«Nos soldats son mal équipés»
Malgré un budget en hausse, les officiers de l'Armée exigent des milliards en plus!

Avant même le début du débat sur le programme de l'armée au Parlement, les officiers demandent un paquet de 4 milliards pour moderniser la flotte de chars. Selon eux, les effectifs actuels sont obsolètes et insuffisants en cas d'urgence.
Publié: 07:13 heures
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Dernière mise à jour: 07:40 heures
La Société des officiers des troupes blindées estime que la flotte de Leopard 2 est obsolète.
Photo: keystone-sda.ch
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Daniel Ballmer

Les soldats suisses savent à quoi ils s'engagent lorsqu'ils démarrent leur service. L'Etat leur demande sans équivoque de «remplir leurs devoirs, même au péril de leur vie». C'est ce que stipule le règlement de service de l'armée. En contrepartie, la Confédération doit veiller à ce qu'ils aient accès à l'équipement nécessaire, estime la Société des officiers des troupes blindées: «Il est tout simplement malhonnête pour l'un des pays les plus riches de ne pas équiper ses soldats de manière à leur donner au moins une chance pour se défendre équitablement!»

Et c'est pourquoi, dans une nouvelle analyse, les officiers posent des exigences claires à la classe politique: 4 milliards de francs devraient être investis dans la flotte de chars afin de la remettre en état. Selon eux, les effectifs actuels ne sont pas seulement désespérément obsolètes, ils sont aussi insuffisants. «Pour une défense nationale crédible, il faudrait six bataillons de grenadiers de chars supplémentaires», calcule la société militaire.

«Pour une défense nationale crédible»

L'armée suisse compte actuellement 134 chars de combat Leopard 2 en service. Cela ne suffit même pas à équiper complètement les six bataillons de chars restants. 71 autres chars sont entreposés dans un endroit secret. Au total, ce sont donc 205 chars qui doivent être modernisés afin de répondre aux standards technologiques actuels. Coût de l'opération: environ 2 milliards de francs.

Mais cela ne suffit pas aux officiers de chars qui demandent six bataillons de grenadiers de chars supplémentaires. Ces derniers doivent en outre être formés, ce qui nécessite 110 nouveaux chars de combat et donc un second investissement de 2 milliards de francs. 

Les plans actuels insuffisants

Les officiers se disent conscients de l'énormité de la somme demandée. A titre de comparaison, le message actuel du Conseil fédéral sur l'armée comprend des projets d'armement pour 1,5 milliard de francs. Ce montant inclut déjà 255 millions pour la remise en état des 134 chars Leopard actuellement en service. Mais cela ne suffit que pour le strict nécessaire, estime Erich Muff, président de la Société des officiers des troupes blindées. 

Les boîtes de vitesse doivent notamment être remplacées, ce qui fait partie de l'entretien normal. «Mais l'armée n'a même pas l'argent pour cela, au point que cette étape doit être mentionnée dans le message. Cela montre à quel point elle a été quasiment ruinée par les économies.»

La revendication des officiers devrait avoir du mal à convaincre au niveau politique. Et pour cause: le Parlement a eu beaucoup de peine en décembre 2024 à s'accorder sur le budget de l'armée. Celui-ci a finalement été fixé à près de 29,8 milliards de francs jusqu'en 2028, et le plafond de dépenses a lui été augmenté de 4 milliards. Le problème, c'est qu'on ne sait toujours comment cette hausse du budget sera financée. Jusqu'à présent, toutes les propositions ont échoué. La pression aux coupes budgétaires, reste forte.

«Les politiciens sont probablement déjà conscients de l'énorme retard qu'il faut rattraper», explique Erich Muff. «Ils ont creusé ce fossé eux-mêmes au cours des 30 dernières années par des mesures d'économie. On ne peut pas se reposer sur un ou deux milliards par an.»

Le DDPS rétiscent... pour l'instant

Pourtant, même le Département fédéral de la Défense (DDPS) a adopté jusqu'à présent une position différente. Il l'assure: la nécessité d'un recours à de grandes quantités de chars demeure hautement improbable. Jusqu'à présent, le département continue donc de tabler sur six bataillons de 28 chars, soit 168 unités. Pour l'instruction, 12 chars sont nécessaires. Une réserve de 25 chars doit eégalement permettre de disposer de suffisamment de pièces de rechanges au besoin. Au total cela fait donc 205, un effectif similaire à l'effectif actuel, à la seule différence que les chars ne sont actuellement pas tous opérationnels.

«
Les véhicules demandés seraient tous disponibles aujourd'hui si on ne les avait pas vendus à l'étranger
Erich Muff, président de l'OG Panzer
»

Jusqu'au début des années 2000, l'armée suisse disposait de plus de véhicules blindés mécanisés que la quantité aujourd'hui réclamée par les officiers, souligne Erich Muff. «L'ironie dans cette histoire c'est que les véhicules demandés seraient tous disponibles aujourd'hui si on ne les avait pas vendus à l'étranger pour des besoins financiers à court terme ou si on ne les avait pas tout simplement mis à la ferraille.»

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