Les médecins généralistes jouent un rôle clé dans la campagne de vaccination de nombreux cantons. Le contact étroit qu’ils ont avec leurs patients leur permet de conseiller efficacement les gens sur le vaccin, y compris les plus réticents, et faire vacciner les patients à haut risque.
Mais de nombreux médecins se sentent abandonnés. Josef Widler est l’un d’entre eux. Le président de l’Association médicale du canton de Zurich représente les intérêts de 6000 médecins. Et depuis la fin du mois de mai, il a arrêté de faire vacciner ses patients dans son cabinet, et ce pour de bonnes raisons.
Pas d’envoi en dessous de 400 doses
Premièrement, la quantité de doses administrées. Les médecins doivent commander au moins 400 doses par mois. En dessous de cette limite, aucun envoi n’est effectué. Ce chiffre est pourtant trop petit pour de nombreux cabinets.
Et ce d’autant plus que les remboursements versés pour les frais de vaccination sont sur le point de diminuer. Jusqu’à début octobre, les médecins recevront 24,50 francs par vaccination, puis 16,50 francs jusqu’à la fin de l’année.
Or, selon la Fédération des médecins suisses FMH, l’administration d’une dose de vaccin coûte près de 56 francs. Pour compenser le déficit, les cantons interviennent et augmentent les compensations.
Beaucoup de blocages
Josef Widler déclare: «Il y a des blocages à de nombreux endroits. Tout ce dont nous avons besoin, c’est d’une solution avec le prix des doses et d’une rémunération décente.»
Des vaccinations de rappel pour les patients à haut risque sont prévues prochainement. «Et si la vaccination est approuvée pour les enfants, ils devront également recevoir leur injection par des pédiatres et des médecins généralistes et certainement pas dans de grands centres de vaccination», précise Josef Widler.
Les assureurs, les cantons et les médecins s’opposent
Cela est devenu évident cette semaine encore lorsque la Conférence des directeurs de la santé (CDS) s’est sentie obligée d’attaquer de front les compagnies d’assurances dans un communiqué de presse. Les assureurs maladie n’étaient pas disposés à prolonger au-delà de fin septembre le forfait actuel de 24,50 francs par vaccination. Les cantons devraient donc s’engager dans la brèche et couvrir la différence de huit francs. En d’autres termes, c’est le contribuable qui devra payer la facture.
L’association d’assurance maladie Curafutura répond qu’elle s’en tient à un «prix justifié». Son président, Pius Zängerle, n’a pas voulu commenter les négociations. «Nous avons déjà accepté à deux reprises d’adapter la convention approuvée en faveur du corps médical», indique l’association faîtière des assureurs Santésuisse.
La CDS craint que la faible rémunération ne pousse les médecins à être encore plus dépendants des cantons et à se tenir en retrait de la campagne de vaccination.
Un million de frais supplémentaires en Argovie
Le canton d’Argovie a démontré ce qu’il en coûte lorsque le secteur public doit intervenir pour maintenir la campagne de vaccination à flots. Le gouvernement argovien a décidé d’ajouter 20,50 francs par injection aux 24,50 francs déjà versés par les caisses d’assurance maladie et la Confédération.
Au total, les médecins généralistes reçoivent donc une somme forfaitaire de 45 francs. Les coûts du quatrième canton de Suisse le plus peuplé s’élèvent donc à plus de 1,1 million de francs jusqu’à présent.
La réticence des assureurs suscite l’incompréhension
La réticence des caisses d’assurance maladie à contribuer à des montants plus élevés pour les forfaits de vaccination a suscité une grande incompréhension dans tout le pays. «Il est incompréhensible que les assureurs, qui disposent de réserves suffisantes, ne contribuent pas au financement de la campagne», déclare la Direction de la santé bernoise.
Urs Stoffel, responsable des tarifs de la FMH, parle d’un «bazar des prix». «Nous sommes en train de marchander le moindre centime, alors que ce qui est en jeu, c’est la santé de la population et la seule façon de sortir de la pandémie.»
Les négociations collectives pour l’année prochaine viennent de commencer. Urs Stoffel affiche un optimisme prudent quant au fait que les médecins recevront bientôt une compensation adéquate. «Mais les négociations avec les compagnies d’assurances sont très dures, nuance-t-il. On ne nous donne rien.»