Avez-vous aussi vécu cette situation dernièrement? Vous êtes dans un café ou un bar. Vous commandez un coca et le serveur vous répond que ce n'est plus possible en ce moment. Pourquoi? La politique autoritaire de Trump. Depuis que ce dernier s'en est pris à toute l'Europe avec ses droits de douane, de nombreux établissements, dont les restaurants CFF, se sont tournés vers des alternatives locales.
Le Coca Cola a été remplacé par le Vivi Kola – une boisson gazeuse zurichoise. Un exemple qui montre une évolution claire: les Suisses se détournent de plus en plus des produits américains pour trouver des alternatives nationales. Le Swissness est une tendance, on le voit dans les entreprises locales.
Même Twint est en plein boom
Interrogée, l'entreprise zurichoise Vicollective SA, qui produit Vivi Kola, fait état d'une «demande croissante». Chez Goba SA, on indique que Goba Cola et Goba Cola Zero font actuellement partie des «produits à la plus forte croissance» de l'assortiment.
C'est surtout dans les installations de loisirs, l'hôtellerie et les restaurants que l'intérêt augmente fortement. Et le porte-parole de Twint affirme que le système de paiement suisse «a connu une forte croissance au cours des premiers mois de l'année». Dans les magasins, Twint est utilisé 26% de plus que l'année dernière.
Comme le suppose le porte-parole, avec la méthode de paiement en ligne suisse, les gens se sentent plus indépendants des acteurs mondiaux de la technologie. Entre les dérives de Donald Trump et les tensions géopolitiques accrues, la situation internationale attise la rancœur et l'insécurité.
Les produits nationaux donnent de la sécurité
Marcel Zbinden, professeur de psychologie économique à la Haute école de Lucerne, a mené des recherches sur le Swissness pendant la pandémie de Covid-19. Pour lui, il est logique que celle-ci explose en ce moment. «Dans de telles périodes, des valeurs comme la sécurité et la confiance sont extrêmement importantes pour les gens», explique-t-il.
La psychologie connaît ce phénomène. Les observations des chercheurs ont montré que les petits enfants qui ne sont pas suffisamment sécurisés par leurs parents n'osent pas explorer leur environnement par eux-mêmes, ni faire de nouvelles expériences. Il en va de même chez les adultes, explique Marcel Zbinden. «Plus nous sommes déstabilisés, plus nous nous retirons dans notre coquille.» On cherche alors à s'accrocher davantage à ce qui est familier, à ce qui est proche de nous.
Une morale qui pèse dans la balance
Une autre explication émerge. Selon Marcel Zbinden, la morale entre aussi en jeu lorsqu'il s'agit du choix des boissons gazeuses. Lorsqu'on fait quelque chose qui contredit nos idées, cela entraîne un conflit psychique interne. Pour le résoudre, nous cherchons une excuse pour justifier notre acte.
Lorsqu'on succombe à une folie, on peut utiliser l'argument de l'exception. Mais pour ce qui est des choix alimentaires, l'excuse fonctionne moins bien. C'est pourquoi autant de personnes se retrouve à siroter du Vivi Kola. C'est un moyen d'exprimer son désaccord face gouvernement de Trump.
Mais le Swissness a commencé bien avant l'investiture de Trump. Les deux fabricants suisses de cola local interrogés le soulignent. Depuis un certain temps, les gens font plus attention à l'origine qu'au prix, explique Kurt Widmer, CEO de Goba. «Savoir d'où vient le produit et avoir un lien avec cet endroit est devenu plus important.» Et le CEO de Vicollective, Ramon Schalch, observe que la tendance vers des produits locaux, durables et naturels «devient de plus en plus un mouvement.»
Coop, Denner et Cie ont été précoces
Les grands distributeurs ont remarqué cette tendance très tôt. Denner s'est fait remarquer à la fin de l'hiver dernier avec des affiches et des slogans publicitaires comme «Du müesli plutôt que du müsli» ou «De la doucette au lieu de la mâche».
Denner a récidivé avec son slogan «L'original suisse du discount». Cette action est une attaque en règle contre les concurrents allemands des discounters Aldi et Lidl, qui font depuis quelques années de la publicité pour des produits explicitement suisses. Depuis mai, Lidl propose même une marque «Qualité Suisse» spécialement créée pour ces derniers.
Coop et Migros se distinguent en outre des autres par leur référence régionale. Tout le monde connaît le slogan: «De la région. Pour la région». Le professeur d'économie Marcel Zbinden déclare: «Tous les distributeurs alimentaires jouent la carte du Swissness.»
Et ce, pour une bonne raison. Ils ont tiré les leçons de l'histoire suisse. De cette époque où l'on faisait de la Suisse une marque: la période de l'entre-deux-guerres.
L'héritage de Guillaume Tell
Lorsque Friedrich Schiller écrit l'histoire de Guillaume Tell en 1803, il ne se doute pas que cent ans plus tard, son arme deviendrait un symbole de la Suisse. C'est en 1917, pendant la Première guerre mondiale, que l'arbalète devient pour la première fois un symbole national.
Durant l'entre-deux-guerres, l'impulsion est donnée par la crise économique internationale qui touche la Suisse. Les entreprises sont en difficulté et en 1931, l'Office central est fondé pour promouvoir les produits nationaux.
L'Office central fait de l'arbalète un label de qualité pour les produits suisses. Chaque savon, chaque éplucheur de cuisine portant le symbole est désormais associé aux valeurs typiques de la Suisse: terroir, amour de la nature, propreté, fiabilité, ponctualité, stabilité, diversité culturelle.
La marque Suisse vaut de l'or
Même si l'arbalète a presque disparu aujourd'hui, tout cela résonne encore lorsque nous croquons dans un abricot du Valais ou lorsque nous exportons du chocolat et du fromage à l'étranger. La marque Suisse rapporte beaucoup. 1,4 milliard de francs par an, selon le Secrétariat d'Etat à l'économie. La marque Suisse vaut de l'or et on veut la protéger.
C'est ce que fait la législation Swissness, entrée en vigueur en 2017. Les prescriptions sont claires: pour les produits alimentaires, 80% des matières premières doivent provenir de Suisse, et 100% pour les produits laitiers. Pour les autres marchandises, au moins 60% des coûts de fabrication doivent être générés en Suisse. Ceux qui ne respectent pas cette règle, qu'ils soient étrangers ou locaux, n'ont pas le droit de faire de la publicité pour le swiss made.
Un enjeu important pour les marques
L'année dernière, l'équipe nationale suisse de hockey sur glace a failli perdre le droit de porter son écusson sur ses maillots. Tout ça à cause d'un retard au moment de demander une autorisation spéciale, prévue par la loi sur les armoiries révisée en raison de la législation sur le Swissness.
Et depuis 2023, l'emblématique Cervin manque à l'appel sur les emballages Toblerone, parce que le géant Mondelez a délocalisé une grande partie de sa production en Slovaquie. Le groupe vient de faire marche arrière et veut développer sa production à Berne. Cela signifie qu'il pourrait à nouveau faire de la publicité avec l'image de notre pays. Pour la première fois, la croix suisse devrait même être apposée sur un Toblerone plus local que jamais.