Napoléon 1er a fait la Suisse moderne. En tout cas, la Suisse romande telle qu’elle se présente aujourd’hui. Cette épopée impériale, qui fut surtout celle du général Napoléon Bonaparte avant son sacre à Notre-Dame de Paris le 2 décembre 1804, a été rappelée le 15 novembre par Alain Berset, dans la salle des pas perdus du Palais fédéral à Berne.
L’actuel président de la Confédération a d’abord insisté sur le rôle déterminant joué par le général corse dans la fondation de la République helvétique, qui regroupa les cantons suisses entre avril 1798 et mars 1803, dans la foulée de la révolution française de 1789. Féru d’histoire, Alain Berset a ensuite évoqué l’importance, pour la Suisse, de l’Acte de médiation signé le 19 février 1803 par Napoléon Bonaparte, alors Premier Consul.
Celui-ci a recréé une Confédération de dix-neuf cantons, rétablit la paix et consacre la naissance du canton de Vaud, désormais indépendant de Berne. Il comporte une phrase restée fameuse, prononcée par le futur Napoléon 1er: «La Suisse ne ressemble à aucun autre État, soit par les événements qui s’y sont succédé depuis plusieurs siècles, soit par la situation géographique, soit par les différentes langues, les différentes religions, et cette extrême différence de mœurs qui existe entre ses différentes parties. La nature a fait votre État fédératif, vouloir la vaincre n’est pas d’un homme sage.»
Un Empereur amoureux
Mais pourquoi parler aujourd’hui de «l’ogre d’Austerlitz»? Parce qu’il est depuis ce mercredi 22 novembre sur les écrans, filmé par Ridley Scott, le réalisateur de films à succès tels que «Alien», «Blade Runner», «Thelma et Louise» ou «Gladiator». Dans le rôle de l’Empereur écartelé entre ses Maréchaux, les champs de bataille et son amour pour Joséphine de Beauharnais? L’acteur Joaquin Phoenix.
Le scénario? L’histoire d’un des plus grands génies militaires de tous les temps, déstabilisé par les infidélités de cette épouse décédée le 29 mai 1814, sans lui avoir donné de successeur. Joséphine n’est plus là lors de la chute finale de Napoléon dans la plaine boueuse et détrempée de Waterloo, près de Bruxelles, le 18 juin 1815. L’Empereur est alors honni par l’Europe entière. Les monarques s’arrachent les dépouilles de son Empire.
La Suisse et le Congrès de Vienne
Et en Suisse? Rien. Ou plutôt si. L’armée française est chassée. Le 30 décembre 1813 au soir, 12'000 soldats des troupes autrichiennes commandées par le général Bubna ont pénétré dans Genève. Le lendemain, la République a proclamé son indépendance: c’est la Restauration. A Lausanne, l’intellectuel et homme politique Frédéric César de la Harpe, conseiller du Tsar russe Alexandre, s’apprête à revenir. Mais ni la figure de Napoléon, ni son héritage politique, ne sont jetés aux orties.
Mieux: c’est à l’ancien ministre des Affaires étrangères de l’Empereur, Talleyrand (rallié à Louis XVIII), que Genève doit d’obtenir, au Congrès de Vienne qui redessine les frontières de l’Europe, le couloir de Versoix pour assurer une continuité territoriale avec le canton de Vaud. La Suisse moderne est née sur le plan géographique. Merci, Napoléon!
Le Maréchal Ney à Berne
Quel autre pays d’Europe n’a pas été dévasté par les guerres napoléoniennes? Quel autre pays a vu déferler sur ses terres, au galop, l’impétueux général de cavalerie Michel Ney, pour y délivrer, non pas l’horreur des combats, mais la paix? A Berne, celui qui deviendra l’un des plus célèbres Maréchaux d’Empire (fusillé le 7 décembre 1815 pour avoir rallié Napoléon durant les cent jours) rétablit l’ordre en 1803, après avoir arrêté et interpellé les chefs des insurgés zurichois.
Ridley Scott est accablé de critiques par les médias français qui lui reprochent son film à grand spectacle. Mais en réveillant l’épopée de Napoléon Bonaparte, le réalisateur britannique a rallumé une flamme. Avis à la RTS, à ses réalisateurs et à ses documentaristes: il manque une grande fresque sur Napoléon en Suisse. Avec, à ses côtés, le baron vaudois Antoine de Jomini, compagnon de bataille du Maréchal Ney, jusqu’à devenir son chef d’État-Major. Avant de le trahir pour rejoindre l’armée tsariste. Joaquin Phoenix, le Napoléon de Ridley Scott, sera peut-être disponible pour remettre sur sa tête le bicorne impérial…