Convenir d’une date de reportage avec Loris Triolo n’est pas une mince affaire. Pas parce qu’il est difficile. Au contraire. Le garçon est doux, gentil, serviable et il se couperait volontiers en quatre pour vous faire plaisir. Mais son agenda, lui, ressemble à s’y méprendre à une partie de colin-maillard. Vous le pensez à Marseille?
Il se produit à Paris, pour un événement privé organisé par TF1. Vous espérez l’attraper à La Ciotat? Il est à Neuchâtel pour une journée. C’est donc à la patinoire du Littoral que nous parvenons à l’intercepter, par une journée caniculaire de début juillet, où il nous accueille tout sourire.
Objectif du jour: offrir un intermède musical aux jeunes diplômés du Lycée Denis-de-Rougemont, dans le cadre de leur cérémonie de clôture. «Logistiquement, ce n’était pas hyper-raisonnable», reconnaît Loris, arrivé quelques heures plus tôt en train de Marseille, où il tourne les épisodes de »Tout pour la lumière», la nouvelle série diffusée quotidiennement à 18 heures par Netflix et TF1 depuis le 16 juin dernier. «Mais nous avions convenu tout ça de longue date, et je n’ai qu’une parole.»
Un attachement fort à Neuchâtel
En attendant de monter sur scène, il profite de quelques instants volés avec un ami d’enfance, avant de filer choisir un bracelet pour son père, Carlo, qui fête son anniversaire le jour même. A peine le temps de le lui offrir, il est déjà l’heure du concert. Quelques morceaux interprétés devant un public composé de jeunes diplômés et de leurs proches – un millier de personnes environ – à qui il a présenté en exclusivité La noche, un titre issu de la série, qui sortira quelques semaines plus tard.
Une primeur qui illustre bien l’attachement de Loris à sa ville natale. A la fin de la cérémonie, plusieurs lauréats viendront le remercier. Il les félicitera chaleureusement, n’hésitant pas à leur confier à quel point il les admire. «Moi, je n’ai même pas fini mon CFC de paysagiste, regrette-t-il en se changeant. Ma participation à 'The Voice', en 2022, m’a empêché de passer mes examens. Il était convenu que je puisse les rattraper plus tard, mais, entre-temps, les règles ont changé et il faudrait que je reprenne les trois ans de formation à zéro.» Un choix qu’il assume, mais qui lui laisse une pointe de regret, lui qui aime tant aller au bout de tout ce qu’il entreprend.
Courtisé par le cinéma
Après une solide assiette de pâtes maison, offerte par son papa à la table du restaurant qu’il gère, il faut se résoudre à prendre la route pour regagner Marseille, où une longue journée de tournage attend Loris le lendemain. C’est Mattia, son frère, de huit ans son aîné, qui fera office de chauffeur.
Les deux hommes entretiennent une relation fusionnelle et ne boudent pas leur plaisir à l’idée de pouvoir enfin passer plusieurs jours ensemble. Il faut dire que tout s’est décidé très vite pour Loris et il n’a pas vraiment eu le loisir de s’adonner à de longs adieux avant son départ, au mois de mars. Contacté via Instagram par Jessica Cavalieri, la directrice de casting de la série, il n’a eu que quelques heures pour se décider. «Je suis arrivé dans le projet sur le tard, détaille le chanteur de 21 ans. Elle cherchait un rappeur et a pensé à moi. Le tournage commençait quinze jours plus tard, il y avait les répètes de danse, les essayages costumes; si je voulais apparaître au générique, il fallait que je sois à Marseille le lendemain.»
C’est ainsi qu’il a hérité du rôle d’Elimane. Mattia se moque gentiment de ce nom peu commun. «Je crois que je suis abonné aux personnages avec des prénoms chelous, s’amuse son petit frère. Déjà dans Rodolphe, le musical, je m’appelais Ulrich. Franchement, j’ai peur pour le prochain!» Etre comédien, Loris aime ça.
Il se voit d’ailleurs bien continuer une carrière d’acteur en parallèle de la musique. Une voie qui semble l’appeler depuis un moment déjà. Dès sa sortie de «The Voice», le cinéma lui a fait les yeux doux. Notamment Catherine Breillat, cinéaste à la réputation transgressive. «C’était un beau projet, précise-t-il. Mais je l’ai refusé, parce que je ne me sentais pas prêt.»
Une période post-«The Voice» compliquée
Avec «Tout pour la lumière», pas de risque. Le programme se veut une grande saga familiale et musicale, dans la lignée de séries telles que Fame, Glee ou Un, dos, tres. Une expérience passionnante pour Loris, même si tout ne coule pas de source. «Je me trouve vraiment mauvais dans les premiers épisodes, décrète-t-il. Heureusement, avec quatre mois de recul, je vois une vraie évolution et j’en suis très heureux.»
A son habitude, il travaille énormément pour s’améliorer. Et en particulier sur les chorégraphies. «C’est le domaine où j’ai le plus avancé, assure-t-il. J’ai toujours eu des complexes à bouger mon corps, et encore plus devant tout le monde. Je ne suis pas encore un danseur, mais j’ai fait des progrès de fou. Ce n’est pas souvent que je suis fier de moi, mais là, oui!» Une agente artistique l’a d’ailleurs repéré récemment, et elle commence à lui chercher de nouveaux projets.
