Ils ont en horreur le gaspillage et veillent à la bonne utilisation de l’argent du contribuable: le Contrôle fédéral des finances (CDF), dirigé par Pascal Stirnimann, s’assure au quotidien que l’Etat fonctionne de manière juste et efficace. Ses inspecteurs examinent les transactions, repèrent les mauvaises décisions et donnent l’alerte lorsqu’ils constatent qu’un projet dérape. Ils sont les plus hauts responsables de la surveillance financière en Suisse.
Un rôle qui leur permet notamment d’émettre ce que l’on appelle des «recommandations importantes», destinées à améliorer l’action de l’Etat. Pourtant, celles-ci ne sont pas toujours mises en œuvre.
25 recommandations en attente
C’est pourquoi les surveillants de la finance tiennent une sorte de liste des lacunes dans laquelle figurent toutes les «recommandations importantes» qui ont été acceptées, mais pas appliquées dans les délais impartis. Autrement dit: cette liste recense certaines des plus grandes incompétences de Berne!
La liste des lacunes figure toujours à la fin du rapport d’activité du CDF. Mais impossible d’y échapper: les autorités auditées doivent «rendre compte chaque année de l’état d’avancement de la mise en œuvre des recommandations».
Le Conseil fédéral a également une part de responsabilité à cet égard, souligne le CDF: «La loi stipule qu’il doit superviser la mise en œuvre des recommandations qui dépassent trop les délais impartis.»
L’analyse réalisée par Blick montre que la liste actuelle – pour 2024 – compte 25 recommandations en attente de mise en œuvre. Un chiffre en hausse. En effet, l’année passée, ce chiffre s’élevait à 17; en 2022 à 18; et au cours des cinq dernières années, le nombre de recommandations en suspens a oscillé entre 8 et 18.
Que trouve-t-on dans la liste des lacunes?
Qu’est-ce qui figure sur cette liste des lacunes? Un exemple: deux recommandations sur la gestion du matériel militaire hors d’usage qui sont restées lettre morte. Les contrôleurs avaient constaté il y a des années déjà que la Confédération en stockait une quantité considérable, à un coût exorbitant. Or, dans certains cas, le suivi de ces coûts a été interrompu. Le CDF a donc recommandé l’indispensable mise en place de stratégies claires. Celles-ci auraient dû être mises en œuvre avant la fin de l’année 2015.
Autre exemple: une recommandation adressée au Bureau central d’indemnisation pour l’assurance vieillesse et survivants (AVS) et l’assurance invalidité (AI) a, elle aussi, pris un certain retard. Le CDF a fait valoir que l’automatisation du traitement des factures était nécessaire pour une meilleure efficacité des services. Sa mise en œuvre était prévue pour novembre 2018.
Troisième exemple: le Contrôle fédéral des finances a estimé que le système informatique du registre du commerce de l’Office fédéral de la justice devrait être simplifié. Une application unique pour tous les offices helvétiques serait plus efficace, mais aussi moins chère. Le délai initial était fixé pour fin 2019.
Des aspirations parfois irréalistes
En général, le Contrôle fédéral des finances fait l’éloge des autorités fédérales: leurs recommandations sont presque toujours acceptées par les services audités, à de très rares exceptions près. Le porte-parole du CDF Arnaud Bonvin affirme que leur volonté d’amélioration est «très élevée» et ajoute que «les recommandations finissent par être mises en œuvre, même si souvent ce n’est pas dans les délais convenus».
Mais pourquoi la mise en œuvre de certaines recommandations sont retardées de plusieurs années? L’autorité du contrôle financier avance deux raisons. Premièrement, les services contrôlés se fixent leurs propres délais, qui s’avèrent parfois tout simplement irréalistes. «Il y a alors un décalage entre les aspirations et la réalité», explique Arnaud Bonvin. La volonté de remédier aux lacunes reste toutefois intacte et un délai supplémentaire est alors accordé.
Deuxièmement, il arrive parfois que les autorités déclarent une recommandation comme «mise en œuvre», tandis que le CDF conclut le contraire après sa propre analyse. Dans de tels cas, les responsables sont invités à prendre des mesures supplémentaires pour améliorer la situation.
Une liste?
La liste doit-elle également servir à dénoncer publiquement les autorités défaillantes? «La publication est une obligation légale», souligne le Contrôle fédéral des finances (CDF). Celui-ci ne pense pas que la liste en elle-même aura un effet disciplinaire. Pour garantir l’application des recommandations, l’autorité de contrôle financier mise sur d’autres moyens: un contrôle susceptible d’être renforcé et, si nécessaire, la saisine des autorités supérieures.
Dernièrement, la majorité des recommandations en suspens concernaient le Département fédéral de la Défense, de la Protection civile et du Sport (DDPS), dirigé par Martin Pfister, qui a succédé à Viola Amherd au printemps dernier. Six dossiers parmi les 25 en provenaient.
Vient ensuite le Département fédéral des Finances (DFF), dirigé par Karin Keller-Sutter, avec cinq recommandations en suspens. La situation était similaire l’année précédente. Simple coïncidence? Oui, affirme le Contrôle fédéral des finances. «Aucune tendance ne peut être identifiée; cela dépend de nombreux facteurs.» Toutefois, une chose est sûre: les délais qui dépassent de plusieurs années la date de mise en œuvre initiale peuvent, selon le CDF, «avoir des raisons plausibles, mais ils sont le signe que le défaut signalé persiste depuis plusieurs années».