Le manège n'a rien de discret. A l'arrière d'un bus de la ligne 7 des transports publics de la région lausannoise, plusieurs hommes sont regroupés en cette matinée de décembre. A priori, des passagers ordinaires. Mais certains feront l'aller-retour jusqu'au terminus, ou descendront pour reprendre le bus dans l'autre sens. Ce sont des dealers attendant leurs clients, que Blick a pu observer sur la même ligne ces dernières semaines. De retour à la Riponne, un consommateur monte dans le véhicule, un gobelet à la main. Dedans, il y a sûrement les pièces qu'il a mendiées pour s'acheter sa dose. Nous n'assisterons pas à la transaction.
La problématique n'est pas nouvelle, mais elle fluctue en fonction des opérations de police menées sur l'espace public. Chassés de certains lieux, comme récemment de la Riponne depuis que les forces de l'ordre y patrouillent 24 heures sur 24, les dealers, qui sont principalement originaires d'Afrique de l'Ouest, ont tendance à se rabattre dans les bus.
Pour les Transports publics de la région lausannoise (TL), le deal aux abords des arrêts et dans les véhicules est un sujet de préoccupation, assure leur porte-parole, Martial Messeiller: «Notre personnel et notre clientèle se trouvent ainsi confrontés ponctuellement à des situations qui peuvent s’avérer gênantes ou délicates, lesquelles affectent le sentiment de sûreté général.»
Le personnel fait remonter des cas
La présence de ces dealers dérange les passagers: «Ces quinze derniers mois, notre service clientèle a recueilli une cinquantaine de réclamations et signalements en lien avec la drogue, précise Martial Messeiller. Notre personnel fait également remonter des cas qui sont analysés et traités.»
Etablie sur la place du Tunnel, Lella Toth fait partie des personnes qui dénoncent la problématique de la drogue à Lausanne depuis plus de quinze ans. Pour promener ses chihuahuas dans la nature, elle emprunte souvent les lignes 7 et 16, qui rejoignent les hauts de la ville. Si le deal est rarement lié à de l'agressivité selon les TL, de son côté, elle témoigne d'échauffourées entre toxicomanes et dealers: «Je me suis plainte directement au chauffeur qui m’a dit qu’il ne pouvait rien faire et que son travail était de conduire son véhicule, même quand il y a des bagarres.»
Que font les TL pour remédier à cette situation? «Nous multiplions les actions pour tenter d’atténuer le phénomène et garantir des conditions de travail et de voyage que tout un chacun est en droit d’attendre, assure Martial Messeiller. Notre objectif est de protéger les personnes dans leur quotidien et de restaurer un climat serein sur notre réseau de transports publics.» Concrètement, cela signifie des «opérations de dissuasion avec la police, des dispositifs renforcés sur les lignes sensibles, de la coordination avec les acteurs sociaux et une présence ciblée d’agents de sûreté».
Disparition lors des contrôles
Dans «un esprit de vigilance partagée et de respect mutuel», toute personnes est invitée à «signaler les situations préoccupantes», ajoute le porte-parole. Les TL admettent toutefois une certaine impuissance: «Dans le cadre de nos responsabilités, nos moyens d’action et notre marge de manœuvre restent limités, mais nous sommes déterminés à faire notre part.»
Qu'en est-il des contrôleurs? Est-ce que les dealers paient leurs trajets? «Nos équipes sont formées et sensibilisées pour affronter des situations délicates, répond Martial Messeiller. Cependant, dans la pratique lors de contrôles, les personnes qui dealent ont pour habitude de disparaître rapidement. Celles qui restent ont généralement un titre de transport.»