Dans la voiture, les sujets de conversation se succèdent. Les heures défilent, tout comme les kilomètres. La route, relativement déserte, déroule son long ruban d’asphalte dans le halo des phares. La nuit se prête bien aux confidences. Lorsque l’on évoque les pièges inhérents au show-business, Loris marque un temps d’arrêt et sourit. «Je n’en ai jamais parlé jusque-là et je crois que c’est la première fois que je suis prêt à l’assumer, attaque-t-il. C’est vrai que les six mois qui ont suivi la fin de 'The Voice', je me suis un peu perdu. Pas la drogue, ça ne m’a jamais rien dit. Mais l’alcool, oui. Beaucoup. Trop.»
Les fêtes s’enchaînent à un rythme effréné. Ses proches le laissent faire ses expériences, tout en veillant au grain. Jusqu’au jour où son père tire la sonnette d’alarme. «Ça devait être 17 heures, se rappelle le jeune homme. Je me suis servi un coca, et j’avais la main qui tremblait. Il m’a juste dit en plaisantant: «Ça y est, tu es alcoolique?» J’avais 19 ans, j’ai tout arrêté. Heureusement, j’ai été très soutenu par mes équipes et ma famille, tout s’est bien terminé.»
Des journées à rallonge
Aujourd’hui, Loris est un jeune homme de son temps, bien dans ses baskets, qui aime la mode, les lunettes de soleil – qu’il collectionne –, la musique et les nouvelles expériences artistiques. Les réseaux sociaux? Il ne les apprécie pas plus que ça. «J’y contribue parce que c’est un passage obligé, mais je ne suis pas très fan, reconnaît-il.
Pendant un concert, les écrans de téléphone me coupent de l’énergie que j’aimerais recevoir sur scène. Les gens sont plus occupés par ce qu’ils filment que de vivre le moment pleinement. C’est dommage.» Quant à sa famille, elle est on ne peut plus fière de lui. Sa mère ne rate pas un épisode de la série et lui envoie même les résumés après diffusion. «Je lui réponds «Tu es au courant que je les ai tournés?» mais elle continue quand même», rit-il affectueusement.
Nous arrivons à Marseille à 5 heures du matin. A peine le temps de prendre une douche qu’un van attend déjà devant la porte de l’hôtel. Une journée marathon attend Loris, qui est planifié sur six des sept scènes qui seront tournées ce vendredi-là. Malgré la fatigue, il ne se départ pas de son sourire, trop heureux de retrouver ses camarades comédiens. «Je n’ai pas de rôle principal, et ça me va très bien, jure-t-il pendant la séance maquillage. Je suis content de ne pas trop avoir la lumière sur moi. Ça allège la pression et ça me permet d’apprendre.»
L’habitude de voir grand
Quant à la richesse qui irait de pair avec la gloire, elle se fait attendre. «Je gagne moitié moins sur ce projet que sur les chantiers de paysagiste en Suisse, prévient le chanteur. Je le fais pour l’expérience, l’apprentissage et les beaux souvenirs. Mais à la maison, les factures continuent de tomber et il faut bien les régler. J’ai englouti toutes mes économies pour prendre part à cette aventure.» Ce qui ne l’empêche pas d’insister pour nous inviter à manger le soir même. Il faudra lutter avec rage pour qu’il finisse par renoncer. «Quand même, vous êtes venues jusqu’à Marseille pour me voir!» râle-t-il en rendant finalement les armes.
Le lendemain, direction La Ciotat, pour visiter les décors extérieurs de la série. Sur la route, Loris nous fait écouter quelques-unes de ses compositions. «J’étais tellement triste ce jour-là, commente-t-il dans un sourire mélancolique. Je crois qu’on arrive à mieux me connaître en écoutant trois minutes de ma musique qu’en vivant trois ans avec moi. Elle soigne et répare beaucoup de choses chez moi. Une fois le morceau terminé, je le livre au public, en espérant qu’il lui fasse du bien aussi.»
Ses prochains objectifs? «Chanter au Stade de France, ça, je l’ai toujours dit, lance-t-il. Mais comme j’ai l’habitude de voir grand, j’ai rajouté le Super Bowl.» Côté comédie, il a aussi quelques envies assez précises et rêve de jouer avec Tom Hanks, qu’il admire profondément. A la fin du tournage, Loris prendra quelques jours de vacances en Sicile. «Ensuite, je vais faire un break et retourner au paysagisme, promet-il.
Le retour à la terre va me faire du bien, j’en ai besoin. C’est drôle, parce qu’au début de The Voice on me demandait quel était mon vrai métier. Aujourd’hui, on me demande pourquoi je ne fais pas que de la scène.» Après ces quelques jours en sa compagnie, nul doute que cet artiste au cœur d’or, grand amoureux des arbres et des fleurs, trouvera une manière bien à lui de conjuguer ses deux passions pour longtemps encore…
Cet article a été publié initialement dans le n°33 de «L'illustré», paru en kiosque le 14 août 2025.
Cet article a été publié initialement dans le n°33 de «L'illustré», paru en kiosque le 14 août 2025.