Ce papa suisse n'a pas pu soutenir sa conjointe
«Un congé parental de trois mois nous aurait coûté 12'000 francs»

En Suisse, les pères souhaitant passer plus de deux semaines à la maison après la naissance de leur enfant doivent en assumer eux-mêmes les coûts. Simon Preissig le sait mieux que quiconque. Il se livre sur son expérience et plaide pour un congé parental plus équitable.
Publié: 27.05.2025 à 08:58 heures
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Simon Preisig aurait aimé soutenir davantage sa compagne après la naissance de leur fils, mais les coûts étaient trop élevés.
Photo: Philippe Rossier
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Lorsque sa femme tombe enceinte, Simon Preisig se fixe un objectif clair: il veut être un père présent et engagé, à égalité avec sa partenaire. Dès le départ, ce papa suisse souhaite consacrer autant de temps que sa conjointe à l’éducation de leur enfant, tout en la soutenant dans sa carrière. Pour y parvenir, il prévoit de prendre un congé parental de trois à quatre mois.

Mais très vite, il se heurte aux limites du système. Légalement, il n’a droit qu’à deux semaines de congé paternité. Son employeur lui en accorde deux supplémentaires. Pour le reste, il devra payer de sa poche. En travaillant à 70%, cela représente une perte de revenu de 1200 francs par semaine. Après avoir calculé les économies fiscales liées à la baisse de revenu, il estime que trois mois de congé supplémentaire lui coûteraient environ 12'000 francs.

Un montant jugé trop élevé par le couple et Simon Preisig finit par réduire son congé à six semaines. «Avec du recul, cela me semble ridicule», confie-t-il aujourd’hui. Leur fils a maintenant presque deux ans, et Simon Preisig milite activement, dans le cadre de son travail chez Alliance F – la faîtière des sociétés féminines suisses – pour un congé parental plus équitable.

Une mère sur neuf quitte le marché du travail

En l’absence d’un congé parental prolongé, c’est sa compagne qui prend le relais à la maison. Mais leur bébé refuse le biberon. Lorsqu’elle reprend le travail, la maman doit se rendre chaque jour à la crèche pour allaiter. L’épuisement est total et son retour au travail se solde par un échec.

Ce scénario est loin d’être rare en Suisse. Selon une étude fédérale de 2021, bien que 82% des mères soient actives, une sur neuf quitte le marché du travail après la naissance du premier enfant. En parallèle, le taux de travail à temps partiel double chez les femmes. A l’inverse, l’arrivée d’un enfant a peu d’impact sur l’activité professionnelle des pères.

L'initiative sur le congé parental veut remédier à cette situation. Elle propose de porter à 18 semaines le congé alloué à chaque parent, contre 14 semaines actuellement pour les mères et seulement deux pour les pères. Cette initiative est portée par Alliance F, Les Vert-e-s, le Centre Femmes, les Vert’libéraux et la faîtière des travailleurs Travail.Suisse.

La Suisse à la traîne

«Le système actuel perpétue les inégalités», déplore Fabienne Forster, psychothérapeute spécialisée dans l’accompagnement des jeunes parents. Elle observe fréquemment un retour aux rôles traditionnels après la naissance, accentué par l’isolement prolongé des mères à la maison. Résultat: une fatigue généralisée et, dans un cas sur six, une dépression post-partum.

Fabienne Forster estime que les 18 semaines prévues pour chaque parent constituent un strict minimum. «Quatorze semaines, c’est souvent trop court pour permettre une reprise du travail dans de bonnes conditions», affirme-t-elle. 

En comparaison internationale, la Suisse est largement en retard. La moyenne dans les pays de l’OCDE équivalents est d’environ 52 semaines de congé parental partagé. «Des études menées dans ces pays montrent qu’un congé parental plus long a des effets positifs tant sur la santé des parents que sur celle des enfants», ajoute Fabienne Forster.

Les opposants mettent en garde contre les coûts élevés

Les opposants à l’initiative font valoir que 36 semaines seraient trop coûteuses. «Cela représenterait une charge financière importante pour l’économie suisse et risquerait d’aggraver la pénurie de main-d’œuvre qualifiée», estime Josef Dittli, conseiller aux Etats du Parti libéral-radical (PLR). Il craint également que les femmes aient plus de difficultés à reprendre leur carrière après une interruption aussi longue, ce qui nuirait à l’égalité professionnelle.

Josef Dittli propose plutôt de développer des modèles qui ont fait leurs preuves afin de renforcer la compatibilité entre vie familiale et professionnelle, par exemple en développant des places de crèches plus flexibles ou en renforçant les solutions individuelles entre employés et employeurs. La commission compétente du Conseil national s'est également prononcée contre une extension du congé parental.

L’étude menée par le bureau Ecoplan évalue les indemnités liées à l’initiative à 1,89 milliard de francs par an, soit le double du coût actuel. Toutefois, elle prévoit un effet positif à long terme: inspirée d’expériences à l’étranger, l’étude estime que les femmes gagneraient en moyenne 2,5% de plus après un congé parental, compensant ainsi les coûts par des recettes fiscales et sociales accrues au bout de 25 ans.

Les coûts sont supportés par les familles

Simon Preisig, lui, en a déjà fait l’expérience. «Ma compagne travaillerait aujourd’hui entre 10 et 20% de plus et aurait probablement pu poursuivre une carrière de cadre», confie-t-il. A défaut de temps et de soutien, elle a dû changer d’emploi et renoncer à ses responsabilités de direction.

«En tant que père, j’aurais aussi souhaité être davantage impliqué», ajoute-t-il. Bien sûr, un congé prolongé représente un coût. «Mais au final, ce sont les familles qui assument ces charges, alors que la société bénéficie des enfants qu’elles élèvent.» Pour Simon Preisig, la question du congé parental est même devenue déterminante pour envisager un deuxième enfant.

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