Œil pour œil, dent pour dent
Retour sur les cas de vendetta qui ont secoué la Suisse

Un couple est soupçonné de s'être rendu à Haute-Nendaz (VS) pour commettre un meurtre par vendetta. Si cette pratique a presque disparu, elle existe encore dans certaines régions du monde. Elle a même secoué la Suisse à plusieurs reprises.
Publié: 17.04.2024 à 13:11 heures
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Un meurtre dans une mosquée de Saint-Gall avait choqué la Suisse en 2014. Un fidèle avait été abattu par derrière pendant la prière. Par le passé, le frère de l'auteur du crime avait été poignardé par la famille de la victime lors d'une dispute.
Photo: Blick
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Sebastian Babic

Œil pour œil, dent pour dent. Cette citation biblique bien connue résume en trois mots le concept même de vendetta. Il s'agit d'un acte de vengeance par lequel le meurtre d'un membre d'une famille est expié par le meurtre d'un membre de la famille du coupable. Même des atteintes mineures à l'honneur peuvent conduire à des conflits mortels, mais ceux-ci sont appelés crimes d'honneur et, tout comme la vendetta, ils trouvent leurs racines dans le contexte de l'honneur et de la loyauté familiale. Une fois lancé, il est difficile de briser le cercle vicieux.

Ces principes se font sentir jusqu'en Suisse – car ici aussi, des incidents sanglants ont eu lieu par le passé. La vendetta est un phénomène qui a toujours marqué l'histoire de l'humanité, et ce, dans plusieurs continents. En Europe, elle était particulièrement ancrée dans les régions reculées du bassin méditerranéen, comme la Crète, la Sicile et la Corse, et connue sous le nom de vendetta.

Mais elle est également profondément enracinée dans d'autres parties du monde, comme dans les sociétés tribales du Moyen-Orient et d'Asie centrale, ainsi que dans les régions montagneuses d'Albanie. En Suisse aussi, il existe des preuves qu'elle a été pratiquée jusqu'à l'orée du 17e siècle.

Un phénomène mondial

Dans certaines régions reculées d'Albanie, par exemple, le droit coutumier albanais, le Kanun, est tristement célèbre pour ses règles de vendetta. Dans certains cas, de tels conflits sont réglés ou même pardonnés par le paiement du «prix du sang».

Le concept de vendetta, appelé qisas, existe aussi dans le droit islamique, la charia. Celle-ci relève toutefois de la compétence des tribunaux islamiques – elle exige un procès et elle offre également plusieurs possibilités de réconciliation des parties en conflit. Cette forme de vendetta est encore pratiquée aujourd'hui sous le nom de badal, par exemple dans certaines régions d'Afghanistan.

Avec la modernisation des systèmes juridiques étatiques, cette pratique a diminué dans de nombreuses régions du monde. Néanmoins, la vendetta reste un problème dans certains endroits.

Vengeance sanglante ou crime d'honneur ?

Les cas de vendetta sont rares en Suisse, mais il y en a eu quelques-uns par le passé, notamment dans le contexte du Kanun: l'un des cas les plus connus est le meurtre de la mosquée de Saint-Gall en 2014. Un homme a tiré sur sa victime par derrière pendant la prière. La vendetta a été précédée d'un litige entre la victime, des personnes tierces, et le frère de l'auteur, qui avait été poignardé lors de la dispute quelques années auparavant.

En 1997 déjà, une vendetta semblable à celle de Haute-Nendaz s'était produite à Gipf-Oberfrick (AG). Un Kosovar de 19 ans était alors venu en Suisse pour venger son oncle assassiné et avait tué à son tour un membre de la famille ennemie de 17 balles.

Les crimes dits d'honneur sont en revanche plus fréquents, y compris en Suisse. Mais ils se produisent souvent au sein de la famille même et cachent bien souvent d'autres problématiques. En 2019, un homme de Dietikon (ZH) avait assassiné son épouse parce qu'elle voulait se séparer de lui. Un crime que l'assassin avait justifié par «l'honneur». 

Un exemple qui montre bien que la ligne de démarcation entre le crime d'honneur et le féminicide peut être très mince. Les crimes d'honneur sont souvent planifiés à l'avance au sein de la famille afin de rétablir «l'honneur perdu». Il n'est pas rare qu'ils concernent des femmes.

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