Art, montres, vins, etc.
Les riches boudent les produits de luxe... et la Suisse n'est pas épargnée

De l'art à moitié prix, des voitures de collection de rêve qui ne trouvent pas preneur et des grands crus français à un prix dérisoire: les riches dépensent moins d'argent, même en Suisse. Le marché des produits de luxe traverse une période difficile.
Publié: 19.05.2025 à 12:03 heures
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Ce Picasso a été vendu il y a quelques jours aux enchères par Sotheby's pour 15,1 millions de dollars.
Photo: IMAGO/ZUMA Press Wire
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Martin Schmidt

En Suisse, le coeur n'est pas aux dépenses actuellement. En avril, la tendance à la consommation a encore reculé, alors qu’elle était déjà faible les mois précédents. Et la classe moyenne n'est pas la seule à être sur la retenue: les plus fortunés se montrent eux-aussi plus prudents.

Dernier exemple en date: lors d’une vente aux enchères de voitures anciennes de luxe organisée par Emil Frey Classics, très peu de véhicules auraient trouvé preneur, selon une source qui s'est confiée à Blick. Sollicitée à plusieurs reprises, la maison de ventes n’a pas donné suite à nos questions.

Le marché de l’art n’échappe pas à cette tendance. Les prix ont chuté de manière spectaculaire, parfois de moitié, alors que certaines œuvres ne trouvent tout simplement pas preneur. Interrogé à ce sujet, Art Basel admet ressentir les effets d’un environnement économique tendu: «Cela touche particulièrement le segment haut de gamme. Les œuvres à plus de 10 millions de dollars changent de mains moins fréquemment. Les collectionneurs deviennent plus sélectifs et réfléchissent davantage à leurs investissements.»

Un marché de l'art en pleine mutation

A l’échelle mondiale, le ralentissement est net. Le chiffre d’affaires du marché de l’art a reculé de 12% en 2024 par rapport à l'année précédente, selon le Global Art Market Report. Les œuvres les plus chères sont aussi les plus touchées. Les ventes aux enchères publiques ont notamment chuté de 25%. En revanche les ventes des galeries et des marchands d'arts n’ont reculé que de 6%, faisant preuve d’une certaine résilience.

Le œuvres aux prix plus modestes s’en sortent bien mieux. A Berne, la maison de ventes Dobiaschofsky le confirme: les petites œuvres se vendent encore, mais la demande pour les artistes régionaux reste fragile. Globalement, les acheteurs sont devenus plus exigeants.

«Il est en effet indéniable que les maisons de vente aux enchères et le marché de l'art en général sont au cœur d'un changement radical», déclare Thomas Boller, expert zurichois du marché de l'art et ancien spécialiste chez Sotheby’s. Il prédit une réduction du nombre de grandes maisons internationales et estime que seules les petites structures bien positionnées et attentives à la fidélisation du client pourront tirer leur épingle du jeu. En revanche, les acteurs de taille intermédiaire risquent d’avoir le plus de mal à s’adapter. L'expert note aussi que chez les jeunes fortunés, la possession d’œuvres d’art perd de son attrait.

Les exportations suisses fortement touchées

Ce repli touche également l’industrie horlogère suisse, en particulier sur les marchés clés comme celui des Etats-Unis. «Les droits de douane créent un climat d’incertitude», explique Karine Szegedi, spécialiste en horlogerie et en produits de luxe auprès du cabinet de conseil Deloitte. «Et pour les produits de luxe, les consommateurs sont aujourd’hui plus réticents à dépenser.»

Même la classe supérieure américaine réagit fortement aux turbulences boursières qui influencent les comportements d’achat. «Seules les personnes extrêmement fortunées restent relativement insensibles à ces fluctuations», poursuit-elle. En Chine, autre pilier du marché du luxe, la reprise se fait toujours attendre.

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Les consommateurs semblent davantage réfléchir à ce qu’ils obtiennent réellement pour leur argent
Manuel Lang, analyste chez Vontobel
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Les accessoires de luxe tels que les sacs à main haut de gamme ne sont pas épargnés. «Les consommateurs semblent davantage réfléchir à ce qu’ils obtiennent réellement pour leur argent», analyse Manuel Lang, analyste chez Vontobel. A l’inverse, les ventes de bijoux de marque sont en hausse, ce marché étant réputé pour sa stabilité en période d’incertitude. 

Même les grands crus trinquent

Pour les sacs, le rapport qualité-prix est de plus en plus remis en question. Il faut dire que leur prix ont fortement augmenté ces dernières années, alors que certaines marques sont critiquées pour leur production à bas coût. Selon Manuel Lang, ce sont surtout les acheteurs de luxe occasionnels, moins aisés, qui freinent leurs dépenses. «S’ils n’ont plus les moyens ou plus l’envie d’acheter du luxe, ils se tournent vers le segment premium. Au lieu de Gucci, ce sera Ralph Lauren.»

Le marché du vin de prestige n’est pas en reste. Les cognacs et les champagnes souffrent d’un recul des ventes. Quant aux vins raffinés français, ils se vendent à des prix historiquement bas. Un Château Cheval Blanc, par exemple, s'acquiert désormais autour de 330 francs, soit un tiers de moins que l’an dernier.

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