C'est une rumeur qui secoue la région: Pascal R.*, un pyromane de 27 ans, ferait partie de l'équipe des pompiers. De quoi inquiéter sérieusement la population. En juin déjà, Thomas Heimgartner, le maire d'Oberrohrdorf (AG), a reçu une lettre anonyme intitulée: «Avis de sécurité urgent – Pompier avec des antécédents pyrotechniques». L'auteur dénonce: «Il est inacceptable qu'une personne ayant de tels antécédents ait accès à des matériaux inflammables et au matériel des pompiers. Il faut protéger la population et les pompiers!»
Ces mises en garde ont fini par éveiller les soupçons du maire. «J'ai reçu de nombreuses lettres anonymes et, en temps normal, je n'y prête pas attention», dit-il à Blick. «Mais celle-ci, je l'ai prise au sérieux. Je ne savais rien de son jugement ni de ses antécédents», affirme-t-il. Thomas Heimgartner et le commandant des pompiers interpellent alors Pascal R.: «Il s'est montré coopératif et a donné des informations détaillées. Lors de son procès, il avait en effet avoué ses actes.»
«C'était un appel à l'aide»
Blick a rencontré ledit incendiaire et nouvellement pompier. Il suit une formation pour devenir mécanicien de précision. Il comprend qu'à première vue, il puisse paraître choquant qu'un pyromane soit pompier volontaire. Mais sa thérapie après sa condamnation lui a permis de comprendre ses actes. «A l'époque, je ne déclenchais pas les incendies par plaisir ou par malveillance. C'était un appel à l'aide.» Il ajoute: «J'avais dévié et je cherchais à attirer l'attention.»
Avec du recul, il est heureux que le juge l'ait condamné. «Le jugement m'a sauvé la vie. A l'époque, j'étais dépendant à diverses substances: alcool, cannabis, cocaïne, opioïdes.» Selon lui, sans jugement, il serait «probablement mort d'une overdose». Aujourd'hui, il est abstinent.
Lors d'une nuit de mi-juillet 2019, Pascal avait consommé beaucoup d'alcool et de drogues et a commis son premier incendie criminel. Il se souvient: «J'ai perdu mon sang-froid. J'ai raté le dernier train, c'était la goutte de trop.» Il met alors le feu à un bateau moteur et appelle les secours. Les forces de l'ordre sont arrivées et l'ont interrogé. «Mais ils m'ont laissé partir. Ils ne pensaient pas que j'étais l'auteur des faits.»
«Continuer à boire et à consommer»
Six mois plus tard, le même scénario se reproduit. «J'étais perdu », se souvient le pompier volontaire. «Je traînais dans la rue, je buvais, je me droguais. Je voulais échapper à la misère.» Il met alors le feu au conteneur d'un centre de collecte de vêtements. Il appelle à nouveau le numéro d'urgence, avant de prendre la fuite. «Peu de temps après, la police m'a arrêté chez moi.» Pascal est alors placé en détention provisoire.
Au début, il nie tout en bloc. «J'étais mal à l'aise», explique-t-il. Mais les enquêteurs recueillent davantage d'indices et de preuves. «Le parquet m'a proposé un marché: si j'avouais tout, j'écopais de 18 mois de prison et je pouvais suivre une thérapie.» Il accepte. D'autant plus qu'un rapport d'expertise lui a diagnostiqué des tendances pyromanes. «Mais je ne suis pas pyromane», insiste Pascal. «J'ai subi d'énormes pressions lors de la rédaction du rapport.»
Pascal conclut: «En tant que pompier, je ne représente aucun danger pour le public. Je participe aux exercices, puis je rentre chez moi. Je considère qu’il est de mon devoir de citoyen de protéger les autres», explique-t-il. Il dit ne craindre aucune rechute.
«Il loge chez les pompiers»
Le maire de la commune, Thomas Heimgartner, considère aussi Pascal comme étant inoffensif. «Depuis sa condamnation, il n'a rien à se reprocher. Il n'a jamais causé de problèmes au sein du service d'incendie de Rohrdorf. Il n'y a aucune raison de se méfier de lui ou de le traiter différemment des autres membres de notre service.» De plus, Pascal n'a pas accès aux produits inflammables des pompiers. «Leur manipulation nécessite une formation complémentaire, qu'il n'a pas suivie.» Le maire est formel: «Compte tenu de nos observations, de nos enquêtes et des mesures que nous avons prises, il restera au sein du service d'incendie de Rohrdorf.»
L'ancien pyromane est reconnaissant envers le maire et le chef des pompiers pour leur soutien. «Ma vie aurait pu prendre une direction complètement différente.» Le jeune homme de 27 ans ajoute: «Et je suis reconnaissant de pouvoir me réinsérer dans la société malgré mon passé. J'ai fait de la merde, mais je me suis amélioré.»
* Prénom d'emprunt