Ouvert au public le 14 juin
Ce refuge à Genève sauve des oiseaux blessés depuis des années

Fondé par Patrick Jacot en 1975, le Centre ornithologique de réadaptation (COR) genevois a depuis sauvé des dizaines de milliers d’oiseaux, tout en se consacrant à la protection de l’avifaune. Reportage sur place à l’occasion du cinquantenaire de la structure.
Publié: 05.06.2025 à 20:38 heures
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L'une des cinq petites chouettes hulottes tombées du nid dernièrement. Elles seront relâchées dès qu'elles seront en mesure de chasser et de se nourrir par elles-mêmes.
Photo: Julie de Tribolet
Katja Baud-Lavigne
Katja Baud-LavigneJournaliste L'illustré

C’est à Genthod, paisible petite commune genevoise, que se niche le Centre ornithologique de réadaptation – le COR, pour les initiés – devenu une véritable institution en la matière. Nous y sommes accueillis par le chant des oiseaux, le vrombissement des avions, proximité de l’aéroport oblige, et le sourire éclatant d’Eva Meyrier, pétillante jeune femme de 34 ans, coordinatrice des lieux depuis l’an passé. Originaire de Haute-Savoie, elle affiche un CV impressionnant. 

Biologiste formée à Genève et à Lausanne, elle a notamment travaillé pendant deux ans à la Vogelwarte – la Station ornithologique suisse de Sempach, dans le canton de Lucerne – et a assuré la direction d’un parc dédié aux rapaces sur la rive française du Léman. Dans l’Hexagone, elle est d’ailleurs autorisée à détenir n’importe quelle espèce de rapace au monde pour les présenter au public au sein d’un établissement fixe. Un certificat de capacité rarissime, qui n’avait pas été décerné depuis une dizaine d’années. 

Intarissable sur tout ce qui concerne les oiseaux, Eva nous offre une visite privilégiée du centre, tout en nous détaillant ses nombreuses missions. Parmi elles, on trouve la mise en œuvre du Programme martinet noir, qui bénéficie du soutien du canton de Genève et de la Confédération suisse, consacré au suivi et à la sauvegarde de cet oiseau étonnant. Classé espèce prioritaire, il ne se pose que pour couver ses œufs. Le reste du temps, il mange, chasse, fait sa toilette, s’accouple et passe la nuit dans les airs.

Haute surveillance du martinet

Patrick Jacot, le fondateur du centre, devenu expert cantonal en la matière, a commencé à poser des nichoirs à martinets dans les années 1980. A l’époque, leur recensement était assuré par la Vogelwarte, ce jusqu’au début du programme cantonal en 2018. «Des études ont montré que le martinet noir était en train de décliner de manière dramatique en Suisse, en raison du manque de sites de nidification, explique Eva Meyrier. En cause, l’architecture actuelle, la mode des lignes très droites, très carrées, sans aucune fioriture, qui leur ôte toute possibilité de nicher.»

Ce martinet adulte est arrivé au centre dans la journée. De faible poids et pas très en forme, il doit être nourri chaque heure.

En 2016, une motion a été déposée au Grand Conseil par Christina Meissner, qui impose désormais que toute rénovation ou construction d’un bâtiment de plus de 10 mètres de hauteur doit faire l’objet d’une consultation du COR, pour savoir si le projet nécessite la pose de nichoirs. En cas de décision positive, le propriétaire est dans l’obligation de le mettre en œuvre à ses frais. «Ils se présentent sous la forme de boîtes posées contre la façade, détaille la coordinatrice. Notre équipe de menuisiers fait en sorte de tenir compte de l’architecture de la maison, et ils deviennent pratiquement invisibles pour la plupart.»

Retour rapide à la vie sauvage

Des efforts payants, car les populations de martinets noirs augmentent à certains endroits. «Jusqu’à présent, nous installions des nichoirs presque systématiquement, précise Florian Bertolini, responsable du programme au sein du COR. Cette année, nous avons écrit un plan d’action faisant foi au niveau cantonal, qui s’étendra jusqu’en 2028. Nous changeons désormais un peu de stratégie, en n’axant les mesures que sur certaines zones du canton.» Et pour parfaire le tableau, un petit bâtiment leur est exclusivement dédié depuis le 23 mai dernier.

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Si un retour à l’état sauvage n’est pas possible, nous cherchons à les placer dans des zoos, comme celui de la Garenne, ou des structures comme le Bioparc
Eva Meyrier, coordinatrice du Centre ornithologique de réadaptation
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Toujours dans l’idée de veiller au bon équilibre de l’avifaune, trois espèces pouvant s’avérer invasives sont soumises à une procédure particulière: le pigeon de ville, le pigeon ramier et la corneille noire. Si les bébés tombés du nid sont nourris et les blessés examinés, puis gardés au chaud le temps qu’ils se remettent, aucune chirurgie ou aucun acte médical poussé ne sont pratiqués sur les cas sérieux.

