Le paquet européen le rend possible
Près de 600'000 immigrés européens pourraient rester en Suisse

La Suisse veut reprendre des parties de la directive européenne sur les citoyens de l'Union. Elle permet aux citoyens de l'UE/AELE d'obtenir un droit de séjour permanent après 5 ans d'activité professionnelle. L'UDC met en garde contre l'immigration dans l'Etat social.
Publié: 27.10.2025 à 21:32 heures
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La Suisse souhaite simplifier l'établissement des citoyens de l'UE.
Photo: Keystone
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Joschka Schaffner

Entre l’UDC et la libre circulation des personnes, la réconciliation n’est pas pour demain. Le parti combat l'immigration européenne depuis des années déjà – et le nouveau paquet d’accords bilatéraux ne changera rien à cette hostilité. Au contraire: il introduit un nouvel élément de discorde. La Confédération veut en effet y intégrer une partie de la directive européenne sur la citoyenneté de l'Union.

La reprise de cette directive permettrait aux citoyens de l'UE d'obtenir un droit de séjour permanent après cinq ans d'activité professionnelle en Suisse. Une perspective qui inquiète certains responsables politiques: craignent-ils une immigration accrue vers l'Etat social?

Ce que prévoit la directive européenne

La directive sur les citoyens de l'Union vise à garantir, au sein des Etats membres de l'UE, que les citoyens puissent chercher librement du travail. Ils peuvent par exemple se rendre sans condition dans d'autres pays de l'UE pour une durée maximale de trois mois. De plus, après cinq ans de séjour, ils ont le droit de s'établir durablement, même s'ils ne travaillent pas.

Comme le rapportent les titres de CH Media, la Suisse ne reprend toutefois cette réglementation qu'à des conditions spéciales. Contrairement à ce que prévoit la directive européenne, la Suisse exige une activité professionnelle de cinq ans pour obtenir le droit de séjour permanent.

Le Conseil fédéral y voit une «exception majeure»: ces personnes seraient «durablement intégrées» sur le marché du travail et présenteraient donc un faible risque de chômage ou de recours à l’aide sociale.

La définition de l'activité lucrative est large

Malgré tout, la définition de l'activité professionnelle est large. Ainsi, un temps partiel de 30 à 40% suffit. Dans certains cas même douze heures hebdomadaires seraient suffisantes. Les phases de chômage ou de perception de courte durée de l'aide sociale ne sont pas non plus considérées comme des périodes sans activité professionnelle.

Une expertise réalisée par le bureau de recherche Ecoplan sur mandat de la Confédération prévoit que cinq ans après l'introduction de la nouvelle réglementation, environ 570'000 personnes pourraient obtenir le droit de séjour permanent en Suisse. Chaque année, 50'000 à 70'000 personnes supplémentaires viendraient s'y ajouter. L'étude part du principe que ce sont surtout les personnes ayant des conditions de travail précaires ou de faibles connaissances linguistiques qui demanderont ce droit.

L'UDC met en garde contre les conséquences de cette extension. «Le droit de séjour permanent est une sorte de passeport suisse sans droit de vote, une garantie à vie d'une couverture étatique complète et ne peut pas être retiré même en cas de criminalité», déclare à CH Media le conseiller national UDC thurgovien Pascal Schmid.

Le risque du regroupement familial

Pascal Schmid voit également dans l'extension du regroupement familial un risque d'immigration accrue. En effet, outre les enfants mineurs et les conjoints, les petits-enfants et les enfants adultes de moins de 21 ans pourraient également entrer en Suisse. Les concubins, les grands-parents et les beaux-parents, ainsi que les membres de la famille nécessitant des soins, auraient également un droit s'ils ont besoin d'aide.

«Concrètement, cela signifie qu'un Syrien devenu citoyen européen grâce aux turbo-naturalisations allemandes peut immigrer en Suisse et faire ensuite venir sa famille élargie directement de Syrie», explique Pascal Schmid. «Et tous se voient offrir le droit de séjour permanent au bout de cinq ans.»

Le Conseil fédéral admet que les nouvelles obligations pourraient avoir des répercussions sur l'immigration, mais il estime que l'ampleur est gérable. Il rappelle que la gestion autonome de l'immigration est déjà inscrite dans la Constitution depuis l'acceptation de l'initiative UDC sur l'immigration de masse en 2014.

Les associations économiques renvoient à la clause de sauvegarde

La Confédération est soutenue par Economiesuisse, l'organisation faîtière de l'économie, et par l'Union patronale suisse. Stefan Heini, porte-parole de cette dernière, souligne que le cœur de la libre circulation des personnes, axé sur le marché du travail, est préservé et que la possibilité d'une immigration directe dans l'Etat social est minimisée.

Stefan Heini fait également référence à la clause de sauvegarde contenue dans le paquet, que la Suisse pourrait activer unilatéralement. Mais il ne marquera pas de points auprès de l'UDC avec cet argument: le parti ne croit toujours pas que cette clause de sauvegarde fonctionnera réellement.

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