Cela fait plus de dix ans que la Suisse multiplie les efforts pour siéger à la table du Conseil de sécurité de l’ONU. En janvier prochain, ses ambitions se réaliseront, mais dans un contexte très difficile. Cette semaine a donné un avant-goût de ce qui attend le Conseil fédéral et ses diplomates.
La pression sur le pays va augmenter
Mercredi, le chef d’Etat russe Vladimir Poutine a annoncé la mobilisation de centaines de milliers de réservistes et a une fois de plus menacé l’Occident d’une guerre nucléaire. Le jour même du discours incendiaire du chef du Kremlin, le président de la Confédération Ignazio Cassis a rencontré le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov en marge de l’assemblée générale de l’ONU à New York.
Il a suffi d’un sourire timide devant les photographes pour que des voix s’élèvent en Suisse, affirmant qu’Ignazio Cassis s’était laissé bercer par les Russes. En coulisses aussi, la guerre place l’appareil bernois devant des défis insoupçonnés. Les experts travaillent fébrilement à l’analyse des menaces de Vladimir Poutine et à l’évaluation des conséquences possibles pour la Suisse. Peu après le voyage du président de la Confédération, le Service de renseignement (SRC) a présenté une sorte de bilan intermédiaire. Le SonntagsBlick a pu consulter ces documents confidentiels. Il en ressort que la pression sur la Suisse neutre devrait encore augmenter dans les mois à venir.
Utilisation d’armes nucléaires très improbable
Le SRC s’accorde avec d’autres observateurs pour dire que les Russes ne pourront guère compenser les récents revers subis sur le front. Il ne serait donc pas très réaliste que l’armée de Vladimir Poutine soit en mesure de «mener des actions offensives décisives en Ukraine au cours des deux prochains mois». Il s’agit plutôt pour le président russe de compenser les pertes subies et de démontrer sa force à l’intérieur.
Le SRC estime par ailleurs que l’utilisation d’armes nucléaires russes est très improbable. Cela n’empêche pas aux services de renseignement d’évaluer plusieurs scénarios: d’un essai d’arme nucléaire au-dessus de la mer Baltique («peu probable») en passant par un échange de coups avec l’OTAN («extrêmement improbable»).
La mobilisation partielle de la Russie, déjà en cours, a un impact plus important que la menace nucléaire. Celle-ci représente «une nouvelle étape d’escalade», écrit le SRC. «La poursuite du conflit est liée à des conséquences de grande portée dans les domaines de la diplomatie, de la politique, de l’économie, de l’énergie et de la migration.» L’environnement sécuritaire de la Suisse est sous pression, la situation est volatile, constate encore le Service de renseignement. «La pression sur la Suisse continue d’augmenter malgré sa neutralité et les bons offices qu’elle propose.»
De fait, lors de son entretien avec Ignazio Cassis, Sergueï Lavrov avait critiqué le fait que la Suisse se soit écartée de sa neutralité actuelle. A l’inverse, selon le SRC, les Etats occidentaux pourraient se départir de la réserve dont ils faisaient preuve jusqu’ici dans la livraison d’armes lourdes à l’Ukraine. Une évolution qui ne devrait guère élargir la marge de manœuvre du Conseil fédéral.