Viola Amherd a laissé un vrai bazar
Dans le fiasco des F-35, Berne n'a plus que deux options

L'ancienne conseillère fédérale Viola Amherd a laissé le Département de la défense sens dessus dessous. La polémique des F-35 s'ajoute aux précédents scandales. A présent, son successeur doit tenter de sauver les meubles, mais il n'a plus que deux options.
Publié: 02.07.2025 à 18:59 heures
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Dernière mise à jour: 02.07.2025 à 19:48 heures
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L'ancienne conseillère fédérale Viola Amherd a laissé le département de la défense sens dessus dessous.
Photo: KEYSTONE
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Daniel Ballmer

«Je ne peux pas dire que tout a toujours été parfait», a déclaré la conseillère fédérale du Centre Viola Amherd, en annonçant son départ en janvier. C'est le cas de le dire, car le Département de la défense (DDPS) est au plus mal.

Des cadres de haut rang ont quitté le navire, une affaire de corruption ébranle le groupe d'armement Ruag, le service de renseignement enchaîne les bourdes sous les yeux de l'opinion publique et le nouveau secrétaire d'Etat à la politique de sécurité est parti avant d'être arrivé. Pour ne rien arranger, le Parlement a détecté de sérieux problèmes financiers dans sept grands projets d'armement et d'informatique. 

La goutte de trop

Voilà qu'à présent, la polémique des F-35 vient en rajouter une couche. Les avions de combat seront finalement beaucoup plus chers que promis et les Etats-Unis nient avoir eu connaissance d'un prix fixe, alors que Viola Amherd s'en était beaucoup vantée. Il faut dire que c'était l'un de ses rares succès au cours de ses six années de mandat. Après une campagne acharnée de votation, les électeurs avaient approuvé de justesse (à 50,1%) leur achat pour 6 milliards de francs.

Mais soudain, ce succès diplomatique apparaît sous un autre jour. Si le peuple avait été au courant des coûts réels, ce projet aurait eu de la peine à trouver une majorité. Ce fiasco ébranle une fois de plus la confiance des électeurs dans la politique et Viola Amherd semble avoir laissé derrière elle un champ en ruines. 

Ce type de scandale ne date pas d'hier. Depuis des décennies, les projets d'armement entraînent régulièrement des surcoûts de plusieurs millions et des retards de plusieurs années. En d'autres termes, en commençant son mandat, Viola Amherd a hérité des problèmes de ses prédécesseurs, mais n'a pas réussi à redresser la barre.

Refiler la patate chaude aux collègues

Le DDPS répète constamment le même schéma: les avertissements ne sont pas pris au sérieux et les problèmes minimisés, voire complètement écartés, comme le dernier rapport sur la nouvelle surveillance de l'espace aérien. En effet, ce rapport illustre parfaitement le phénomène. Il critique une «culture de leadership problématique», arguant qu'une espèce de «couche d'argile» empêchait de discuter ouvertement des problèmes.

Des avertissements ont également été émis concernant l'achat des F-35. Il y a trois ans déjà, le Contrôle des finances a tiré la sonnette d'alarme, relevant que le prix fixe n'était pas garanti juridiquement. Mais ces mises en garde n'ont fait qu'irriter le DDPS, prêt à défendre l'achat des F-35 contre vents et marées. De même, Viola Amherd a refusé de voir les éventuels problèmes ou erreurs et a préféré dénoncer les indiscrétions qui ont révélé lesdits problèmes.

Précisons néanmoins que la conseillère fédérale a alerté ses collègues à plusieurs reprises. Mais elle savait déjà depuis l'été dernier que le prix des F-35 allait augmenter, et en a informé le gouvernement que peu avant son départ. En parallèle, elle a aussi été critiquée au sein du Conseil fédéral pour avoir souvent fait cavalier seul. Elle est ainsi apparue de plus en plus isolée, soutenue uniquement par son parti, qui l'a défendue coûte que coûte. 

Sur le plan politique, le fiasco des F-35 n'a pas eu de répercussions sur les responsables. Viola Amherd a conclu cet accord peu avant que l'affaire ne soit connue du grand public et le chef du projet est parti dans le secteur privé. Depuis, l'Office fédéral de l'armement, compétent en la matière, a un nouveau chef, et les chefs de l'armée de terre et de l'armée de l'air sont aussi sur le départ. Ainsi, l'inspection annoncée de la Commission de gestion du Conseil national devrait être sans conséquences.

En annonçant sa démission, Viola Amherd avait déclaré: «Lorsqu'une chose est renouvelée, des erreurs peuvent se produire». Mais hélas, Viola Amherd semble ne pas voir ses propres erreurs et se rendre la vie un peu trop facile.

Tenter de sauver les meubles

A présent, le nouveau ministre de la Défense Martin Pfister doit tenter de sauver les meubles. Puisqu'il n'y a pas d'alternative à l'achat des F-35 pour le Conseil fédéral, la diplomatie doit permettre d'obtenir des concessions de la part des Etats-Unis. Mais cette tentative risque d'être un coup dans l'eau, car l'administration Trump n'a aucune raison d'assumer des coûts supplémentaires pour les beaux yeux de la Suisse et pénaliser ainsi les contribuables américains.

Il reste donc deux options à Martin Pfister: soit demander un crédit de plus pour ces coûts supplémentaires, sauf que ce crédit devrait être soumis à l'avis du peuple, qui n'a jusqu'à présent approuvé qu'un crédit de 6 milliards. Or, après cette nouvelle débâcle, le peuple pourrait bien l'envoyer balader. Autre option pour Martin Pfister: réduire le nombre de jets afin de respecter le cadre budgétaire. Car il est difficile d'économiser cet argent ailleurs dans le budget de l'armée.

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