphone a été inspecté par les douaniers.
Sans eau, sans la moindre information, durant de longues heures, elles ont finalement été contraintes de payer pour un vol retour pour Genève. Sans quoi, les deux amies auraient été transférées dans une cellule du centre-ville.
En récupérant leurs bagages, elles ont constaté que le nombre de personnes dans la cellule était passé à 75, et que l’atmosphère était devenue très tendue. «Plusieurs policiers et des gardes s’invectivaient, raconte Sandra. L’expérience a été pénible à vivre. Les douaniers montraient une attitude méprisante à notre égard. Ils ignoraient toutes nos questions».
«On a été transbahutées d’un endroit à l’autre, sans savoir ce qui allait nous arriver. On ne nous a donné aucun motif pour justifier notre renvoi, ajoute Carole. Nous voulions juste participer à une marche pacifique dont l’objectif était l’ouverture d’un corridor humanitaire pour la population gazaouie», se désolent les deux femmes.
... D’autres sont passés sans encombres
Celles et ceux qui ont réussi à passer la douane sans encombres sont priés par les organisateurs de faire profil bas. Pas de sortie en groupe, pas de mention de la marche en public, pas de keffieh, T-shirts avec inscription, etc. Un dress code, un seul: le look touriste.
Marc*, un Genevois d’une cinquantaine d’année, est arrivé le 11 juin. Incognito, «en parfait touriste, dit-il. Je rencontre des gens, je me réfugie dans les cafés climatisés. Je me sens bien, je me sens prêt, j’écoute et j’essaie de comprendre la situation en échangeant avec des locaux.»
Des Egyptiens qui se montrent sceptiques quant à la possible tenue de cette marche tant le régime réprime toute manifestation ou slogan propalestinien. Eux ne manifesteront pas. «Ils me disent: on a même pas le droit de lever le petit doigt. Vous pensez vraiment que vous, vous allez pouvoir le faire?» Marc est au courant des arrestations et intimidations. Mais pas de quoi freiner ses ardeurs. «J’observe, j’attends et je me prépare.»
Consciente des risques
Au moment où nous lui parlons, Julia* est en escale à Zurich. Elle devrait atteindre le Caire dans la journée. Autour d’elle, elle remarque la présence de marcheuses et marcheurs. «On reste discret, mais évidemment on se repère les uns les autres. Je me suis préparée à répondre à des questions ou à passer quelques heures en garde à vue. Je suis sereine avec cette idée. Les autorités égyptiennes ne me font pas peur même si une détention n’est jamais très agréable.»
La jeune femme regrette de pas avoir pris un billet plus tôt. «Evidemment que les autorités sont sur les dents, à la veille de la marche. Et puis, on me dit que j’ai une tête ou du moins la dégaine à me faire arrêter.» Ce qui l’inquiète? «Savoir si on pourra marcher. Et surtout dans quelles circonstances…»
*Prénoms d'emprunt