Noël, les sapins, les guirlandes, ce n’est pas forcément sa came. D’ailleurs, il se contente d’un petit sapin en bois blanc qui hiberne toute l’année dans sa cave avant de ressortir lorsque le 24 décembre pointe le bout de son nez. Et ça lui suffit. En revanche, l’enfant sautille toujours autant en lui. D’ailleurs, l’homme de 66 ans se souvient avec tendresse et nostalgie du garçonnet joyeux qu’il a été.
Le petit Patrick a 2 ans lorsqu’il arrive à Paris. Ses parents ont décidé de quitter l’Algérie. On est en 1961. Quelques membres de la famille maternelle vivaient déjà dans la capitale française. Alors direction l’Hexagone. Pour les Timsit, la France, c’est l’eldorado. Une fois arrivés dans le IIIe arrondissement, ils ouvrent une maroquinerie. Le petit gars joue dans le magasin, car le square du quartier était jugé trop dangereux par une mère un soupçon protectrice.
Un problème avec l'autorité
A 4 ans à peine, il siège à la caisse avec son grand-père, qui lui fredonne des chansons grivoises à l’oreille. Il devient aussi le commis de son paternel: «J’avais ma petite blouse, mon petit chiffon, j’appelais mon père Monsieur André et il me vouvoyait alors que j’étais haut comme trois pommes. On parlait en chiffres pour que les clientes ne comprennent pas. Il disait: «Allez me chercher le joli 218 pour Madame – je savais que c’était un vieux modèle – et mettez-lui un petit coup de 709.» Cela voulait dire: «Enlève la poussière.» Il est évident que son amour du jeu lui vient de cette époque.
Puis malheureusement, un jour, sonne l’heure d’aller à l’école et chaque fin d’année scolaire se solde par la même phrase sur le bulletin de notes: «Monsieur Patrick Timsit est autorisé à passer dans la classe supérieure mais dans un autre établissement.» Le gamin a un problème exacerbé avec l’autorité. Les résultats sont excellents mais l’élève récalcitrant a du mal à séparer la personne de la fonction.
Lorsqu’il ne s’entend pas avec l’enseignant, il met «l’enfer dans la classe». Pas facile pour un enfant saltimbanque de se faire des amis. Cela sera pour plus tard, quand il sera grand et acteur. Il passe le bac en candidat libre, l’obtient, s’oriente vers le droit, puis la vente immobilière.
Humour noir et sujets sensibles
Mais le jeu le titille. Il a toujours en tête ses 10 ans. Lorsque, dispensé de natation, un prof de français l’avait embrigadé dans ses cours de théâtre. «Finalement, je nage comme une patate et ma mère n’a pas voulu que je continue malgré l’insistance du prof. Il n’avait pas été très finaud, car il lui avait dit que parfois, selon les rôles, on devait faire des bisous sur la bouche.» Il rigole et confirme qu’il craint encore un peu le jugement de sa maman de 97 ans. La preuve, il ne fume toujours pas devant elle. «Remarquez, je suis un peu pareil avec mes deux fils, je ne veux pas qu’ils boivent devant moi, même un fond de bière...»
A 23 ans, le jeune homme fait fi de sa timidité et se lance. Reste agent immobilier tout en suivant des cours d’acting le soir. Le stand-up n’est pas encore à la mode, mais il écrit et joue des sketchs, notamment à Avignon. Il finira par lâcher son gagne-pain lorsqu’il fréquente les plateaux de télé dans les années 1990. Surtout celui de «Ciel, mon mardi!» de Christophe Dechavanne.
Ses textes sont corrosifs, son humour noir et ses sujets sensibles. Son fameux sketch sur les handicapés mentaux lui vaudra un procès qui sera balayé par le vent du succès. Une époque formidable, La crise, Un Indien dans la ville, Pédale douce, etc. Des comédies dans lesquelles il excelle, car qu’il soit râleur, un soupçon débile ou hystérique, le bonhomme émeut.
Eternel gamin
La matière du jeu, on l’a compris, il la puise dans son enfance. Son père est une source inépuisable de personnages: «Il était très rigolo, sauf que c’était un pied-noir. Et les pieds-noirs, ça ne supporte pas les insultes. Le problème, c’est que le Parisien, en voiture, eh bien... il insulte. Alors mon père se battait tout le temps. Le dimanche, il disait: «On va promener la voiture.»
On s’asseyait dans la deux-chevaux commerciale, moi à l’arrière bien sûr. Et tout d’un coup, mon père, qui sortait comme un fou, bloquait une voiture et cassait la figure au conducteur. Ma mère, elle, pleurait. De vraies scènes cinématographiques.» Justement, le cinéma... Revenons-y.
Il y alterne rôles noirs et ceux de joyeux lurons un peu fêlés, avant de se lancer dans la réalisation. Il y aura Quasimodo d’El Paris en 1999, puis Quelqu’un de bien en 2002. En parallèle, le comédien continue de jouer au théâtre et de faire ses one man shows. Il y mettra pourtant un terme en faisant une tournée d’adieu en 2022 qui justement s’appelle Adieu... peut-être, merci... c’est sûr. Probablement pour compenser ce manque, il lance en 2023 un festival, Seuls en scène, à Uzès, dans ce Gard qu’il aime tant. Mais les planches restent essentielles à sa vie. Il conjugue donc théâtre et 7e art.
