La Suisse est toujours plus sous pression pour autoriser les réexportations d'armes de fabrication helvétique. Actuellement, le gouvernement refuse systématiquement toute demande en raison de la neutralité. Le Parlement s'est emparé du sujet, mais il peine à trouver sa voie. Aucune véritable décision n'a été prise.
Le Conseil des États a rejeté lundi une première motion, voulant autoriser les réexportations pour certaines démocraties. Le National a lui fait mercredi un demi-pas vers un assouplissement. Par 98 voix contre 96 et 2 abstentions, il a adopté la première partie d'une motion, visant à abroger les déclarations de non-réexportation exigées de chaque acheteur sous conditions.
Le Conseil fédéral pourra le faire, sur demande d'un pays, si le Conseil de sécurité de l'ONU dénonce une violation du droit international dans une résolution. Aucun intérêt prépondérant de politique extérieure ne doit s'y opposer.
C'est toutefois déjà possible. Une résolution onusienne est contraignante et permet à la Suisse de sortir de sa neutralité, a pointé le ministre de l'Économie, Guy Parmelin: «Le Conseil fédéral pourrait déjà autoriser les réexportations de matériel de guerre dans ces conditions.»
Droit de veto paralysant
Aucune résolution n'a cependant encore été prise dans le cadre du conflit russo-ukrainien. Pour François Pointet (PVL/VD), c'est la faute au fonctionnement du Conseil de sécurité. «Certains pays ont un droit de veto. Il est donc quasiment impossible d'obtenir une reconnaissance formelle d'une violation du droit international», a critiqué le rapporteur de commission. La Russie ne votera par exemple jamais une résolution la sanctionnant.
Prenant en compte ce «fonctionnement critiquable», la commission avait prévu une seconde option. Les déclarations de non-réexportation pourraient être abrogées, si une majorité des deux tiers de l'Assemblée générale des Nations Unies constate une violation. Ce deuxième point a été refusé par 117 voix contre 78, rendant de facto la motion adoptée inoffensive.
«Abandonner la clause de non-réexportation est une manière hypocrite de précipiter la Suisse dans une guerre», a critiqué Jean-Luc Addor (UDC/VS), défendant une minorité hétéroclite. Berne ferait mieux de reprendre la main dans les bons offices. C'est sa meilleure carte. Et d'appeler à donner une chance à la paix, plutôt que d'agir sur le coup de l'émotion et de ruiner le reste de la neutralité helvétique.
«Si la Suisse favorisait l'Ukraine sur le plan militaire, elle violerait l'égalité de traitement exigé des pays neutres. Elle violerait ses obligations», a également jugé Guy Parmelin. L'acceptation de la motion mettrait le Conseil fédéral dans une situation très difficile.
Pléthore de propositions
Priska Seiler Graf (PS/ZH), également rapportrice de commission, a tenté de rappeler qu'il ne s'agit pas de livraisons directes d'armes: «Nous devons nous montrer solidaires, y compris dans la réexportation d'armes. Nous avons un intérêt à ce que l'Ukraine ne perde pas la guerre.» Sans grand succès.
Le Conseil des États doit encore approuver la motion revue. Pas moins de trois initiatives de commission sont par ailleurs dans le pipeline législatif. Les sénateurs pourraient préférer cette voie plus rapide. Les Chambres ne semblent toutefois pas près de s'accorder, retoquant à tour de rôle les propositions de l'autre.
(ATS)