Le genou plié, les bras tendus, le regard concentré: Arun Bertozzi maîtrise la posture du guerrier. Ce propriétaire d’un petit studio de yoga dans le quartier universitaire de Zurich se bat encore contre les conséquences de la crise du Covid. «Avant la pandémie, nous avions chaque jour une quinzaine de participants aux cours, se souvient-il. Aujourd’hui, nous en sommes à environ quatre.»
Soyons clairs. Les prochains mois seront décisifs pour l’existence de son studio. Depuis le début des restrictions sanitaires, le quadragénaire a des problèmes financiers. Et parle même d’une baisse de son chiffre d’affaires de 70%.
Pour surmonter cette période difficile, il a dû accumuler les dettes: «Il me faudrait 29’000 francs pour régler les factures impayées et rembourser le crédit Covid accordé par l’Etat.» Sa dernière lueur d’espoir est le financement participatif qu’il a lui-même lancé. La semaine dernière, 4000 francs ont été récoltés. «Cette étape et la perspective de devoir peut-être fermer me font mal, souffle-t-il. Mais je n’ai plus d’autre choix.»
Arun Bertozzi n’est pas le seul gérant de studio de yoga à souffrir des conséquences de la pandémie. Une grande partie de la branche va mal, comme le montre un sondage de l’Association suisse de yoga, dont nous avons obtenu une copie exclusive. Actuellement, plus des deux tiers des membres interrogés continuent d’enregistrer une baisse de leur chiffre d’affaires.
De nombreux départs
«De nombreux studios enregistrent toujours des pertes de 30% ou plus. Ils luttent pour survivre, certains ont mis la clé sous la porte», détaille Daniela Küng, porte-parole de l’association. Elle ne dispose pas de chiffres sur le nombre de studios qui ont dû fermer depuis le Covid. Toutefois, son association enregistre un nombre de départs supérieur à la moyenne.
Personne ne peut expliquer avec certitude cette situation. Mais la porte-parole a sa petite idée: «Certains ne se sentent toujours pas en sécurité dans des groupes et préfèrent faire de l’exercice à l’extérieur, d’autres ont souffert financièrement de la pandémie et ne peuvent plus se permettre les leçons de yoga. Ou ils n’ont tout simplement pas retrouvé leur rythme après tous ces allers-retours.»
La concurrence des offres en ligne ne peut pas expliquer ce recul massif. Selon l’enquête, seuls 10% des pratiquants utilisent les classes virtuelles des studios de yoga. Il est toutefois possible que beaucoup misent de plus en plus sur les leçons disponibles gratuitement sur Internet.
Respirer et attendre
Reste l’hypothèse de la motivation. Les sondages de ces dernières semaines le montrent: les Suissesses et les Suisses vont de plus en plus mal. «Ceux qui souffrent ne parviennent souvent pas à se ressaisir et à faire de l’exercice», avance Arun Bertozzi.
Pourtant, le yoga permet justement d’apprendre à gérer les émotions difficiles tout en renforçant son corps. Heureusement, 80% des professeurs de yoga restent zen et sont confiants dans leur capacité à retrouver le chemin du succès. Et, qui sait, peut-être que les températures automnales suffiront à ramener les curieux dans les salles de cours.