«Le pays perd de sa superbe»
Après une année compliquée, des experts inquiets du déclin de la Suisse

Après une année 2025 compliquée, le célèbre «Financial Times» évoque le déclin de la Suisse. Mais plusieurs tops managers helvétiques ne voient aucune raison de paniquer.
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Les observateurs étrangers estiment que la Suisse est sur la pente descendante.
Photo: aletheia25

Donald Trump, les droits de douane, la polémique autour du WEF, la question de l'UE, les prix des médicaments: l'année qui s'achève a été marquée par de nombreux événements susceptibles d'ébranler les fondements mêmes de notre pays. La question cruciale est la suivante: la Suisse peut-elle se réinventer en cette période de bouleversements? Son modèle de réussite est-il menacé à long terme?

Le «Financial Times» a posé ces questions – et d'autres – à des dirigeants helvétiques et étrangers afin de dresser un bilan de l'année 2025. La conclusion est intéressante: la plupart des dirigeants d'origine étrangère à la tête d'entreprises suisses s'inquiètent sérieusement de la situation dans nos contrées. La plupart des Suisses, en revanche, prennent les défis actuels et futurs avec sérénité, faisant une fois de plus confiance aux capacités d'auto-guérison de notre système qui a fait ses preuves depuis des décennies.

Lors d'un événement financier il y a quelques semaines, le président d'UBS, Colm Kelleher, a mis en garde contre le fait que la Suisse «perdait de sa superbe» et se trouvait à «un carrefour, avec des défis majeurs ». Outre les problèmes mentionnés ci-dessus, Colm Kellerher a également fait allusion à la concurrence accrue dans le domaine de la gestion de fortune internationale et aux projets de réglementation de la Confédération pour l'UBS.

Compétitivité menacée

Selon ses propres déclarations, le directeur d'une grande banque privée suisse aurait pris à partie le directeur d'UBS lors de ce même événement et aurait vivement critiqué le pessimisme de Colm Kelleher. Un Suisse qui ne comprenait absolument pas les critiques de l'Irlandais à l'égard de notre pays.

Mais le patron d'UBS n'est pas le seul à critiquer Berne: Severin Schwan, président de Roche, né en Autriche et titulaire d'un passeport allemand et suisse, a récemment averti lors d'une table ronde que la Suisse se trouvait dans une situation «critique». Le pays doit se faire «beaucoup de soucis» et se montrer très «méfiant». Selon Severin Schwan, le problème réside dans le fait que la Suisse, en raison de la lenteur de son processus décisionnel politique, n'est pas en mesure de s'adapter aux flux d'investissement changeants de l'économie mondiale, menaçant, de fait, sa compétitivité.

La forte hausse du franc

«Dans un pays qui préfère éviter de faire la Une de la presse internationale, de telles critiques émanant de piliers de l'élite économique témoignent à quel point cette année a été difficile pour la population», avance le «Financial Times». Dans les colonnes du journal britannique, Walter Thurnherr, Chancelier de la Confédération entre 2016 et 2023, résume la situation ainsi: «Un sentiment d'oppression, comme un élève harcelé par un plus grand dans la cour de récréation, sans qu'aucun enseignant ne soit à proximité.»

La Suisse est-elle si isolée? Et incapable de réagir rapidement et de manière appropriée à tous ces défis avec son système politique? Affirmer cela, c'est d'aller un peu vite en besogne, comme le déclarent différents cadres supérieurs d'origine suisse au «Financial Time». «Au niveau des entreprises et d'un point de vue économique, la Suisse a toujours prouvé qu'elle savait s'adapter à la pression. Nous avons d'excellents dirigeants et entrepreneurs», rappelle Philipp Hildebrand, vice-président de Blackrock et ancien président de la Banque nationale suisse. Avant d'ajouter: «Prenons l'exemple de l'appréciation de la monnaie: les Suisses ont réagi avec agilité à la pression exercée par la forte hausse du franc, et aujourd'hui, nos exportations restent solides et nos entreprises compétitives.»

«Aucun d'entre eux n'a eu raison»

D'autant plus que la Suisse prouve régulièrement sa capacité d'apprentissage, même si cela prend parfois du temps: «J'ai un peu honte de la position initiale qu'a prise de la Suisse par rapport à la guerre en Ukraine. Beaucoup en dehors de notre pays y ont vu un refus tacite de soutenir l'oppressé», déclare Daniel Daeniker, associé principal du cabinet d'avocats suisse Homburger. «Mais le débat au Parlement sur l'exportation du matériel de guerre, par exemple la livraison de nos chars à l'Allemagne pour soutenir Kiev, montre que nous nous sommes adaptés au fil du temps.»

Il semble donc encore un peu prématuré de parler de «déclin irréversible» concernant la Suisse: «Certains prédisent sans cesse la chute de notre pays, mais jusqu'à présent, aucun d'entre eux n'a eu raison», rajoute un financier helvétique préférant garder l'anonymat.

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