Ça fume dans le laboratoire d'idées
Le directeur d'Avenir Suisse, Peter Grünefelder, est sous pression

Après sa campagne électorale ratée à Zurich, le très controversé directeur d'Avenir Suisse Peter Grünenfelder pourrait devoir quitter le laboratoire d'idées suisse d'inspiration libérale. Une liste de successeurs potentiels circule déjà.
Publié: 15.03.2023 à 05:59 heures
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Dernière mise à jour: 15.03.2023 à 06:43 heures
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Peter Grünenfelder est directeur du groupe de réflexion libéral Avenir Suisse depuis bientôt sept ans.
Photo: Keystone
Beat Schmid

L’atmosphère est pesante chez Avenir Suisse. Comme l’a appris Blick, certaines forces au sein du conseil de fondation veulent se débarrasser de Peter Grünenfelder, le directeur actuel du laboratoire d’idées libéral. Une liste avec les noms de candidats au remplacement existerait déjà. Certes, le directeur du groupe de réflexion est habitué à être sous le feu des critiques depuis son arrivée il y a bientôt sept ans. Mais la situation semble désormais s’envenimer.

L’élément déclencheur a été la campagne électorale infructueuse de Peter Grünenfelder, qui est aussi politicien PLR, pour un siège au Conseil d’État zurichois. Avec sa rhétorique incisive et ses critiques acerbes à l’encontre de la politique de dépenses du canton et de la responsable de l’éducation Silvia Steiner (Centre), il ne s’est pas seulement rendu impopulaire au sein de l’establishment politique, mais il a également été mal accueilli par les électrices et les électeurs.

«L’homme qui a échoué»

L’intellectuel libéral a parfois surpris par ses prises de position irritantes. Avant sa candidature, il défendait encore l’accord-cadre et le développement des relations avec l’Union européenne (UE). Mais durant la campagne électorale, il ne s’est plus guère exprimé sur les relations avec Bruxelles. Il a plutôt cherché à se rapprocher de l’UDC et a fièrement annoncé que Christoph Blocher recommandait son élection.

Tout cela n’a servi à rien. Même pas lorsque le quinquagénaire a évoqué en public sa vie de famille avec son bébé et son épouse. Peter Grünenfelder est marié à la conseillère nationale PLR Christa Markwalder et a eu un fils avec elle.

Dans une analyse électorale, la «NZZ» a qualifié Peter Grünenfelder d'«homme qui a échoué». Lui trouvait qu’il était le bon candidat. Il a commenté sa défaite avec défiance: «Le temps n’est manifestement pas encore mûr pour un large renouvellement dans le canton de Zurich.»

Un groupe de réflexion comme chauffe-eau du PLR

La raison profonde de la discorde est que Peter Grünenfelder a tellement soudé Avenir Suisse au PLR que les deux entités sont désormais pratiquement indissociables. Certes, il avait déjà transformé le groupe de réflexion en chauffe-eau pour les positions du PLR. Mais avec son entrée dans la course au Conseil d’État, il est devenu évident qu’il n’y avait plus de grande différence entre le parti et le groupe de réflexion libéral.

«Avenir Suisse est devenu, dans une certaine mesure, une usine à penser du PLR», déclarait déjà l’un des initiateurs de l’organisation, l’économiste Peter Buomberger, il y a un an au journal de gauche «P.S.». Pour certains membres du conseil de fondation, Peter Grünenfelder est ainsi entré dans une zone de non-droit.

Ses prédécesseurs avaient, eux aussi, une position clairement libérale. Mais ni l’ancien chef de la rubrique économique de la «NZZ» Gerhard Schwarz, ni le premier directeur du laboratoire d’idées Thomas Held n’appartenaient à un parti. Ils ont pris la liberté de donner des pistes de réflexion dans toutes les directions – et de parfois heurter le PLR avec leurs prises de position.

33 managers, presque tous des hommes

Le conseil de fondation d’Avenir Suisse compte 33 dirigeants économiques, pour la plupart des hommes, qui représentent les plus grands groupes de Suisse: des poids lourds comme Paul Bulcke (Néstle), Jörg Reinhardt (Novartis), Peter Voser (ABB) ou Sergio Ermotti (Swiss Re). Le président de Credit Suisse Axel Lehmann est également membre de cet organe.

Le président du conseil de fondation est Michel Liès de la Zurich Assurance. Le Luxembourgeois dirige également le comité directeur, véritable centre de pouvoir de la fondation, responsable de la surveillance des activités opérationnelles et de l’approbation des priorités thématiques.

Blick a contacté Michel Liès pour le questionner sur l’avenir de Peter Grünenfelder et sur d’éventuels candidats à sa succession. Nos interrogations sont restées sans réponse. Le professeur saint-gallois Reto Föllmi, également membre du comité directeur, n’a pas souhaité s’exprimer au téléphone. L’industriel Giorgio Behr et Andreas Schmid, qui a été président d’Avenir Suisse jusqu’en 2020 et qui est aujourd’hui membre du comité de nomination, sont aussi restés muets.

L’ancienne directrice de BKW, Suzanne Thoma, qui dirige aujourd’hui le groupe industriel Sulzer, est vice-présidente de la fondation ainsi que présidente du comité de nomination. Elle a simplement fait savoir qu’elle ne pouvait pas s’exprimer sur les problèmes du groupe de réflexion, car elle n’en avait connaissance d’aucun.

«Tout est possible»

Peter Grünenfelder, joint par téléphone, a lui-même réagi avec irritation aux questions sur son futur chez Avenir Suisse. Il n’était pas disposé à répondre à la question de savoir s’il se sent encore soutenu par le conseil de fondation.

Mais si le point de non-retour est proche, Peter Grünenfelder va-t-il devoir quitter le groupe de réflexion libéral? «Tout est possible», répond un membre du conseil de fondation qui a souhaité conserver l’anonymat. Si Peter Grünenfelder reste, certains représentants plutôt conservateurs et sceptiques à l’égard de l’UE pourraient toutefois reconsidérer leur engagement.

À Lucerne, l’Institut pour la politique économique suisse, dirigée par le professeur Christoph Schaltegger et René Scheu, ex-chef de rubrique de la «NZZ», constitue une plate-forme concurrente. Elle a un positionnement plus conservateur et n’a pas d’orientation partisane. Parmi ses bailleurs de fonds figurent des industriels comme Alfred N. Schindler, président du groupe du même nom, et Michael Pieper, propriétaire du groupe Franke.

*Le journaliste Beat Schmid écrit sur des sujets financiers pour le «SonntagsBlick». Il est l’éditeur du média en ligne tippinpoint.ch.


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