Quant aux rescapés, le but du centre est de rendre les oiseaux à la vie sauvage le plus rapidement possible. Dans cette optique, il faut limiter les interactions afin de réduire tout risque d’imprégnation humaine. Pas question donc de les baptiser, de les câliner ou de passer plus de temps que nécessaire avec eux. Ce qui n’est pas une mince affaire, surtout avec les bébés, qui usent de tous leurs charmes pour attendrir leurs mamans de substitution. 

Un peu plus de 2500 oiseaux passent par le centre chaque année, dont plus de 1000 de début mai à fin août.

«Normalement, les oiseaux passent deux mois maximum chez nous, détaille la coordinatrice. Mais il arrive que l’on doive en garder certains plus longtemps, notamment lorsqu’un oiseau migrateur rate le départ de la migration ou qu’il se retrouve handicapé, comme cette buse variable à qui l’on a dû amputer une patte. Dans le premier cas, ils passent l’hiver avec nous et sont relâchés au printemps. Les seconds sont observés, éventuellement rééduqués à la chasse. Si un retour à l’état sauvage n’est pas possible, nous cherchons à les placer dans des zoos, comme celui de la Garenne, ou des structures comme le Bioparc.»

Un besoin accru de bénévoles

Pour faire face à cette tâche herculéenne, Eva est secondée par une vétérinaire et deux soigneurs animaliers salariés. Le reste de l’équipe est composé de bénévoles et de stagiaires, qui ne sont hélas pas assez nombreux. «Nous recherchons activement des bénévoles, insiste-t-elle. Nos besoins sont larges et dépassent le cadre des soins directs aux oiseaux, pour lesquels nous offrons bien évidemment une formation. Ce peut être aussi la construction de nichoirs, la rénovation de volières, du secrétariat, de l’accueil de personnes qui viennent amener les oiseaux. Il y a de quoi faire et nous sommes preneurs de toute personne intéressée à offrir quelques heures de son temps.»

En temps normal, le centre n’est pas autorisé à recevoir de public au-delà des grilles de l’entrée, où sont accueillis les futurs pensionnaires. Bonne nouvelle pourtant, une exception sera faite à l’occasion de la fête de son cinquantenaire, le 14 juin prochain. De 10h à 18h, les visiteurs pourront découvrir ses infrastructures dans le cadre d’une visite guidée. Une petite restauration sera proposée, ainsi que des maquillages pour les enfants et une vente de souvenirs. Une occasion unique de découvrir les coulisses passionnantes de ce lieu étonnant et, pourquoi pas, de se laisser convaincre d’y apporter sa contribution en rejoignant les rangs des bénévoles.

Centre ornithologique de réadaptation, ch. des Chênes 47, Genthod, 079 624 33 07, cor-ge.ch Pour faire un don: CH80 0900 0000 1201 8946 6. Pour devenir bénévole, envoyez un e-mail à: eva.meyrier@cor-ge.ch

Comment réagir face à un oiseau en difficulté?

Les bébés:

Contrairement à une croyance répandue, toucher un oisillon ne provoquera en aucun cas son abandon par ses parents. Avant de secourir un jeune oiseau, il est capital de l’observer de loin. S’il est nu ou recouvert d’un léger duvet, blessé, entouré de prédateurs, que son nid est détruit, qu’il est exposé aux menaces routières ou à la pluie, il est en danger. S’il est bien emplumé, sautille ou que les parents sont à proximité et s’occupent de lui sans prédateur ou danger immédiat, laissez-le. Attention néanmoins aux exceptions: les parents des jeunes martinets, hirondelles et rapaces diurnes ne peuvent pas venir les nourrir au sol, il faut donc intervenir.

Les oiseaux blessés ou malades:

Placez-le dans un carton percé de trous et installez-le dans un local calme, sombre et tempéré. Evitez toute manipulation. Elles provoquent du stress à l’animal, ce qui aggrave son état. Ne donnez ni à boire, ni à manger, ni médicament.

Dans tous les cas, appelez le centre au 079 624 33 07. Un spécialiste vous guidera dans la marche à suivre. En respectant ces quelques mesures, vous donnerez toutes les chances de survie et de rétablissement à l’oiseau que vous venez de recueillir.

Un article de L'illustré n°22

Cet article a été publié initialement dans le n°22 de L'illustré, paru en kiosque le 30 mai 2025.

Cet article a été publié initialement dans le n°22 de L'illustré, paru en kiosque le 30 mai 2025.

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