Crainte d'une vague de fentanyl
Bâle anticipe le pire scénario lié à la consommation de drogue

A Bâle, la cocaïne domine la scène de la drogue, souvent consommée sous forme de «freebase». Les autorités s'inquiètent de l'arrivée potentielle d'opioïdes synthétiques comme le fentanyl.
Publié: 27.05.2025 à 21:57 heures
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La police bâloise patrouille de plus en plus les points chauds liés à la drogue.
Photo: Zvg
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Andreas Schmid

La cocaïne a supplanté l’héroïne dans les principaux foyers de consommation de drogues en Suisse. Dans certaines villes, de nouvelles scènes de dépendance émergent, notamment dans les parcs et aux abords des gares. La vision de consommateurs de crack en état de grande détresse choque de plus en plus les passants.

Mardi dernier, l’Office fédéral de la santé publique (OFSP) a réuni des responsables municipaux et cantonaux ainsi que des spécialistes de la lutte contre la drogue autour d’une table ronde. L’objectif: discuter des moyens à mettre en œuvre pour mieux faire face à la consommation et au trafic de cocaïne et de crack.

A l’instar de la période où l’héroïne régnait sur le marché, les spécialistes s’appuient sur une stratégie dite des «quatre piliers»: prévention, réduction des risques, traitement et répression. A cela s’ajoutent des mesures spécifiques, car le crack, bon marché et disponible en grande quantité, se répand rapidement. Très puissant, il pousse les consommateurs à fumer à intervalles très rapprochés, accentuant ainsi la dépendance.

Une évolution inquiétante

Le canton de Bâle-Ville fait lui aussi face depuis quelque temps à une nouvelle scène de la drogue. La cocaïne y domine, explique Regine Steinauer, responsable du service des addictions au département cantonal de la santé. Les toxicomanes consomment souvent cette drogue sous forme de «freebase» – de la cocaïne chauffée avec de l’ammoniaque. Plus rarement, ils utilisent des briques de crack prêtes à l’emploi, c’est-à-dire de la cocaïne mélangée avec du bicarbonate de soude. 

Regine Steinauer ne peut toutefois pas expliquer pourquoi cette situation diffère de celle observée en Suisse romande. Cependant, comme la préparation de la freebase demande un certain temps, la fréquence de consommation y est moins élevée que pour le crack.

Mécontentement dans le quartier du Petit-Bâle

Selon Regine Steinauer, environ 170 personnes fréquentent régulièrement les centres d’aide aux toxicomanes à Bâle. Plus des trois quarts d’entre elles consomment de la cocaïne. Il est toutefois impossible d’évaluer précisément le nombre de personnes dépendantes en dehors de ces structures.

Le mécontentement grandit surtout lorsque le phénomène devient visible, notamment sur les places et dans les parcs. C’est ce qui avait alarmé la population du Petit-Bâle durant l’été 2023, lorsque près d’une trentaine de personnes dépendantes se retrouvaient presque chaque nuit dans le quartier. Grâce à une collaboration étroite avec la police, les autorités bâloises ont réussi à disperser les consommateurs. 

Peur des drogues de synthèse

La cocaïne ayant remplacé l'héroïne comme drogue la plus consommée, l'experte Regine Steinauer craint que les opioïdes synthétiques ne conquièrent eux aussi le marché bâlois et que des substances comme le fentanyl, l'oxycodone ou le nitazène ne soient mises en circulation. «Jusqu'à présent, celles-ci ne sont apparues en Suisse que par le biais d'achats isolés sur le darknet», dit-elle. Malgré tout, le canton se prépare méticuleusement au scénario d'horreur qui verrait le jour si des dealers commençaient à vendre du fentanyl à Bâle.

Regine Steinauer fait remarquer que le fentanyl est déjà commercialisé dans des villes allemandes proches, comme Francfort, et que «les frontières n'existent que sur le papier». L'évolution est imprévisible, dit la spécialiste. C'est pourquoi le canton de Bâle-Ville a constitué, il y a un an déjà, un groupe de travail «opioïdes synthétiques». Ce groupe effectue un monitoring au sein du canton. Il s'occupe également des formes de traitement et entretient des contacts avec l'étranger.

Echange international

Le groupe de travail s'appuie notamment sur des liens avec le Canada et les Etats-Unis, où des dizaines de milliers de personnes sont déjà mortes à cause de la consommation de fentanyl, un opioïde couramment utilisé comme antidouleur. Deux médecins qui travaillaient autrefois à Vancouver et qui travaillent désormais aux Cliniques universitaires de Bâle échangent avec des collègues américains et canadiens sur les expériences et les développements outre-mer. Regine Steinauer souligne: «Nous voulons être préparés à toute éventualité».

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