En tournée au théâtre
En ce moment, il tourne dans toute la francophonie avec la pièce «La famille» de Samuel Benchetrit. Avant de se lancer sur les routes, ils ont fait salle comble «sans aucune promo» avec son copain François-Xavier Demaison au Théâtre Edouard VII, à Paris, pendant quatre mois. Quand on lui demande d’où vient cette énergie, il avoue ne pas se regarder vivre et assène: «Je ne m’analyse pas, je vis, c’est tout.» OK, le message est passé.
Et ses rôles, alors, comment les choisit-il? «Ce n’est pas le personnage que je dois interpréter qui me séduit, c’est le scénario, le réalisateur. Une fois que j’adhère à l’histoire, que je vois où on veut m’amener, ça me suffit. Pour 'A la poursuite du Père Noël', l’idée de tourner avec James Huth, de côtoyer son dynamisme m’a tout de suite emballé. Il est incroyable, cet homme.» Et les enfants alors? Jouer avec des tout jeunes n’est jamais évident, c’est en tout cas ce que disent les acteurs. «Maintenant, quand il y a des films avec des mômes, c’est moi qu’on appelle. En fait, j’ai l’impression que j’ai le même âge qu’eux. Nous sommes à fond et savons que, justement, faire semblant, c’est du sérieux. D’ailleurs, à la fin du tournage, je suis aussi triste qu’eux, car il faut refermer le coffre à jouets et à jouer.»
Harcèlement scolaire
Sous des airs de comédie de Noël, son dernier film, qu’il défend avec opiniâtreté, traite avec intelligence et humour du harcèlement scolaire. La petite Zoé, interprétée magnifiquement par la jeune Théa de Boeck, est malmenée par un garçon vraiment pas sympa. Elle ne peut pas se plaindre, car sa maman est employée par la famille du harceleur. Elle commande donc une sarbacane au Père Noël pour se venger des humiliations qu’on lui fait subir. Mais le Père Noël ne lui apporte pas l’objet tant espéré. Elle décide donc d’aller à sa rencontre.
Dans ce conte, Patrick Timsit incarne Luigi, un homme qui, lorsque la saison des cadeaux arrive, revêt dans les parcs d’attractions le costume rouge et la barbe blanche. La rencontre entre ces deux êtres pour qui la vie n’est pas facile sera salvatrice. On l’a compris, c’est le scénario qui a séduit le sexagénaire, mais la maltraitance à l’école, est-ce un sujet qui lui parle, lui qui a tellement détesté ces années d’instruction obligatoire?
«Pas vraiment. A mon époque, c’étaient les profs qui nous malmenaient. On se faisait démolir avec des phrases assassines telles que: 'Tu ne feras rien', 'Tu n’arriveras jamais à rien' ou: 'Pourquoi tu insistes? Tu sais, tu n’es pas obligé de faire des études.'» Et ses fils, sont-ils passés entre les gouttes? «Oui, je crois. L’aîné a 31 ans et il réalise des documentaires. Il n’a pas grandi avec les smartphones et c’est un miracle lorsqu’il répond quand on l’appelle. Mon cadet vit avec sa mère à New York et lui, il a toujours son téléphone dans la main. Mais tout a l’air de bien se passer à l’école. Mon ex-femme veille. En revanche, il me rend dingue, car il ne veut rien faire à part être derrière cet écran. Pourtant, quand je le vois, j’essaie de l’occuper.»
Et lui, comment s’occupe-t-il lorsqu’il n’est pas devant une caméra? «C’est vrai que je suis à fond quasiment tout le temps et n’ai pas vraiment de moments libres entre mon festival, les films, le théâtre. Mais je suis de très près l’actualité.» Une actualité qui le perturbe et qu’il est soulagé de ne plus avoir à commenter dans des sketchs.
«Que voulez-vous apprendre de ma bouche que vous ne savez déjà? Gaza, c’est une horreur, l’Ukraine, c’est une horreur, les attentats... c’est une horreur. Ça me désole. L’antisémitisme aussi. Je n’ai jamais clamé que j’étais juif. Pas parce que j’avais honte, mais je n’en voyais pas l’intérêt. J’étais Français. Point. Mais aujourd’hui, j’en sens le besoin. Peut-être pour montrer que tous les juifs ne cautionnent pas la politique de Netanyahu. Finalement, c’est un ami américain qui, en une phrase, a apaisé ma tristesse. Il possède des comedy clubs à New York et il a l’habitude des punchlines. Lorsque je lui ai dit: 'George, c’est dur en ce moment ce qu’on dit sur les juifs. Sans être parano, le monde entier nous déteste', il m’a regardé et m’a dit: 'Oui, et avant?'»
Avec un doux sourire, un café et l’addition, il conclut notre repas en disant: «En ce moment, le monde a besoin de douceur, de rires, de belles émotions. Et c’est pour ça que je suis heureux de défendre 'A la poursuite du Père Noël'. Lorsqu’on a montré le film en avant-première, entendre le rire des enfants et voir des étoiles dans leurs yeux m’a fait un bien fou.»
«A la poursuite du Père Noël» de James Huth, avec Isabelle Nanty et Patrick Timsit. Sortie en salle le 17 décembre.
Cet article a été publié initialement dans le n°50 de «L'illustré», paru en kiosque le 11 décembre 2025.
Cet article a été publié initialement dans le n°50 de «L'illustré», paru en kiosque le 11 décembre 2025.