Interview de John R. Bolton, ex-conseiller à la sécurité nationale de Trump
«En fait, Trump aimerait être comme Poutine»

Peu de gens connaissent Donald Trump aussi bien que lui: l'ancien conseiller à la sécurité nationale américaine John R. Bolton est passé du statut d'ami du président à celui d'ennemi. Dans une interview pour Blick, il revient sur les événements des dernières semaines.
Publié: 21.08.2025 à 06:00 heures
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Dernière mise à jour: 21.08.2025 à 07:40 heures
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John R. Bolton a conseillé Donald Trump sur les questions de sécurité lors de son premier mandat. Aujourd'hui, il porte sur lui un regard très critique.
Photo: keystone-sda.ch
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Guido Felder

Un regard renfrogné et une grosse moustache: c'est ainsi que l'on connaît John R. Bolton depuis le premier mandat de Donald Trump. Ce républicain néoconservateur est considéré comme l'architecte de la guerre en Irak et comme l'une des voix les plus influentes de la politique étrangère américaine du 21e siècle.

Depuis son éviction du poste de conseiller à la sécurité nationale, John Bolton est passé à la contre-attaque contre Donald Trump. Il critique désormais le président américain dans des livres, mais également dans une interview avec Blick, dans laquelle il donne de l'espoir à la Suisse: le marteau des droits douanes pourrait bientôt devenir de l'histoire ancienne.

John Bolton, le président Trump a reçu Poutine, Zelensky et d'autres chefs d'Etat européens. Parviendra-t-il à instaurer la paix en Ukraine? Mérite-t-il le prix Nobel?
John Bolton:
S'il peut parvenir à une paix juste et durable, il le mérite. Mais nous en sommes loin pour l'instant. Malgré tous ses efforts, rien n'indique que les Russes négocieront de bonne foi. Un vieux proverbe américain dit: «Si j'ai du pain, je pourrais me faire un sandwich au jambon. Mais seulement si j'ai du jambon.» C'est exactement dans cette situation que nous nous trouvons avec les négociations actuelles.

Pourquoi Trump se laisse-t-il à ce point berner par Poutine?
Il faudrait le demander à un psychiatre. Je pense qu'il aime les dirigeants autoritaires parce qu'ils peuvent faire ce qu'ils veulent. Il les envie, car il aimerait procéder de la même manière aux Etats-Unis. Trump aimerait en fait être comme Poutine.

Quelle est la tactique de Poutine dans la guerre en Ukraine?
Son objectif est de restaurer l'empire russe. Il veut donc réintégrer l'Ukraine à la Russie d'une manière ou d'une autre.

«
Trump ne se soucie que du prix Nobel de la paix
John R. Bolton
»

Cela signifie que Poutine ne veut pas de cessez-le-feu et que les négociations ne servent à rien? Comment peut-on l'arrêter?
Il ne s'arrêtera que lorsqu'il pensera que la poursuite de la guerre lui coûte plus qu'il ne peut gagner. Au cours des trois ans et demi de guerre, l'Occident et l'Otan n'ont pas réagi efficacement à l'invasion. Nous avons certes apporté une aide suffisante pour que l'Ukraine ne perde pas la guerre, mais pas assez pour lui permettre de la gagner.

Que doit faire l'Europe maintenant?
Je ne pousserai pas l'Ukraine à suivre la proposition de Trump, qui veut faire plaisir à Poutine en lui cédant des terres. Trump ne se soucie que du prix Nobel de la paix.

Auriez-vous pensé que Trump diviserait un jour l'Occident et prendrait le monde à la gorge de la sorte?
Personne ne s'y attendait.

A quoi devons-nous encore nous attendre?
Cela va continuer dans le même style. La différence avec son premier mandat, c'est qu'il met désormais davantage en œuvre publiquement ce qu'il avait annoncé auparavant. Il a perdu toute inhibition.

Trump a sanctionné la Suisse avec un coup de massue tarifaire de 39%. Déteste-t-il la Suisse?
Personne ne peut l'expliquer. Vous savez, il a demandé une fois si la Finlande faisait encore partie de la Russie. Peut-être pense-t-il que la Suisse alémanique appartient à l'Allemagne, avec qui il a des problèmes. La bureaucratie commerciale américaine, qui négocie normalement un ou deux accords commerciaux par an, est complètement dépassée. On n'a même pas discuté dix minutes du tarif douanier suisse.

Comment la Suisse devrait-elle réagir? Rester calme ou prendre des contre-mesures ?
Le mieux est de serrer les dents et d'attendre. En appliquant des contre-taxes, la Suisse ne ferait que punir sa propre population.

Combien de temps faudra-il attendre?
Les droits de douane de Trump sont actuellement examinés par un tribunal. La prochaine instance est la Cour suprême. Beaucoup de gens pensent qu'un jugement pourrait être rendu avant la fin de l'année, et qu'il s'agirait d'un jugement qui invaliderait les droits de douane. Trump devra alors recommencer à zéro.

Trump accepterait-t-il une telle décision de justice?
Il le ferait certainement.

En tant que conseiller à la sécurité, à quel moment êtes-vous arrivé à la conclusion que quelque chose n'allait pas avec cet homme?
J'ai conclu très tôt, en raison d'une combinaison de différentes choses, que Trump n'était pas fait pour être président. Lors de l'assaut contre le Capitole et lorsqu'il a voulu empêcher le collège électoral d'annoncer le résultat des élections, il a pour moi franchi une limite. Je suis très inquiet pour le pays et pour le parti républicain, qui l'a finalement à nouveau désigné comme candidat.

Comment arrêter Trump?
Ce n'est pas facile. Mais il est important de le critiquer lorsqu'il prend de mauvaises décisions ou lorsqu'il se comporte de manière inacceptable.

Son vice-président J.D. Vance pourrait succéder à Trump en 2028. Il est fait de la même étoffe. Que faut-il attendre de lui?
De nombreux candidats se présenteront. Je ne pense pas que Vance sera nommé, car jusqu'à présent, seuls deux vice-présidents ont accédé à la présidence.

Avec qui les démocrates devraient-ils se présenter pour pouvoir détrôner les républicains?
Ils doivent trouver un candidat modéré. Pour Trump, les démocrates qui penchent trop à gauche sont une aubaine. Kamala Harris ne devrait donc pas se présenter, ses chances seraient quasiment nulles.

Votez-vous toujours pour les républicains?
En 2024, j'ai voté pour l'ancien vice-président de Trump, Mike Pence, un républicain qui remplit ses obligations constitutionnelles. Je n'aurais certainement pas voté pour Trump.


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