Examen médical d'entrée, principes de gestion discutables, installations de production qui sont parfois datées de 50 ans, et surtout de nombreux accidents... les conditions de travail chez Ems-Chemie ne sont pas du goût de tout le monde.
Sur Kununu, une plateforme d'évaluation des employeurs bien connue en Europe, le groupe de Magdalena Martullo-Blocher est la cible des critiques. Au cours des dernières années, 112 collaborateurs d'Ems-Chemie, actifs comme anciens, ont donné leur avis. En moyenne, l'entreprise a obtenu 2,9 points sur 5. Seuls 42% des collaborateurs ont recommandé Ems-Chemie comme employeur.
Ces deux valeurs sont faibles par rapport à d'autres groupes chimiques et pharmaceutiques comme Hamilton Bonaduz, Lonza, Novartis ou Roche. Dernièrement, Ems-Chemie a toutefois gagné du terrain. Si l'on considère uniquement les évaluations des six derniers mois, l'entreprise obtient une note de 4 sur 5. Le taux de recommandation atteint même le chiffre de 100%. Mais d'où vient ce boom de popularité, pour le moins soudain?
Des critiques supprimées
Les recherches de Blick le montrent: au cours des derniers mois, plusieurs évaluations négatives d'Ems-Chemie ont été supprimées sur Kununu. Dans le même temps, un nombre étonnamment élevé d'avis positifs ont été publiés. Un cadre de l'entreprise, qui souhaite rester anonyme, explique: «Les cadres sont invités par le service du personnel à donner des évaluations positives.» De son côté, Ems-Chemie conteste: «Nous n'avons pas connaissance de telles pratiques.»
Toujours est-il que la disparition des avis critiques est clairement attestée. En octobre 2023, par exemple, un feedback était apparu sur Kununu avec le titre suivant: «Voici, à mon avis, l'évaluation la plus honnête et la plus pertinente d'Ems-Chemie.» L'auteur a évalué son employeur de manière très détaillée et lui a attribué la note globale de 2,8. Néanmoins, l'évaluation aurait été supprimée.
Fin juin 2023, la contribution d'un collaborateur, intitulée «Incompétence à l'état pur» a connu le même sort. L'évaluation avec une note globale de 1,4 a disparu quelques jours après sa publication.
Un e-mail interne, dont Blick a pu prendre connaissance, démontre que le chef du personnel d'Ems-Chemie a lui-même demandé la suppression des évaluations. Le 27 juin 2023, il a écrit: «Cet avis a fait l'objet d'une demande de suppression, car certaines déclarations (collaborateurs incompétents, pas d'égalité des chances, etc...) sont des affirmations factuelles non véridiques, et celles-ci violent la politique de Kununu.com.»
Menaces d'avocats
Dans un premier temps, Kununu a toutefois refusé la suppression, peut-on lire dans l'historique interne des e-mails. Motif: «Les passages de texte signalés ne justifient manifestement pas la mise hors ligne de l'évaluation.» Mais les responsables d'Ems n'ont pas baissé les bras. Le 30 juin 2023, rebelote: ils écrivent une relance pour une nouvelle demande de suppression de l'évaluation, en y incluant aussi des menaces d'actions en justice. Le 3 juillet 2023, le chef du personnel a pu se réjouir de la disparition de l'avis négatif.
Les e-mails divulgués démontrent la procédure peu scrupuleuse des responsables d'Ems-Chemie. Mais ils sont aussi embarrassants pour Kununu. Pourquoi le portail a-t-il changé d'avis sur la suppression après avoir été menacé de poursuites judiciaires?
Kununu contraint de supprimer
Interrogé par Blick, Kununu écrit qu'il a été juridiquement contraint de mettre hors ligne l'ensemble de l'évaluation et d'examiner la plainte. «Après cet examen, notre équipe a rejeté la réclamation du 27 juin, car on ne nous a pas décrit concrètement en quoi le passage contesté violait nos règles», explique un porte-parole.
Le 30 juin, cette explication aurait été fournie et l'évaluation aurait ainsi été mise hors ligne. Le porte-parole souligne: «La menace d'un avocat n'a pas joué de rôle à cet égard et les démarches auraient été effectuées même sans cela.» La suppression aurait plutôt eu lieu en raison d'une «affirmation factuelle mensongère concernant le nombre de jours de vacances mentionné.»
Kununu a pris contact avec l'auteur de l'évaluation en lui demandant de prouver la déclaration décrite. Malheureusement, aucune réponse n'a été reçue et l'évaluation n'a donc pas pu être remise en ligne.
Si la démarche de Kununu est compréhensible, la réaction de l'auteur l'est tout autant. Comment les collaborateurs peuvent-ils prouver de manière détaillée et concrète que leur critique est justifiée sans risquer de divulguer des données personnelles et leur identité? Un exercice d'équilibriste qui prend du temps et met les nerfs à rude épreuve.
Ems-Chemie craint les mauvaises évaluations
Pour les entreprises, il est donc possible d'influencer leur évaluation sur la plateforme uniquement par des «indications» systématiques. Ems-Chemie semble avoir institutionnalisé cette pratique. Selon un document interne consulté par Blick, le chef du personnel a pour mission d'informer la direction du groupe de toute évaluation sur Kununu «inférieure à 3,0».
Un porte-parole d'Ems justifie cette démarche: «Nous prenons les remarques critiques au sérieux. Mais nous rectifions aussi auprès de tous les médias les affirmations fausses publiées.» L'entreprise garde pour elle le nombre d'évaluations négatives sur Kununu qui ont été supprimées en 2023 après son intervention.