C’est une accusation plutôt lourde de conséquences. Un lecteur de Blick, Damian R.* l’affirme pourtant: «La compagnie aérienne Swiss utilise mes données personnelles pour gonfler ses recettes!»
Comment expliquer une telle colère? La filiale suisse de Lufthansa a récemment rendu payant le changement de siège lors de l’enregistrement lorsqu’on voyage avec les billets les moins chers (la catégorie Light). Problème: des clients assurent que Swiss utilise leurs préférences de placement pour leur proposer exprès des sièges qui ne leur conviennent pas… Et ainsi empocher de juteux frais de changements de siège.
Des préférences utilisées à mauvais escient?
Damian souhaite rester anonyme. Cet homme de 58 ans travaille dans le secteur de l’aviation et y est assez connu. Comme le Zurichois prend régulièrement l’avion, il dispose d’un profil client aussi bien chez Swiss que dans le programme de fidélisation «Miles & More» du groupe Lufthansa.
Outre les informations personnelles habituelles et les modalités de paiement, ce profil contient également ses préférences en matière de siège. Damian y a par exemple indiqué qu’il préfère toujours avoir une place couloir lorsqu’il voyage avec Swiss.
«Avant, mes préférences étaient précisément prises en compte», détaille Damian. Cela a changé à partir de fin juin 2022 avec l’introduction du changement de siège payant chez Swiss. «Depuis, j’obtiens toujours une place fenêtre et je dois ensuite débourser 30 francs pour obtenir une place couloir», s’énerve le cinquantenaire.
Ce dernier avance que l’attribution automatique des places est programmée pour faire le contraire de ce qu’un passager souhaite, afin de le pousser ensuite à changer sa réservation et à débourser les frais de modification.
Damian ne peut factuellement pas prouver sa théorie. Mais lors de son dernier vol Swiss, il a fait un test en définissant son souhait de placement sur un siège fenêtre et a rapidement obtenu un siège couloir. Lors du vol de retour, il a fait le test inverse, et a été placé côté hublot. Son expérience personnelle pousse ainsi le lecteur de Blick à penser que le système est conçu pour attribuer des sièges à l’inverse des préférences des passagers.
Plus d’indication de préférence
Si Damian R.* avait raison, le système aurait de quoi scandaliser. «Nous réfutons avec véhémence ce reproche», se défend logiquement Karin Montani, porte-parole de Swiss, confrontée par Blick à ce propos.
Le champ des préférences enregistré dans le profil ne serait plus utilisé pour l’attribution des sièges – et ce, avant même l’introduction du changement de siège payant, assure la représentante. Cela s’explique par le fait que les procédures de réservation ont été harmonisées chez toutes les compagnies aériennes du groupe Lufthansa.
Depuis le 23 février 2023, les préférences sont tout simplement ignorées. «Dans le cadre de l’introduction du Travel ID, aucune préférence de siège ne sera plus relevée», annonce Karin Montani à propos de cette nouveauté. Le Travel ID permet un accès uniforme aux canaux numériques de toutes les compagnies aériennes du groupe Lufthansa ainsi qu’à «Miles & More».
Des frais uniquement pour le tarif Light
Le changement de siège payant ne s’applique en outre qu’aux passagers voyageant en Europe avec la catégorie de billet Light, soit la moins chère disponible. Celle-ci n’inclut ni la réservation gratuite d’un siège, ni le changement gratuit de siège lors de l’enregistrement. Dans les autres catégories tarifaires, Classic et Flex, le changement de siège gratuit à l’enregistrement est inclus.
«Je ne peux et ne veux rien dire sur le cas présent, car nous ne connaissons aucun détail et n’avons donc pas pu faire de vérification», déclare Karin Montani en référence au cas de Damian R.*.
Le modèle commercial avec les souhaits de places
Une compagnie comme Swiss ne peut pas se permettre de tricher avec les données pour optimiser ses recettes. Néanmoins, le cas des frais supplémentaires pour l’attribution de sièges questionne.
Ceux-ci s’adressent aux personnes qui ont une envie très précise pour leur siège ou aux parents nerveux qui acceptent de payer des frais supplémentaires élevés pour ne pas être séparés de leurs enfants sur un vol. Selon une estimation d’Ideaworks, ces frais supplémentaires et autres revenus, appelés «Ancillary Fees», ont rapporté au total 103 milliards de dollars aux compagnies aériennes l’année dernière.
Karin Montani assure que l’attribution automatique des sièges se base en premier lieu sur le fait que l’on voyage seul, à deux, en groupe, en famille ou avec un animal. En théorie, il est également possible dans de tels cas que l’on ne soit pas assis ensemble: par exemple, quand presque tous les sièges de l’avion sont occupés par des passagers qui ont effectué une réservation de siège payante. Mais il s’agit là d’un «scénario très peu réaliste», soutient la porte-parole de Swiss.
Si l’on veut être certain d’obtenir la configuration de sièges souhaitée, il faut en fait effectuer une réservation de siège payante au moment de la réservation. Ainsi, il n’y aura pas de mauvaise surprise lors de l’enregistrement. Ou alors, on réserve une classe tarifaire supérieure, qui permet de changer de siège gratuitement.
Dans les deux cas, la compagnie aérienne gagne de l’argent sur les désirs ou les craintes de ses passagers.
*Nom connu de la rédaction